Elections européennes : abstention ou participation ?

Faut-il voter ou non aux élections européennes ? A cette question, certaines personnes censées incarner la « dissidence » ou la « résistance » s’empressent de répondre un grand NON.

Cette position peut se comprendre, mais soulève quand même des doutes.

Une étrange injonction

Tout d’abord, pour qui se prennent ceux qui ne se contentent pas de formuler une opinion, mais vont jusqu’à donner des consignes aux électeurs ? « Ne votez pas » , ce n’est plus la simple parole d’une personne signalant qu’elle, elle s’abstiendra, ou exprimant un avis sujet à discussion; c’est quasiment un ordre.

Une attaque dirigée contre les outsiders

Ensuite, ces « résistants » sont supposés combattre toutes les formations du système, du RN (Rassemblement National) à LFI (La France Insoumise) en passant par LR (Les Républicains), Renaissance, les soi-disant écolos etc; et ils sont censés s’adresser à des auditeurs qui rejettent ce système et ces formations. On ne s’attend donc pas à ce que ces « dissidents » recommandent de voter pour ces formations-là; ils ne pourraient militer que pour les « petits » mouvements, par exemple ceux qui revendiquent la sortie de l’Union Européenne (UE). Si bien que, quand ces « résistants » prônent l’abstention, en réalité ils poussent leur public à ne pas choisir ces « petits » mouvements.

C’est d’ailleurs ce que fait l’un des ténors de la « dissidence » dans une vidéo, puisqu’il dit expressément : Ne votez pas pour les partis souverainistes. Tiens donc ! Pour faire bonne mesure, l’individu met notamment en avant des considérations financières : le gâchis que représentent des consultations qui obligent une liste à débourser un million d’euros … De quoi dégoûter le bon peuple …

A qui profite l’abstention ?

Disons-le tout net : il est extrêmement suspect qu’avant les élections, des aficionados de la « dissidence » ressortent de leur boîte pour dire à ceux qui pourraient éventuellement voter en dehors des sentiers battus, qu’il ne faut surtout pas le faire, que cela ne sert à rien, que le mieux est de s’abstenir.

Et soyons encore plus net : il ne faut pas être un génie pour comprendre quel est le rôle de ces influenceurs et pour qui ils roulent en réalité.

Multiplier pour diviser

Pendant que nous y sommes, balançons aussi leurs quatre vérités à toute une ribambelle de prétendus combattants qui multiplient les listes, et donc entassent de la division sur de la division, tout en ayant l’audace de clamer que, ce qu’ils veulent, c’est réaliser l’union de tous les résistants, de tous les patriotes, de tous les mécontents etc etc. Par définition, on ne fait pas l’union en rajoutant encore une liste à toutes celles qui existent déjà … S’il n’y a que 4% des électeurs qui soient prêts à s’aventurer en dehors des clous, plus il y aura de candidatures entre lesquelles ces 4% s’éparpilleront, plus faible sera le score de chacune d’elles.

Du reste, certains de ces compétiteurs ne pourront même pas se présenter, ils disparaîtront avant le scrutin, mais le mal sera fait, comme à chaque fois que l’on assiste à ce genre de manœuvre : les soi-disant unificateurs auront réussi à aggraver le morcellement et à mener une partie des 4% à … l’abstention.

Par ailleurs, on aurait envie de leur demander avec quel argent ils comptent financer leur campagne …

Délégitimer l’Union européenne ?

Selon certains, plus l’abstention serait forte, moins l’UE serait légitime.

Pourquoi ? Vous trouvez qu’elle n’est pas déjà illégitime, en elle-même ? Si vous pensez qu’il faut la délégitimer, c’est peut-être que vous la considérez légitime, dans une certaine mesure, et quoi que vous disiez le contraire. Vous êtes donc en pleine contradiction.

Et puis, est-ce que cela gêne l’oligarchie d’être illégitime ?

L’argyrocratie désire-t-elle une participation élevée ?

Dans une vidéo, une personne bien connue des milieux « contestataires » , ne craint pas d’affirmer que l’UE désirerait une forte participation et craindrait une abstention massive ! Sans rire ! Soyons sérieux : certes, l’UE serait certainement très contente si les partis du système obtenaient de bons scores avec un taux de participation de 80% . Plus il y aura de gens qui voteront pour eux, plus ils seront satisfaits, c’est une évidence. Mais, entre, d’une part, une importante abstention, et, d’autre part, une forte participation avec des mouvements vraiment anti-système obtenant de gros scores, bien évidemment que l’UE préfère une très forte abstention (tout comme n’importe quel pouvoir pour n’importe quelle élection, la présidentielle, les législatives etc). Entre un scrutin avec 20% de participants plébiscitant à 80% les laquais de l’oligarchie, et un scrutin avec 80% de participants optant à 20% pour de véritables ennemis de cette oligarchie, les dirigeants auront vite tranché : ils préfèrent l’abstention massive du moment que les rares électeurs choisiront les représentants de la ploutocratie.

