Quand les USA offrent leur aide sonnante et trébuchante pour instaurer leur « démocratie explosive », on comprend qu’il y ait des pays qui n’en gardent pas un bon souvenir. L’Algérie va t-elle subir le même sort que l’Iraq, la Lybie, la Syrie et bien d’autres nations détruites par « l’altruisme » bien connu de l’oncle Sam et son « grand cœur » étatsunien ? Il y a encore bien du chemin à parcourir avant de réunir les bonnes volontés. Proposé par Amar D.
Par Ahmed Bensaada
Le 9 juin 2020, soit quelques jours après la sortie de mon livre [1] « Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien? », Khaled Drareni, alors en prison, transmit un message qui me concernait :
Au risque de me répéter, je suis par principe contre l’emprisonnement des journalistes dans l’exercice de leur fonction. Et je dis bien « dans l’exercice de leur fonction », car tout citoyen, quelle que soit sa profession, est justiciable selon le principe fondamental de l’égalité devant la loi.
L’humour et la prison
Mais, vous conviendrez avec moi que le ton sarcastique et narquois de ce tweet nous révèle qu’il est possible de faire de l’humour lorsqu’on est incarcéré dans une prison algérienne, ce qui est difficilement le cas ailleurs dans le monde, même celui qualifié de « civilisé ».
Ceci étant dit, ce petit texte nous apprend beaucoup d’autres choses : i) que M. Drareni s’est (ironiquement?) « auto-autoproclamé » journaliste du Hirak, ii) qu’il veut un exemplaire dédicacé de mon livre (encore de l’humour, wow!) et iii) que je sois invité par Radio M pour disserter de mon livre. Bien qu’il n’en ait pas l’air, ce dernier point est aussi humoristique que les autres car je n’ai jamais été invité par ce média. Pourtant, j’aurais volontiers accepté de discuter de mes écrits sur leur plateau et en présence des invités de leur choix.
Je dois avouer que je n’aurais jamais cru que les geôles algériennes pouvaient inspirer autant d’humour!
Le tweet a aussi soulevé l’hilarité de quelques internautes si on se fie aux émoticônes figurant en bas du message. Mais, plus intéressant encore, ce même humour était présent sur le plateau de Radio M lors de l’émission du CPP du 10 juin 2020 où le tweet a été ironiquement lu par le directeur de Radio M en personne, arrachant des sourires moqueurs aux deux invités de l’émission [2], en particulier M. Bouchachi. Ce dernier, longuement cité dans mon livre, pouvait bien rigoler à son aise. Il n’a, en effet, été inquiété par aucune question relative à mon ouvrage et ce n’est pas les sujets qui manquaient. Mais rire en groupe sur un plateau est bien plus agréable lorsqu’on range l’éthique journalistique dans les tiroirs de la collusion et de la connivence, n’est-ce pas?
Pourtant, et contrairement à M. Bouchachi, ni le nom de Khaled Drareni ni celui du directeur et de sa radio n’ont été mentionnés dans mon livre. Peut-être, comme pour le Mouvement Rachad, se sentaient-ils indirectement visés par les informations qui y figuraient?
Cela a effectivement été prouvé pour Radio M dans un article fouillé [3] que j’ai publié en avril 2021 après avoir été gratuitement et publiquement traité de « barbouze » par le directeur de ce média en personne [4].
Mais qu’en est-il de Khaled Drareni? Pourquoi autant d’ironie à travers les barreaux d’une geôle?
Drareni et le MEPI
Flashback. Deux ans plus tôt, Khaled Drareni signait un tweet dans lequel il nous apprend qu’il est à Oran pour la dernière session d’une formation intitulée « Pour un journalisme spécialisé en Algérie ».
Daté du 8 mai 2018, ce tweet mentionne aussi un partenariat avec le « MEPI » (Middle East Partnership Initiative). Sur la marge droite, quelques lignes nous expliquent succinctement ce qu’est le MEPI :
« L’Initiative de partenariat avec le Moyen-Orient [MEPI] du Département d’État aide les gouvernements de la région MENA [Middle East and North Africa – Moyen-Orient et Afrique du Nord] et leurs citoyens à atteindre des objectifs politiques, économiques et de stabilité communs »
Cette présentation très idyllique du MEPI a, quand même, le mérite de préciser qu’il s’agit d’un programme du Département d’État américain. Nous y reviendrons plus en détail par la suite.
