Par Alain Tranchant pour France-Soir
TRIBUNE – Il faut vraiment que le scrutin européen du 9 juin inspire les plus grandes craintes au président de la République pour qu’il n’ait d’autre argument que d’exclure de « l’arc républicain » deux partis politiques : le Rassemblement National et Reconquête. Avec un risque majeur pour lui : que sa démarche, loin d’être efficace, soit plutôt contre-productive. Le sondage paru dans Le Figaro du 22 février, situant le Rassemblement National au premier rang des défenseurs des agriculteurs, va d’ailleurs dans ce sens.
Si un parti politique n’est pas interdit, c’est qu’il est autorisé, aurait dit le très logique M. de La Palisse. Et autorisé notamment à solliciter les suffrages du corps électoral. Comment dénier l’appartenance à ce soi-disant « arc républicain » à une formation que le peuple français, par ses suffrages librement exprimés, a placé à trois reprises au second tour de l’élection présidentielle ?
Arc pour arc, j’ai en revanche envie de dire, et je l’écris, que M. Macron n’a pas sa place dans « l’arc financier ». C’est M. Tiers. Non pas son lointain prédécesseur, Adolphe Thiers, président de la République de 1871 à 1873. Mais ce M. Tiers d’aujourd’hui, dont le nom est attaché — qu’il le veuille ou non, et « quoi qu’il en coûte » à sa vanité — au plus du tiers de la dette publique de la France, après douze années passées sous les ors de la République.
Ne parlons plus de liberté d’expression, d’honneur, d’indépendance
En 1968, les contestataires du régime défilaient en clamant, à propos du général de Gaulle, revenu au pouvoir en 1958, et qui avait tout de même rendu quelques menus services au pays, lui restituant sa liberté, son honneur, son indépendance : « Dix ans, ça suffit ! ». Quelques décennies plus tard, ne parlons pas de liberté, quand celle d’expression est menacée : après France-Soir, le tour de CNews est venu. Ne parlons pas d’honneur, quand la moitié de la dette publique est détenue par des étrangers. Ne parlons pas d’indépendance, quand nous sommes de plus en plus soumis aux décisions de technocrates apatrides abrités derrière leurs bureaux et leurs règlements à Bruxelles, ou de juges administratifs ou constitutionnels faisant la pluie et le beau temps à Paris.
Et observons que, secrétaire général adjoint à l’Elysée, puis ministre de l’Economie sous François Hollande, enfin locataire de l’Elysée depuis sept ans, M. Macron s’est trouvé au centre du dispositif gouvernemental avant d’en prendre les commandes. Un indicateur donne une mesure indiscutable de ses 12 années au pouvoir : la dette publique de la France s’élevait à 1 833,8 milliards d’euros à la fin du quatrième trimestre 2012, elle culmine aujourd’hui à 3 088 milliards d’euros. Et ce ne sont pas les 300 à 400 milliards de la période Covid (qui aurait dû être gérée différemment, en soignant la population, sans obérer aussi fortement nos dépenses publiques), qui expliquent à eux seuls ce différentiel de 1254 milliards d’euros.
Après le déni de réalité d’une loi de finances pour 2024 votée avec une prévision de croissance de 1,4 %, comme après une conférence de presse présidentielle en forme de « Dormez-bien, bonnes gens ! Tout va bien, la maison est tenue », le chef de l’Etat – si tant est qu’il y ait encore un Etat digne de ce nom, et il est plus que permis d’en douter – a envoyé son ministre de l’Economie à la télévision, à l’heure du dîner, afin d’annoncer aux Françaises et aux Français ce que les instituts de conjoncture disaient depuis des mois : la croissance n’atteindra pas 1,4 % en 2024. Et, de ce fait, 10 milliards d’euros d’économies s’imposent. Préposé aux mauvaises nouvelles (il avait déjà dû présenter l’augmentation de 10 % du prix de l’électricité) M. Le Maire fait maintenant le pari, risqué, d’un taux de croissance de l’économie française de 1 %, qui générerait, même s’il était atteint, de moindres rentrées fiscales.