L’agonie de la démocratie électorale

Du reste, croire que le pouvoir craint l’abstention, c’est n’avoir rien compris à ce qui se passe dans les pays occidentaux, dont les prétendues élites aspirent à [la fin de la démocratie élective]url:Report des départementales et régionales : vers la fin de la démocratie élective – Les moutons enragés (lesmoutonsenrages.fr) .

Récemment encore, un membre de Renaissance, sauf erreur, a suggéré que le Président de la République ne soit plus élu au suffrage universel; ce qui doit être mis en rapport notamment avec la transformation de l’UE en Etat dirigé par un chef non élu qui supplanterait les dirigeants des Etats actuels, dès lors supprimés.

Dans cette optique, l’abstention les arrange, ne serait-ce que parce qu’ils pourront arguer de ce que les peuples sont d’accord avec cet objectif, et d’accord avec les politiques menées par la classe dominante. Une forte abstention permet en effet aux gouvernants de clamer que, si les gens avaient été en désaccord, ils l’auraient exprimé dans les urnes, et que, puisqu’ils n’en ont rien fait, c’est qu’ils acquiescent implicitement.

Il est certain que, quel que soit le taux d’abstention, la propagande continuera. Il est non moins certain que, si le système ne reçoit pas une raclée, si ce sont toujours les mêmes avatars qui emportent le morceau (RN, LFI, PS, pseudo-écologistes, prétendue extrême-gauche, macronistes, sarkozystes et ciottistes de LR ou de Bellamy etc etc), le pouvoir claironnera que les Français plébiscitent la politique menée depuis des décennies. En tout cas, il n’interprétera pas obligatoirement cette abstention comme un acte citoyen de résistance, mais plutôt comme une manifestation de découragement, de lassitude, de renoncement.

Boycott citoyen ou impuissance ?

A cet égard, une autre mise au point s’impose : il est trop facile de prôner une prétendue abstention citoyenne, un boycott, quand on n’a pas les moyens de se présenter au scrutin et quand on sait à l’avance, ou quand on suppose, que la participation sera faible. Il est trop facile, ensuite, de récupérer cette abstention en l’interprétant dans le sens que l’on souhaite. Si tant de gens désertent les isoloirs, est-ce vraiment pour les raisons que mettent en avant les partis appelant à rester chez soi ?

En définitive, lorsque les citoyens croient boycotter les élections, ce sont peut-être les élections qui les boycottent; et lorsqu’ils pensent délégitimer une institution, ils se délégitiment et se marginalisent peut-être eux-mêmes.

Où sont les lieux de pouvoir ?

On nous répète aussi qu’il ne faut pas voter parce que le Parlement européen n’a aucun pouvoir.

Mais, alors, faut-il se sentir concerné par les législatives en France, alors que, fondamentalement, l’Assemblée nationale française n’a plus aucun véritable pouvoir non plus, à l’heure où tout est imposé par l’UE ? L’Assemblée nationale française exerce peut-être encore moins de prérogatives que le Parlement de Bruxelles, et il est devenu flagrant que le Parlement français (Assemblée nationale et Sénat) est une sinécure dont le seul mérite est d’engraisser ses membres, qui bénéficient de très bonnes rémunérations et d’avantages exorbitants.

Mais, allons plus loin : il est évident que le Président de la République française est lui-même en partie dépourvu de nombreux leviers. Macron n’est que le majordome de maîtres dont il applique les ordres, mais les autres feraient comme lui, à commencer par Le Pen ou Mélenchon. Faut-il donc bouder la présidentielle, et se reporter sur les régionales, ou les municipales ? Mais, que peut vraiment un maire concernant tous les grands problèmes ?

En réalité, aujourd’hui le centre de commandement est plus à Bruxelles (et à Washington, et à Francfort, ou ailleurs encore) qu’à Paris. Toutes les grandes questions relèvent de la compétence de l’UE.

Il est donc problématique de ne pas voter au niveau où se trouve le pouvoir (l’UE, même si ce n’est pas le Parlement européen qui décide), et de voter là où il ne se trouve plus.