Intéressons-nous tout d’abord à cette formation. Pour cela, il faut remonter une année plus tôt. En effet, dans un article publié le 16 novembre 2017 dans les colonnes de « L’Expression » [5], on peut trouver bon nombre d’informations intéressantes, malgré un titre très « bisounours » : « Pour que le rêve américain devienne algérien ! ». WOW! Rien que ça! Le journaliste devait rêver en couleur car, naguère, d’autres contrées de la région MENA avaient plutôt gouté au cauchemar américain. Mais bon, passons.
On y apprend ainsi que le MEPI a octroyé 700 000 dollars à six (6) projets visant la société civile en Algérie.
« Le montant de la subvention variait selon l’impact des résultats et des activités de chaque projet, entre 80 000 et 200 000 dollars », a indiqué le directeur du bureau régional du MEPI, Manu Bahili, lors d’un point de presse tenu, hier, au siège de l’ambassade des Etats-Unis à Alger. »
Il s’agit donc d’un financement assez important pour que le directeur régional du MEPI vienne en personne se photographier avec les six (6) lauréats.
Voici les six projets retenus :
Le cinquième projet est celui qui figure dans le tweet de Khaled Drareni du 6 mai 2018. Voici sa description :
« Pour un journalisme spécialisé en Algérie » mis en œuvre par IN-tuition pour former 80 journalistes d’Alger, Ghardaïa, Constantine et Oran afin d’améliorer leurs compétences sur le journalisme économique et local, et créer un référentiel/site de réseautage en ligne pour les journalistes spécialisés. »
Pour connaître le responsable de ce projet, revenons à l’article de « L’Expression » cité précédemment :
« Ces subventions ont été attribuées au terme d’un processus assez compétitif en raison du mérite du projet », a souligné avec une grande fierté ce même responsable [ Manu Bahili]. « Le MEPI est très différent des autres donneurs de fonds, nous ne donnons pas juste une simple subvention. Nous restons très impliqués et nous pouvons être très exigeants», a soutenu Manu Bahili, avant de donner la parole aux porteurs de projet, dont l’un d’eux n’est autre que notre talentueux confère, Khaled Drareni qui a mis en place, en partenariat avec l’école de langue IN-tuition, un projet portant sur «une spécialisation en journalisme», «80 journalistes confirmés, débutants ou même étudiants sont visés par ce programme qui se déroulera à Alger, Ghardaïa, Constantine et Oran», a-t-il affirmé, avec un large sourire. »
Ainsi, Khaled Drareni est bel et bien le responsable du projet « Pour un journalisme spécialisé en Algérie » doté d’une enveloppe variant entre 80 000 et 200 000 dollars octroyée par le MEPI.
Khaled Drareni posant avec des « apprenants » journalistes dans le cadre du projet « Pour un journalisme spécialisé en Algérie » financé par le MEPI
La durée de cette formation est précisée dans un article publié sur « Casbah Tribune » [6], site dont le fondateur n’est autre que Khaled Drareni en personne [7] :
« En partenariat avec le programme « Middle East Partnership Initiative », le Groupe IN-tuition compte former 80 journalistes en journalisme local et économique entre les mois de janvier et mai 2018, sur quatre Wilaya, Alger, Ghardaïa, Constantine et Oran. »
Si on résume tout cela on obtient le tableau suivant :
Projet | Pour un journalisme spécialisé en Algérie |
Responsable | Khaled Drareni |
Partenariat | IN-tuition |
Financement | MEPI |
Montant | 80 000 à 200 000$ |
Nombre d’apprenants | 80 |
Nombre de wilayas | 4 |
Durée | Environ 4 mois |
Puisque d’après le tweet de M. Drareni la dernière session de la formation s’est déroulée le 6 mai 2018, et que le programme a débuté en janvier de la même année, on en déduit que le projet a duré environ 4 mois. Comme les projets sont dotés d’une enveloppe comprise entre 80 000 et 200 000$, cela donne une coquette somme comprise entre 20 000 et 50 000 $ par mois!
