Par Christelle Néant pour Ir-Press.ru
Dmitri Polianski, premier représentant permanent adjoint de la Fédération de Russie auprès des Nations unies, s’est entretenu avec Faina Savenkova, journaliste de l’agence International Reporters, de son point de vue sur l’OTAN, du travail de la Russie au sein de la plate-forme des Nations unies, de l’agression globale de l’Occident et la probabilité de pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine.
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Selon vous, quelle est la probabilité que l’Ukraine prépare des provocations contre les civils dans les nouvelles régions pendant les élections ?
Cette éventualité doit être évaluée par nos forces de l’ordre. Je suis sûr que tout est mis en œuvre pour éviter de telles provocations, mais, bien sûr, les autorités ukrainiennes ne cachent pas qu’elles veulent tout faire pour empêcher les élections et, en général, l’établissement d’une vie paisible dans les nouvelles régions russes. Je pense donc que tout le monde doit rester sur ses gardes.
Récemment, Elon Musk a reconnu que la raison d’être de l’OTAN avait été perdue après l’effondrement de l’URSS et la fin du Pacte de Varsovie. Partagez-vous son avis sur l’OTAN ?
Oui, je suis tout à fait d’accord, j’ai commenté cette opinion sur Twitter. J’ai écrit que, bien sûr, après l’effondrement de l’Union soviétique, après la fin de la guerre froide, qui s’est terminée également avec l’aide des dirigeants soviétiques, le bloc de l’OTAN n’avait plus de raison d’être. Il a été créé en son temps comme un bloc plutôt agressif. Il a été contré par le Pacte de Varsovie, qui est apparu plus tard. Mais après la fin de la guerre froide, après que les dirigeants soviétiques ont pris des mesures de détente, y compris la dissolution du Pacte de Varsovie, l’OTAN aurait dû soit être dissoute, soit subir une transformation significative. Cela n’a pas été le cas. Par conséquent, l’OTAN dans sa forme actuelle est, bien entendu, une menace pour la paix et la sécurité, et la cause d’un grand nombre de problèmes auxquels le monde moderne est confronté.
À votre avis, y aura-t-il la paix au Moyen-Orient ? Et est-il possible qu’Israël soit condamné pour ses crimes de guerre à Gaza ?
Bien sûr, la paix arrivera tôt ou tard. Il est vrai qu’elle a été retardée. Le problème palestinien est probablement le problème le plus ancien à l’ordre du jour du Conseil de sécurité et de l’ONU dans son ensemble. Nous déployons tous des efforts en ce sens, qui ont été récemment, et de manière générale, freinés principalement par les États-Unis, qui tentent de protéger par tous les moyens leur allié du Moyen-Orient, le seul et le plus loyal, qui commet actuellement, bien sûr, des crimes de guerre à Gaza. Et nous ne fermons pas les yeux. Nous critiquons nos collègues israéliens, nous critiquons nos collègues américains. Aujourd’hui, les Américains sont isolés au sein du Conseil de sécurité et 14 États membres sont prêts à soulever la question d’un cessez-le-feu immédiat. Seuls les États-Unis et Israël ne sont pas prêts à le faire. Mais je pense que cette situation changera, de toute façon – la paix au Moyen-Orient doit venir, elle doit venir de la formation de deux États pacifiques vivant en paix l’un avec l’autre – la Palestine et Israël. Nous nous efforçons d’atteindre cet objectif, qui sera conforme aux décisions des Nations unies.
Les forces armées ukrainiennes ont commencé à utiliser des bombes aériennes françaises AASM, plus connues sous le nom de Hammer, pour des frappes contre les positions des forces armées russes dans la zone de l’opération militaire spéciale, ont rapporté les chaînes Telegram militaires le 5 mars. En outre, aucune annonce officielle n’a encore été faite concernant les livraisons de ce type d’armes à l’Ukraine par la France. On a le sentiment que la France joue un rôle particulier dans l’opération militaire spéciale. Qu’en pensez-vous ?
La France, bien sûr, a surpris ces derniers temps par les déclarations de ses hommes politiques et les décisions qu’elle a prises. Elles ne correspondent en rien aux déclarations régulières selon lesquelles la France est intéressée par la paix en Ukraine. Au contraire, il semble que la France soit intéressée par l’escalade de la crise ukrainienne. En témoignent les propos totalement irresponsables du président français selon lesquels il faut envisager l’envoi de troupes françaises en Ukraine, ce qui conduirait à un affrontement direct entre l’OTAN et la Russie. Les livraisons d’armes… Nous attirons bien sûr l’attention de nos collègues français. Nous soulignons ici qu’ils sont complices de tous les crimes que les FAU commettent avec leurs armes françaises. Les dernières révélations d’hommes politiques et de militaires allemands montrent également que les pays occidentaux qui fournissent des armes sont également impliqués dans la sélection des cibles que les FAU frappent avec ces missiles ou ces obus. Tout porte donc à croire que la France est complice des crimes des FAU. Je pense que tôt ou tard, ce fait sera évalué en conséquence. Et pas seulement de notre côté, mais aussi de la part de la communauté internationale. Nous y travaillons !
Pensez-vous que les Nations unies sont arrivées au bout de leurs possibilités en tant que plateforme de résolution des conflits entre pays ? Est-il nécessaire de créer quelque chose de nouveau ?