D’ailleurs, certains affirment que les scrutins en France ne servent à rien.

En somme, il ne faudrait donc jamais voter.

Le paradoxe d’élections libres parce que semblant dépourvues d’enjeu

En fait, nous serions enclin à considérer que, justement, le Parlement européen n’ayant aucune véritable prérogative, c’est le moment d’en profiter pour se lâcher. A ceux qui serinent que ce scrutin ne sert à rien et que, par conséquent, il est, au fond, inutile, nous serions tenté de répondre qu’il n’y a donc plus à se prendre la tête sur le vote soi-disant utile, sur les majorités à composer (d’autant qu’il s’agit d’une proportionnelle), ou autres considérations, autres prétextes, autres chantages, autres ligots qui, depuis des décennies, n’ont abouti qu’à élire des gens toujours plus épouvantables. On nous ressasse qu’il n’y a pas de véritable enjeu ? Raison de plus pour s’amuser à troubler leur jeu.

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A propos Guido

Guido est juriste.

4 Commentaires

  1. La question qu’il est, éventuellement, et tout d’abord, primordial de se poser est : Est-ce que la démocratie, depuis le siècle des « Lumières » notamment, et en dehors des progrès purement matériels, a améliorer la vie de l’humanité ?
    Début de réponse :
    Il existe un Droit absolu et un droit fictif, c’est-à-dire relatif.
    Le Droit absolu c’est le Droit « non écrit ».
    Le droit relatif, c’est le droit écrit, celui qui est formulé par les législateurs et inscrit dans les codes actuels.
    Le Droit naturel, « non écrit », est celui qui a créé les anciens usages. C’est le Droit tacite d’autant plus certain qu’il est constant, parce qu’il prend sa source dans la « nature des choses ».
    Or, une société basée sur le « relatif » repose sur une fiction et ne peut aboutir à aucune justice.
    « Les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses », écrit Montesquieu en tête de son « Esprit des Lois ».
    Il existe donc une « nature des choses », c’est-à-dire des « Êtres » qui forment l’ensemble du monde et qui doivent être reliés entre eux de la manière que commande et détermine leur nature.
    Mais J.-J. Rousseau, méconnaissant la nature des choses a dit : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Ce qu’on a entendu par « la volonté de tous les êtres du sexe mâle ». C’est l’origine de la démocratie masculine. Or, le nombre ne donne jamais le « Droit » parce qu’il ne donne jamais la juste compréhension des choses. Le nombre est, au contraire, la négation du Droit ; c’est une représentation de la Force.
    Dans son livre « La Crise du Monde Moderne », au chapitre intitulé « Le Chaos social », René Guénon écrit que « L’argument le plus décisif contre la « démocratie » se résume en quelques mots : Le supérieur ne peut émaner de l’inférieur, parce que le « plus » ne peut pas sortir du « moins » ; cela est d’une rigueur mathématique absolue, contre laquelle rien ne saurait prévaloir. »
    Notons qu’après 1789, la France est passée d’une monarchie qui avait pour contre-pouvoirs tous les corps intermédiaires, à une oligarchie financière dénuée de tout contre-pouvoirs, le tout sous le vocable trompeur de démocratie. La démocratie est le vêtement dont se pare le pouvoir sous le prétexte qu’existe une représentation populaire, mais cette représentation est, dans les faits, c’est-à-dire concrètement, non pas populaire mais contrôlée par des partis politiques sous influence des « puissances d’argent ».
    Ainsi, le véritable pouvoir échoit de façon opaque, anonyme, à ceux qui financent les partis politiques. En effet, le parti qui gagne les élections, et plus généralement « les partis dits de pouvoir » détiennent en réalité les rênes du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, le pouvoir de l’ordre judiciaire étant marginal car largement dépendant du pouvoir exécutif. Il en résulte que la séparation des pouvoirs est, structurellement, une apparence contraire à la réalité : alors que l’apparence prévoit des pouvoirs séparés, la réalité donne tous les pouvoirs, sans aucun contrepouvoir institutionnel, aux seuls « fournisseurs de capitaux », c’est-à-dire aux entités qui financent les partis politiques lors de perpétuelles élections.
    Aussi, la « démocratie », que l’on définit comme le gouvernement du peuple par lui-même, est là une véritable impossibilité, une chose qui ne peut pas même avoir une simple existence de fait, pas plus à notre époque d’ailleurs qu’à n’importe quelle autre, mais que la grande habileté des dirigeants est de faire croire au peuple qu’il se gouverne lui-même ; et le peuple se laisse persuader d’autant plus volontiers qu’il en est flatté et que d’ailleurs il est incapable de réfléchir assez pour voir ce qu’il y a là d’impossible. C’est pour créer cette illusion, dit-il, qu’on a inventé le « suffrage universel ».