D’un autre côté, si on s’intéresse au montant moyen dépensé pour chaque apprenant, il varie entre 1000 et 2500$ pour une formation aussi courte puisqu’il a ciblé à chaque fois une wilaya! Et tout cela offert gracieusement par le MEPI puisque la formation était gratuite pour les 80 étudiants.
On ne savait pas que le Département d’État américain, dont dépend le MEPI, était devenu une association caritative!
Le MEPI, c’est quoi?
Le MEPI fait partie intégrante de l’arsenal d’organisations américaines spécialisées dans l’ « exportation de la démocratie », tout comme l’USAID (United States Agency for International Development), la NED (National Endowment for Democracy), Freedom House et l’Open Society Foundations (OSF) du milliardaire américain George Soros [8]. Comparé à ces organisations, la création du MEPI est beaucoup plus récente. Il s’agit d’un programme du Département d’État créé en 2002 par l’administration George W. Bush.
Jeremy M. Sharp, spécialiste des affaires du Moyen-Orient au Service de recherche du Congrès américain, écrivait en 2005 :« le MEPI est un élément clé de la politique de promotion de la démocratie au Moyen-Orient de l’administration Bush » [9].
Plus récemment, en 2019, Elly Rostoum, politologue et ancienne membre du Conseil de sécurité nationale étasunien, mentionnait que le MEPI « l’outil de soft power le plus innovant du Département d’État américain finance des projets dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) qui font progresser les valeurs démocratiques américaines » [10].
Le rapport 2020 du POMED (Project on Middle East Democracy – Projet pour la démocratie au Moyen-Orient), regorge d’informations intéressantes sur le MEPI [11]. On peut lire, par exemple :
« L’Initiative de partenariat avec le Moyen-Orient (MEPI) est un programme d’assistance régionale du Département d’État financé par l’ESF [ Economic Support Fund] et créé en 2002 dans le cadre du « Programme de liberté » de l’administration George W. Bush. L’administration Bush considérait le MEPI comme un complément tourné vers l’avenir et axé sur les réformes à l’approche de développement plus traditionnelle de gouvernement à gouvernement de l’USAID. Il a donné à MEPI un mandat politique pour établir des partenariats avec les citoyens et poursuivre des projets de promotion de la démocratie plus avant-gardistes, y compris le soutien aux groupes indépendants de la société civile, même malgré les objections des gouvernements régionaux. »
En résumé, le MEPI est un organisme qui dépend directement du Département d’État, qui est financé par le gouvernement américain, qui a pour mission d’« exporter » (« promouvoir » dans le langage politique américain) la démocratie « made in USA » et ce, « même malgré les objections des gouvernements régionaux »!
À propos du rôle du MEPI dans le financement des activistes de la région MENA durant le « printemps » arabe, le rapport du POMED ne peut pas être plus clair [12] :
« Malgré le scepticisme de certains responsables de carrière de l’État qui y voyaient un irritant, le MEPI a soutenu des projets ambitieux dans les domaines de la construction de la démocratie, de l’éducation et de la société civile, en particulier dans les années qui ont précédé les soulèvements arabes de 2011. MEPI a financé des groupes démocratiques égyptiens face au mécontentement du régime de Moubarak, s’est engagé avec des militants pour la démocratie dans toute la région et a été l’un des rares donateurs à travailler avec des organisations indépendantes de la société civile tunisienne pendant la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali. »
Comme maintes fois expliqué dans mes écrits, les organisations américaines d’« exportation de la démocratie » citées précédemment ont toutes participé à la formation et au financement des activistes arabes bien avant le début du « printemps » arabe ». La lecture de ce paragraphe nous permet de constater qu’il en était de même pour le MEPI.
Rita Stephan, directrice du MEPI entre 2016 et 2021, se vanta même de compter deux (2) prix Nobel parmi les personnes ayant bénéficié du financement MEPI : Tawakkol Karman (Yémen, 2011) et le quartet du dialogue national tunisien (Tunisie, 2015) [13]. Rappelons que Tawakkol Karman, l’égérie du « printemps » yéménite, a été également financée par la NED [14].
