Par Christelle Néant pour Ir-Press
Le 17 mai 2024, la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) a accepté l’ouverture d’une procédure contre l’Ukraine pour torture sur un soldat russe : Denis Reznikov. Si ce nom ne vous dit peut-être rien, ceux qui me suivent régulièrement reconnaîtront peut-être son visage. Il s’agit du père de la jeune Elizaveta que j’avais interviewée fin mars 2024 après que l’Ukraine ait commencé à vouloir lui faire commettre des crimes en échange de la vie de son père, capturé par l’armée ukrainienne.
Voir l’interview détaillée sous-titrée en français :
L’Ukraine fait du chantage sur une adolescente pour lui faire commettre des crimes
Denis est un mineur du Donbass qui s’est porté volontaire en 2022 pour protéger sa patrie. Il a une femme, Anastasia, et une fille, Elizaveta. Fin mars 2024, après plusieurs semaines d’absence totale de communication, Elizaveta est contactée par un homme qui lui annonce que son père a été blessé et capturé par l’armée ukrainienne. Et que si elle ne fait pas ce qu’il demande, alors il arrivera des choses à son père.
L’adolescente comprend vite que les tâches à accomplir seront très certainement des crimes, et décide d’en parler à sa mère. Elles décident de médiatiser l’affaire afin de donner une chance à Denis de s’en sortir. De fait, le dernier ordre reçu par Elizaveta lui demandait d’aller photographier l’emplacement d’un bâtiment militaire, ce qui est ni plus ni moins que de la trahison. Un crime qu’elle refuse de commettre. Depuis lors elle est sans nouvelles de son père.
La CEDH se réveille
Mais la médiatisation internationale de l’affaire a porté ses fruits.La militante des droits de l’homme Irina Vikhoreva, originaire de Donetsk, mais qui vit en Italie, a décidé de prendre en main le dossier. Son organisation « Speranza » engage un avocat pour Elizaveta et Anastasia, et envoie deux demandes : une au Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et une auprès de la CEDH.
Quelques semaines plus tard, le CPT a répondu à la demande de l’avocat et indiqué que Denis Reznikov avait été ajouté à sa liste. Ils ont promis de s’enquérir des circonstances de sa captivité, et de ses conditions de détention dès qu’un employé du CPT se rendrait en Ukraine.
Puis, le 17 mai 2024, c’est la CEDH qui répond, en acceptant d’ouvrir une procédure contre l’Ukraine pour torture sur Denis Reznikov. L’avocat d’Elizaveta a désormais jusqu’à fin juin pour déposer tous les documents et preuves étayant la plainte.
L’avocat a aussi contacté le ministère suisse des Affaires étrangères, et lui a fourni des preuves de la torture exercée sur Denis Reznikov. La raison derrière cette démarche est que lors du « sommet international de la paix », qui se tiendra en Suisse à la mi-juin, l’un des sujets qui sera abordés concerne justement les prisonniers de guerre. D’après la médiatrice aux droits de l’homme de la RPD, Daria Morozova, Denis Reznikov est déjà inclus dans la liste des prisonniers susceptibles d’être échangés, ce qui laisse de l’espoir.
Un espoir d’autant plus grand que la CEDH semble enfin s’être décidé à faire son travail (il faut rappeler que cette instance n’a jamais pris en compte les milliers de plaintes d’habitants du Donbass pour crimes de guerre commis par l’Ukraine depuis 2014). Il semble que la médiatisation internationale autour de ce cas précis de torture, et les preuves rendues publiques, aient obligé la CEDH à ne pas fermer les yeux comme elle le fait d’habitude. Il reste à voir si la cour ira jusqu’au bout de la démarche et jugera de manière impartiale l’Ukraine pour torture sur ce soldat russe, et que ce dernier sera rapidement rendu à sa famille.
Christelle Néant
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Gardons espoir, pour lui, et qui sait si cela pouvait faire jurisprudence … Comme quoi, l’opinion publique a un certain poids, car il peut susciter la peur chez ceux qui ont du pouvoir.
Courage à Denis et à sa famille.