    On comprend, alors, pourquoi le pouvoir politique se fonde volontiers sur l’ignorance du peuple et s’accroît d’autant que les esprits sont faibles, les gens incultes.
    Le « suffrage universel », rappelons-le, c’est l’opinion de la majorité qui est supposée faire la loi ; mais ce dont on ne s’aperçoit pas, c’est que l’opinion, issue de cette « masse » éminemment « plastique », est quelque chose que l’on peut très facilement diriger et modifier ; on peut toujours, grâce au « programme » scolaire ou universitaire « imprimé » dans les esprits, à l’aide d’une propagande et autres suggestions appropriées (démagogie, sondages), mais aussi et surtout par la PEUR, ce véritable « fonds de commerce » des « puissances d’argent » (crises économiques, chômage, violences, virus, guerres, terrorismes, attentats, pandémies, etc.), y provoquer des courants allant dans tel ou tel sens déterminé. C’est ce qu’on appelle la « fabrication du consentement ». Et les médias de masses, pour la plupart subventionnés (stipendiés serait plus juste), tels que la presse écrite, la TV, radio, cinéma, jeux vidéo, publicité, affichage urbain, sites web, « Wiki », etc., aident grandement à la manœuvre en diffusant des mensonges et des hypocrisies à des doses tellement fortes et tellement fréquentes, que la majorité de la population n’est finalement plus à même de réagir, si ce n’est dans la direction voulue par ceux qui gèrent ses choix.
    La séparation des pouvoirs telle qu’institutionnellement comprise aujourd’hui, alliée au mandat représentatif est, en réalité, une stratégie utilisée par les « puissances d’argent » pour prendre le pouvoir politique à l’intérieur des pays. C’est cette prise de contrôle institutionnelle, à l’intérieur des États européens, qui a permis l’avènement de l’Union Européenne en tant qu’institution. Les institutions européennes ont été, historiquement, faites par et pour les multinationales ; non pour le commerce en général, mais plus précisément pour le commerce des multinationales.
    Les Traités européens, tels les traités de Maastricht ou de Lisbonne, qui ne sont que la formalisation politique de cette capture des règles d’organisation des peuples par des intérêts privés, s’opposent à toute possibilité de « patriotisme économique » de la part d’États qui ne doivent jamais privilégier leurs propres entreprises « nationales ». Cette interdiction est sanctionnée, institutionnellement et financièrement, par l’interdiction générale des « aides de l’État » ainsi que par les « recours en manquement » à disposition de la « Commission européenne » pour faire condamner les États réfractaires à appliquer les règles de l’Union. Rappelons que les Commissaires sont nommés (non élus) à la Commission européenne par les chefs d’État ou de gouvernement des États membres, c’est-à-dire en réalité par les actionnaires des multinationales et les banquiers qui ont financé leurs campagnes, et sont donc sous le contrôle de l’oligarchie, dans leurs pays respectifs. La « Commission » aux ordres oligarchiques peut ainsi rappeler à l’ordre (financier) les États qui auraient eu des velléités de déroger à leur propre sabordement. Ce sabordement est, notons-le, « librement » consenti par les États qui s’interdisent, par leur adhésion aux Traités constitutifs scélérats de l’Union Européenne, toute capacité de défendre et de protéger leurs propres ressortissants, personnes physiques ou morales.
    Certains textes prophétisent que, lorsque l’humanité aura traversé son cycle actuel et entrera dans un Cycle nouveau, la véritable spiritualité reprendra ses « droits » (naturels), et la démocratie sera remplacée par une aristocratie de l’Esprit.
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/

  2. A qui profite l’abstention ? Bah on le sait maintenant. Aux mêmes à qui profitent les votes blancs ou nuls, à ceux qui carottent les votes.
    Quand l’abstention dépasse le nombre de votants, c’est super pratique pour “bourrer les urnes”…

  3. Il y a là une réflexion qui me paraît intelligente. J’ai fait le parallèle avec la monnaie: on prend pour prétexte le fait que les gens l’utiliseraient de moins en moins pour la supprimer.
    Il est dit dans ce texte qu’on pourrait prendre prétexte à supprimer ces élections (ou d’autres) au motif de l’abstention grandissante. A réfléchir …
    Oui, on peut “troubler” leur jeu”. Pourquoi pas ? Après tout …https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_mail.gif

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