Dans un article publié par le Washington Post en 2011 et intitulé « Les États-Unis ont secrètement soutenu des groupes d’opposition syriens, selon des câbles publiés par Wikileaks » [15], Craig Whitlock révèle que le MEPI a octroyé, entre 2005 et 2010, une somme s’élevant à 12 millions de dollars à des dissidents syriens :
« Plusieurs câbles diplomatiques américains de l’ambassade à Damas révèlent que les exilés syriens ont reçu de l’argent d’un programme du département d’État appelé l’Initiative de partenariat avec le Moyen-Orient [MEPI]. Selon les câbles, le département d’État a acheminé de l’argent au groupe d’exilés via le Conseil de la démocratie, une organisation à but non lucratif basée à Los Angeles. »
Ouvertement opposés au Président Bachar El-Assad, ces « exilés » syriens financés par le MEPI sont identifiés dans l’article comme des islamistes proches des Frères musulmans, regroupés dans une organisation basée à Londres nommée « Mouvement pour la justice et le développement » (MJD).
Ancienne sous-secrétaire d’État adjointe au Département d’État, Tamara Cofman Wittes a été nommée par le Président Joe Biden au poste d’administrateur adjoint pour le Moyen-Orient de l’USAID [16]. Entre 2009 et 2012, elle a supervisé le MEPI à propos duquel elle avait déclaré [17] :
« Il y a beaucoup d’organisations en Syrie et dans d’autres pays qui cherchent à changer leur gouvernement … C’est un programme auquel nous croyons et que nous allons soutenir. »
Le Liban a connu en 2005 une révolution « colorée » supervisée par les formateurs serbes de CANVAS [18]. Nommée la « révolution du Cèdre », elle a abouti au retrait des troupes syriennes du Liban après l’assassinat du Premier ministre libanais, Rafiq Hariri. Il a été montré que le MEPI avait financé certains activistes impliqués dans cette « révolution », tout comme la NED, Freedom House et l’OSF [19]. En 2015, soit dix ans plus tard, le MEPI a aussi été très impliqué dans le financement des leaders de la contestation populaire libanaise surnommée « la révolution des ordures »[20].
Yémen, Tunisie, Égypte, Syrie, Liban… : qu’en est-il de l’Algérie? Pour cela, consultons certains câbles Wikileaks.
Dans celui spécialement dédié au MEPI tel qu’indiqué par son titre « Algeria and MEPI – Moving forward », il est question du syndicat SNAPAP (Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique) de Rachid Malaoui [21]. Daté du 26 avril 2009 et portant la référence 09Algiers415_a, on peut y lire :
« En outre, nous avons demandé un financement au MEPI [The U.S. –Middle East Partnership Initiative] pour un projet du Solidarity Center travaillant avec les syndicats algériens, ainsi qu’une petite subvention pour le SNAPAP, le plus grand syndicat algérien autonome (c’est-à-dire non affilié au gouvernement). Le Solidarity Center est actuellement le meilleur véhicule pour un engagement soutenu avec les syndicats autonomes, mais l’exercice de petites subventions SNAPAP est un effort pour renforcer la capacité organisationnelle et de collecte de fonds d’un syndicat avec peu ou pas d’expérience dans l’un ou l’autre domaine. En cas de succès, la subvention SNAPAP pourrait conduire à un engagement direct plus important, bien que dans un avenir lointain, sans un responsable de la mise en œuvre de MEPI comme intermédiaire ».
Sachant que le Solidarity Center est un des quatre (4) satellites de la NED, ce câble confirme tout d’abord que le MEPI travaille de concert avec les autres organismes d’« exportation » de la démocratie.
Il confirme aussi que le SNAPAP, qui a des relations étroites avec le Solidarity Center [22], a été (est encore?) financé par le MEPI.
Si on se fie au rôle néfaste que joue le SNAPAP et son président contre la souveraineté et la stabilité de l’Algérie [23], on en déduit que les subventions du MEPI ne servent pas les intérêts de l’Algérie, bien au contraire.