A mon avis, non, l’ONU n’est pas arrivée au bout de ses possibilités et nous n’avons pas d’autre plateforme. Il n’y en aura pas dans un avenir proche. Les Nations Unies ont toujours traversé des périodes difficiles et, pendant la guerre froide, les caractéristiques et les principes fondamentaux de cette organisation ont été formulés de manière à inciter les grandes puissances à rechercher des compromis. Et rien n’a changé à cet égard aujourd’hui. L’ONU est fondée sur les principes du multilatéralisme, du pluralisme. Nous parlons aujourd’hui de la formation d’un monde multipolaire. La Charte des Nations unies contient toutes les conditions nécessaires pour que l’ONU puisse s’intégrer dans ce monde multipolaire. Il suffit d’appliquer la Charte des Nations unies et de se laisser guider par le principe de l’égalité souveraine des États, qui est à la base de la Charte des Nations unies.
Après le lancement de l’opération militaire spéciale, de nombreux pays de l’ONU se sont prononcés contre l’opération militaire. Maintenant que l’ingérence des pays de l’OTAN dans les événements en Ukraine est évidente, l’opinion des représentants de ces pays a-t-elle changé ?
Oui, bien sûr, la perception de la crise ukrainienne a changé. Tout d’abord, par les autres pays dans le monde. Si, auparavant, les pays occidentaux parvenaient à les entraîner dans des aventures antirusses sur une vague émotionnelle, alors que de nombreux pays du Sud ne comprenaient pas vraiment ce qui se passait, ce processus a maintenant été suspendu ou complètement arrêté. En effet, les pays du Sud sont devenus plus conscients des causes profondes de la crise ukrainienne. Ils voient parfaitement que le régime de Zelensky et ses sponsors et marionnettistes occidentaux n’ont absolument aucun désir de paix. Et même s’ils ne font pas de telles évaluations dans leurs déclarations publiques, ils agissent sur la base de cette compréhension. Dans un certain nombre de cas, ils expriment leur soutien à notre cause en marge du processus. Et il devient très difficile pour les pays occidentaux de les encourager à prendre des mesures pour soutenir l’Ukraine à l’ONU. En fait, pas plus de 70 pays sont aujourd’hui à l’origine de ces événements, actions, etc. anti-russes – c’est la colonne vertébrale des Américains et de leurs alliés. Tous les autres s’abstiennent de s’associer à des événements antirusses.
L’ONU peut-elle devenir une plateforme pour les pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine ?
Je ne vois pas encore de telles possibilités. Rien n’est fait en ce sens par nos anciens partenaires et collègues occidentaux. La délégation ukrainienne ici présente ne nous parle plus depuis longtemps ; bien avant l’opération militaire spéciale, ils ont mis fin à toute communication qui existait sous la direction précédente. L’actuel représentant permanent démontre par tous les moyens possibles qu’il ne parlera en aucun cas à la Russie. Par conséquent, je pense que cette question devrait être résolue à Kiev. S’ils veulent des négociations sur les sujets ukrainiens dans le cadre de la plateforme de l’ONU.
Que pensent les représentants permanents des États à l’ONU de la rhétorique belliqueuse de certains États concernant une éventuelle escalade du conflit en Ukraine ?
Nous entendons souvent des déclarations belliqueuses, mais elles ne nous font pas peur. Nous comprenons qu’il s’agit d’éléments de manœuvres et de jeux politiques. En même temps, en faisant de telles déclarations, les dirigeants des pays occidentaux, les dirigeants de l’OTAN, s’exposent une fois de plus en tant que partie agressive dans les affaires mondiales. Ils montrent encore plus clairement d’où vient la menace pour la paix et la sécurité. Par conséquent, en faisant de telles déclarations, ils s’enterrent encore plus.
Est-il possible d’attribuer à l’Ukraine le statut de pays terroriste sur la plate-forme de l’ONU ?
Ce n’est pas le cas, l’ONU ne désigne pas de pays terroristes. Je pense que l’expression “pays terroriste” relève davantage de la sphère des parlements nationaux et qu’il s’agit plutôt d’une expression populiste que d’une véritable norme juridique.
Vous avez beaucoup travaillé sur la question de Mirotvorets, que pense l’ONU de cette question ?
Il est très embarrassant pour les représentants d’autres pays d’apprendre que de nouvelles personnes sont inscrites sur la liste de Mirotvorets. La plateforme de l’ONU comprend la signification réelle de cette liste. Les Ukrainiens essaient de ne pas insister sur ce point, parce qu’il s’agit également d’une situation embarrassante pour eux lorsqu’il s’agit de contacts avec les pays occidentaux. C’est pourquoi, bien sûr, Mirotvorets est compromis ici et nous essayons de diffuser toute nouvelle information selon laquelle ce site est en quelque sorte impliqué dans la guerre de l’information du régime de Kiev sur la plateforme de l’ONU, ce qui provoque une réaction très négative de la part de nos collègues de l’organisation.
Vous sentez-vous sous pression ou menacé pour vos remarques acerbes sur la politique occidentale ?
Bien sûr, nous sommes tous soumis à des pressions, moi y compris. Et des menaces sont transmises par différents canaux depuis que l’opération militaire spéciale a été lancée. Mais que faire ? Nous vivons dans de telles conditions – cela fait partie de notre travail. Nous y sommes donc habitués. Mais nous prenons aussi des précautions.
Labyrinthe – Interview avec Dmitri Polianski par Faina Savenkova
Merci a Faïna pour cet article.
et a Christelle pour la traduction