Et il fallait se pincer pour entendre, dans la foulée du ministre, un représentant d’une majorité parlementaire, qui n’en est pas une, parler sans rire du rétablissement des comptes de la France. Quelques chiffres illustrent éloquemment ce qu’il est difficile d’appeler une gestion. En 2023, le déficit de l’Etat atteignait 173 milliards d’euros, le déficit du commerce extérieur les 100 milliards d’euros. En 2024, le besoin de financement du pays, c’est-à-dire les sommes que la France doit emprunter sur les marchés financiers, va s’élever à 290 milliards d’euros…
La faillite, nous voilà !
Au train où vont les choses, « le service de la dette », appellation contrôlée des “spécialistes” des finances publiques, sera le premier poste de dépenses de l’Etat en 2027. Selon diverses estimations, son montant atteindra entre 70 et 100 milliards d’euros, contre 40 en 2021, pour financer uniquement… le paiement des seuls intérêts de la dette. Comme il est loin le temps où Charles de Gaulle envoyait Michel Debré, alors ministre de l’Economie et des Finances, porter à l’Amérique (comme il disait) le dernier chèque de remboursement de notre dette ! Alors, nous étions la France aux mains libres, les contrats internationaux se négociaient aussi bien en francs français qu’en dollars, le franc menaçait même l’hégémonie du dollar. En ce temps-là, l’équilibre budgétaire était une règle d’or, un véritable dogme. Mais, depuis 1974, aucun budget n’a été voté en équilibre. Grandeur et décadence…
Ma mémoire me rapporte aussi qu’après trois dévaluations du franc entre 1981 et 1983, M. Mitterrand — pris au piège de la durée qui était assurée par les institutions de la Ve République en pur produit de la IVe République qu’il était — s’est trouvé contraint de décréter le fameux « tournant de la rigueur ». Les 39 heures payées 40, la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans étaient passées par là. Alors qu’il se rendait aux Etats-Unis, où La Fayette est tenu en haute estime du fait de son engagement dans la guerre d’indépendance, de mauvais esprits — forcément ! — avaient caricaturé le Président porteur d’une pancarte « La faillite, nous voilà ! ». La vérité oblige à dire que nous en sommes beaucoup plus proches aujourd’hui qu’il y a 40 ans…
Pour celles et ceux qui aspirent à assumer la relève de M. Macron en 2027, ou avant, il y a là un vrai et grave sujet de réflexion. Si le débat sur la situation financière de la France — dont tout dépend, le niveau de vie des Français comme notre influence dans les affaires du monde — a été éludé en 2022, il est impératif qu’il soit mis dès maintenant au cœur du débat public. Le peuple français est en droit d’exiger des candidats à la fonction suprême qu’ils lui disent clairement comment ils entendent éviter à notre pays une déroute historique et un déclassement définitif. De toute évidence, il n’y aura pas place pour la démagogie et les promesses inconsidérées à toutes les clientèles électorales lors de la prochaine campagne présidentielle, tant l’héritage sera lourd à porter. Pour cette seule raison, le pouvoir devrait faire preuve de modestie, lui qui mène la France aux abîmes avec un aplomb sidérant et une insouciance révoltante.
Alain Tranchant est ancien délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique et président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale.
Source France-Soir
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Ça fout la haine, une telle lecture, tant tout s’écroule. Tant tout est fait pour qu’il en soit ainsi. Mais cette tribune donne aussi des raisons de ne pas laisser tomber. De tout faire, chacun à son niveau, pour chasser les malfaisants, complices et criminels.
Le gros souci ce serait de mettre en œuvre, la manière d’arrêter cette hémorragie , puisque les « représentants » du peuple ne bougent pas, il reste le peuple et, ce n’est pas gagné du tout face à la propagande tout azimut..
Salut Volti. C’est ma hantise, les « représentants ». Atroce !
Il est constant dans l’histoire, les exemples abondent, qu’un pouvoir qui ne maîtrise plus la situation intérieure aille chercher « l’aventure » à l’extérieur, d’où la volonté de MACRON – servant ses maîtres de la finance – de chercher le conflit avec la RUSSIE