En plus du SNAPAP, la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) a été citée dans le câble Wikileaks 08ALGIERS521_a daté du 7 mai 2008. Ce dernier montre que la LADDH a été en relation avec les diplomates américains dans le cadre des subventions MEPI :
« Le 15 avril [2008], l’ambassadeur [des États-Unis] s’est rendu à Annaba et a visité le centre de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) à Annaba. L’ambassadeur a rencontré le directeur du centre, Kamel Daoud, ainsi que d’autres militants travaillant dans le centre. Encore une fois, l’ambassadeur a souligné le soutien des États-Unis aux droits de l’homme, et nous avons encouragé le centre à soumettre une proposition de financement de petites subventions MEPI. »
L’histoire ne nous dit pas si la LADDH a reçu cette subvention MEPI, mais sachant que cette ligue a été, pendant plusieurs années, financée par la NED [24] et que ses dirigeants ont eu des contacts étroits avec l’ambassade des États-Unis à Alger [25], il est aisé de se faire une bonne idée sur la réponse. Les actions politiques de la LADDH, qui a été dissoute par décision de justice [26], ont été très préjudiciables à la stabilité de l’Algérie et à son image dans le concert des nations. De nombreux exemples peuvent être cités, mais contentons-nous du plus récent qui s’est déroulé au Parlement européen [27].
Stephen McInerney a été le directeur exécutif du POMED (dont le rapport 2020 a été cité précédemment) entre 2010 et 2022 [28]. Dans un rapport intitulé « Le budget fédéral et des crédits pour l’exercice 2010. Démocratie, gouvernance et droits de l’homme dans le Moyen-Orient », il donne une information intéressante concernant les « petites subventions » du MEPI cités dans les deux (2) câbles Wikileaks précédents et le rôle des ambassades américaines dans la région MENA [29]:
« Le programme de petites subventions [mis en place par MEPI] a favorisé l’interaction entre les agents politiques dans les ambassades des États-Unis et les activistes de la démocratie dans la région, ce qui a contribué à intégrer les préoccupations pour la démocratie et les droits de l’Homme dans les efforts diplomatiques quotidiens de ces ambassades ».
Cela met la lumière sur le rôle du MEPI dans le financement des activistes algériens (et plus généralement des activistes arabes) par l’intermédiaire des ambassades américaines de la région MENA, mais aussi, et surtout, dans l’utilisation des « droits de l’Homme » dans le but d’« exporter » la démocratie à saveur américaine.
En plus du financement du MEPI, rappelons que le SNAPAP et la LADDH sont tous deux membres réguliers de EuroMed Droits [30], une ONG ouvertement financée par l’OSF de Georges Soros.
Ces deux (2) câbles et l’explication de Stephen McInerney nous amènent à nous poser une question importante : pourquoi le gouvernement des États-Unis financerait-il, par l’intermédiaire du MEPI (et autres), des organismes algériens qui passent leur temps à dénigrer l’Algérie et à créer des conditions d’instabilité politique dans notre pays? La réponse? Juste à regarder le chaos et la désolation qui règnent dans certains pays de la région MENA, cette région où « travaille » le MEPI.
Pour un journalisme spécialisé (en quoi?) en Algérie
Après avoir passé en revue la mission du MEPI expliquée par des acteurs proches de ce programme du Département d’État américain et l’avoir vu en œuvre dans différents pays arabes, on est en droit de nous questionner sur le financement du projet « Pour un journalisme spécialisé en Algérie » dont Khaled Drareni est l’instigateur.
1- Pourquoi le MEPI, c’est-à-dire le Département d’État américain, s’intéresse-t-il à la formation des journalistes algériens?
2- Pourquoi un programme spécialisé dans l’ « exportation » de la démocratie comme le MEPI est-il impliqué dans la formation des journalistes algériens?
3- Pourquoi un tel programme (le MEPI) qui a déjà financé des activistes arabes par le passé pour réaliser des « regime change » sanglants dans leurs pays est-il en activité en Algérie?
4- Pourquoi des journalistes (et des étudiants en journalisme) algériens sont-ils formés en Algérie avec des subventions étrangères?
5- Pourquoi cette formation « spécialisée » a-t-elle été offerte gratuitement à des journalistes?
6- Pourquoi un projet de formation aussi limité dans le temps était-il doté d’un financement si élevé?
