Par Andrew Korybko sur Substack

La Russie ne peut rien attendre en retour de l’UE si Poutine accepte de permettre à ses troupes et à ses avions de se déployer et de patrouiller dans l’ouest de l’Ukraine.
La Russie avertit depuis longtemps que tout cessez-le-feu inconditionnel en Ukraine, du type de celui de 30 jours proposé par Zelensky , pourrait permettre à l’OTAN d’étendre son influence militaire dans ce pays. Jusqu’ici qualifiée de théorie du complot par l’Occident, Radio Liberty vient de vendre la mèche. Les responsables anonymes cités dans leur récent article ont confirmé qu’ils envisageaient ainsi de « gagner du temps aux Européens pour constituer une « force de réassurance » dans l’ouest de l’Ukraine » et y organiser des « patrouilles aériennes ».
Leur stratégie consisterait à « maintenir les Américains à bord » du processus de paix, à « séquencer » le conflit en concluant un cessez-le-feu qui mènera ultérieurement à une paix durable, et à utiliser la période intérimaire susmentionnée pour mener à bien les opérations militaires susmentionnées afin de faire pression sur la Russie pour obtenir davantage de concessions. Ce qui est omis dans l’article de Radio Liberty, c’est que la Russie a menacé de cibler les troupes occidentales en Ukraine, qui, selon le secrétaire à la Défense Pete Hegseth, ne bénéficieraient pas des garanties de l’article 5 des États-Unis.
Même si Poutine accepte cette concession, considérée comme l’une des cinq divergences majeures entre lui et Trump, à l’origine du message virulent de ce dernier contre Poutine, Radio Liberty a rapporté que cela n’entraînerait pas de reconnaissance européenne de jure des gains territoriaux de la Russie. Il en va de même pour la levée des sanctions ou la restitution des 200 milliards d’euros d’actifs saisis. De nouvelles sanctions pourraient même être imposées prochainement, et les profits exceptionnels tirés de ces actifs « financeront les besoins militaires de l’Ukraine ».
Compte tenu des révélations de Radio Liberty, la Russie ne peut donc rien attendre en retour de l’UE si Poutine autorise le déploiement de ses troupes et de ses avions en Ukraine occidentale et leur patrouille. Tout espoir de restaurer le statut d’État tampon de l’Ukraine d’avant la guerre serait anéanti, et il n’est pas exclu que la zone d’activité militaire de l’UE s’étende ultérieurement jusqu’au Dniepr ou au-delà. L’un des objectifs de l’ opération spéciale était d’empêcher l’expansion militaire occidentale vers l’est, ce qui constituerait une autre concession majeure.
Nikolaï Patrouchev, ami proche de Poutine depuis des décennies et conseiller principal influent, a déclaré à TASS plus tôt cette semaine que « pour la deuxième année consécutive, l’OTAN organise les plus grands exercices depuis des décennies près de nos frontières, où elle pratique des scénarios d’actions offensives sur une vaste zone – de Vilnius à Odessa, la prise de la région de Kaliningrad, le blocage de la navigation dans la mer Baltique et la mer Noire, et des frappes préventives sur les bases permanentes des forces de dissuasion nucléaire russes. »
Le secrétaire du Conseil de sécurité, Sergueï Choïgou, avait déclaré au même média quelques jours auparavant que « Au cours de l’année écoulée, le nombre de contingents militaires des pays de l’OTAN déployés près des frontières occidentales de la Fédération de Russie a augmenté de près de 2,5 fois… L’OTAN évolue vers un nouveau système de préparation au combat, qui prévoit la possibilité de déployer un groupe de 100 000 soldats près des frontières de la Russie dans un délai de 10 jours, 300 000 d’ici la fin des 30 jours et 800 000 d’ici la fin des 180 jours. »
Si l’on ajoute à l’équation la priorité accordée par l’UE à la Ligne de défense balte et au Bouclier oriental complémentaire de la Pologne, ainsi que les projets d’extension de l’ espace Schengen militaire pour accélérer le déploiement de troupes et d’équipements vers l’est, les prémices de l’opération Barbarossa 2.0 apparaissent clairement. Poutine ne peut influencer les actions de l’OTAN à l’intérieur des frontières du bloc, mais il a le pouvoir d’arrêter son expansion de facto en Ukraine occidentale pendant un cessez-le-feu, ce qui pourrait en partie entraver ses projets spéculatifs.
Leur céder, ce qu’il pourrait accepter pour les cinq raisons évoquées dans la seconde partie de cette analyse publiée début mars, conduirait à encercler la Biélorussie, alliée de défense mutuelle de la Russie, sur ses flancs nord, ouest, puis sud, par l’OTAN. Cela pourrait en faire une cible future tentante , mais une agression occidentale pourrait être dissuadée par le déploiement continu des missiles Oreshnik et des armes nucléaires tactiques russes, ces dernières étant déjà autorisées à être utilisées à sa discrétion par la Biélorussie.
Céder aux troupes occidentales en Ukraine en échange des avantages économiques et stratégiques que la Russie espère obtenir des États-Unis si sa « Nouvelle Détente » naissante se concrétisait après un accord de paix entraînerait donc des coûts de sécurité conventionnels qui pourraient être gérés par les moyens qui viennent d’être décrits. Cependant, des partisans de la ligne dure comme Patrouchev, Choïgou et le président honoraire de l’influent Conseil russe de politique étrangère et de défense, Sergueï Karaganov, pourraient le dissuader de conclure un tel accord.
Poutine doit donc décider s’il s’agit d’un compromis acceptable ou si la Russie doit risquer de perdre son partenariat stratégique post-conflit avec les États-Unis en continuant de s’opposer à l’expansion de facto de l’OTAN en Ukraine occidentale, y compris par des moyens militaires si les forces de l’UE y pénètrent sans l’approbation russe. Sa décision déterminera non seulement l’avenir de ce conflit, mais aussi la planification d’urgence de la Russie face à une éventuelle guerre ouverte avec l’OTAN, faisant ainsi de cette décision le tournant de son quart de siècle de règne
Andrew Korybko
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Les occidentaux n’ouvrent la bouche que pour mentir et tromper, ils n’ont aucune parole, et les russes ne l’ignorent pas …
l’UE est obsoléte et vieillisssante