7- Qui a formé les 80 journalistes (et étudiants en journalisme)? Est-ce que les formateurs avaient les compétences requises pour cette fonction? Était-ce des Algériens ou des étrangers? Khaled Drareni en faisait-il partie? Qui a vérifié tout cela?
8- Quel était le contenu notionnel enseigné durant cette formation?
9- Pourquoi le Ministère de l’enseignement supérieur n’était-il pas impliqué dans cette formation?
10- Pourquoi cette formation n’a-t-elle pas été prise en charge par nos établissements universitaires spécialisés dans l’enseignement du journalisme?
Il faut bien comprendre que pour mener à bien les « guerres de 4e génération » (G4G) l’Algérie doit posséder une « armée » de journalistes patriotes qui défendent l’État-nation et ses institutions, qui lutte efficacement contre les « fake news » et la désinformation et qui analyse et présente l’information avec lucidité et compétence. La couverture biaisée et non professionnelle du conflit russo-ukrainien par les médias occidentaux (y compris ceux des États-Unis) nous a prouvé que ces gens-là n’ont aucune leçon à nous donner dans le domaine journalistique, bien au contraire. L’Algérie doit investir les moyens nécessaires pour former adéquatement ses propres journalistes et interdire aux pays étrangers de s’immiscer dans ce secteur à l’intérieur de notre pays pour prodiguer des formations « spécialisées ». Cela empêchera également certains opportunistes de se sucrer le bec au passage.
Cela ne veut pas dire que nous devons limiter la mobilité universitaire de nos enseignants et de nos étudiants en journalisme, loin de là. Il faut leur permettre d’acquérir le savoir partout dans le monde.
Par contre, l’Algérie n’a pas besoin, sur son sol, de ce type d’aide qui n’est, en définitive, qu’un leurre faisant partie de l’arsenal du soft power occidental. Surtout que ces programmes ont fait la preuve de leur « efficacité » dans des pays de notre région qui ont amèrement goûté à la « démocratisation » sous les bombes.
À travers son projet de « formation » de journalistes sponsorisé par le MEPI, Khaled Drareni, lui, le journaliste auto-autoproclamé du Hirak aurait-il participé à une n-ième tentative de « démocratisation made in USA » de l’Algérie?
P.S. : Dans cette étude, nous nous sommes focalisés sur un des six projets financés par le MEPI. Un travail tout à fait similaire peut être réalisé pour les cinq autres.
Références :
[1] Ahmed Bensaada, « Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien? », APIC Éditions, Alger 2020, p. 55
[2] CPP Radio M, « Le Hirak est pressé de reprendre la rue, mais … », Youtube, 10 juin 2020, https://www.youtube.com/watch?v=HaDlXQGuNmY&feature=youtu.be
@ 56’ 20’’
[3] Ahmed Bensaada, « Hirak : la barbouzerie de Radio M », ahmedbensaada.com, le 5 avril 2021, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=555:hirak-la-barbouzerie-de-radio-m&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
[4] Ali Baba, « Le journaleux Ihsane El-Kadi insulte le Dr Ahmed Bensaada sur les ondes de Radio M » – CEE du 16 mars 2021, Youtube, https://www.youtube.com/watch?v=3mC6cpvqfic&ab_channel=alibaba
[5] Walid Ait Said, : « Pour que le rêve américain devienne algérien ! », L’Expression, 16 novembre 2017, https://www.lexpressiondz.com/nationale/pour-que-le-reve-americain-deviennealgerien-27998
[6] Salim Khaldi, « Une formation professionnelle spécialisée pour les journalistes algériens », Casbah Tribune, 27 décembre 2017, https://casbah-tribune.com/formation-professionnelle-specialisee-journalistes-algeriens/
[7]Yasmine Marouf-Araibi, « Le site Casbah Tribune, fondé par Khaled Drareni, bloqué en Algérie », Inter-Lignes, 2 décembre 2020, https://inter-lignes.com/le-site-casbah-tribune-fonde-par-khaled-drareni-bloque-en-algerie/
[8] Pour plus d’information sur ces organisations, lire : Ahmed Bensaada, « Arabesque$ – Enquête sur le rôle des États-Unis dans les révoltes arabes », Ed. Investig’Action, Bruxelles (Belgique), 2015 – Ed. ANEP, Alger (Algérie), 2016, Chapitre 2 : « Ces organismes américains qui ″exportent″ la démocratie ».
[9] Jeremy M. Sharp, « The Middle East Partnership Initiative: An Overview », CRS Report for Congress, 8 février 2005, https://sgp.fas.org/crs/mideast/RS21457.pdf
[10] Elly Rostoum, « MEPI Revolutionizes U.S. Soft Power Engagement in the Middle East », Kennedy School Review, 5 septembre 2019, https://ksr.hkspublications.org/2019/09/05/mepi-revolutionizes-u-s-soft-power-engagement-in-the-middle-east/
[11] POMED, « President Trump’s FY21 Budget – Examining U.S. Assistance to the Middle East and North Africa in the Shadow of COVID-19 », Juin 2020, https://pomed.org/wp-content/uploads/2020/06/POMED_FY21BudgetReport.pdf
[12] Ibid.
[13] Elly Rostoum, « MEPI Revolutionizes U.S. Soft Power Engagement in the Middle East », Op. Cit.
[14] Ahmed Bensaada, « Mais qui est donc Tawakkol Karman, la première femme arabe nobélisée? », Ahmedbensaada.com, 12 octobre 2011, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=141:mais-qui-est-donc-tawakkol-karman-la-premiere-femme-arabe-nobelisee&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
[15] Craig Whitlock, « U.S. secretly backed Syrian opposition groups, cables released by WikiLeaks show », Washington Post, 17 avril 2011, https://www.washingtonpost.com/world/us-secretly-backed-syrian-opposition-groups-cables-released-by-wikileaks-show/2011/04/14/AF1p9hwD_story.html
[16] The Media Line, « Tamara Wittes Nominated for USAID Middle East Post », 25 juillet 2021, https://themedialine.org/headlines/tamara-wittes-nominated-for-usaid-middle-east-post/
[17] Charlie Skelton, « The Syrian opposition: who’s doing the talking? », The Guardian, 12 juillet 2012, http://www.theguardian.com/commentisfree/2012/jul/12/syrian-opposition-doing-the-talking
[18] Pour plus de détails sur CANVAS lire, par exemple, l’article suivant : Ahmed Bensaada, « Huit ans après : la « printanisation » de l’Algérie », Ahmedbensaada.com, 4 avril 2019, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=475:2019-04-04-22-50-13&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
[19] Ahmed Bensaada, « Liban 2005-2015 : d’une « révolution » colorée à l’autre », Ahmedbensaada.com, 14 Septembre 2015, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=323:liban-2005-2015-dune-l-revolution-r-coloree-a-une-autre&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
[20] Ibid.
[21] Pour plus de détails sur Rachid Malaoui et le SNAPAP, lire mon article suivant : Ahmed Bensaada. « Algérie : les tribulations tartarinesques de Marie-George Buffet », Ahmedbensaada.com, 17 Novembre 2021, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=586:2021-11-17-21-55-07&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
[22] Ibid.
[23] Ibid.
[24] Ahmed Bensaada, « Huit ans après : la « printanisation » de l’Algérie », Op. Cit.
[25] Ahmed Bensaada, « Algérie : Wikileaks et les ″khabardjia ″ »,
Ahmedbensaada.com, 17 mars 2023, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=6
[26] M.B., « La LADDH dissoute sur décision de la justice », Le Jeune Indépendant, 20 janvier 2023, https://www.jeune-independant.net/la-laddh-dissoute-sur-decision-de-la-justice
[27] Álvaro Escalonilla, « L’Algérie durcit la répression interne : « Le respect des droits de l’homme recule » », Atalayar, 21 mars 2023, https://atalayar.com/fr/content/lalgerie-durcit-la-repression-interne-le-respect-des-droits-de-lhomme-recule
[28] POMED, « Stephen McInerney », https://pomed.org/people/stephen-mcinerney/
[29] Stephen McInerney, « The Federal Budget and Appropriations for Fiscal Year 2010, Democracy, Governance, and Human Rights In The Middle East», 2009, p. 11, http://pomed.org/wp-content/uploads/2009/07/FY2010-Budget-Report.pdf
[30] EuroMed Droits, « Membres réguliers », https://euromedrights.org/fr/membres/