Merci PHL..
Par: Regina Sneifer pour Afrique-Asie.fr
Après avoir été durement frappées par un séisme et de nombreuses répliques depuis le lundi 6 février, la Syrie et la Turquie font face à une véritable catastrophe humanitaire sans précédent. Des milliers de morts, de disparus, de sans-abris. Le siège historique de toutes les églises de l’Orient, à Antioche, a été détruit. Face à l’immensité de cette catastrophe le Vatican n’a pas bougé le petit doigt pour secourir les sinistrés ou appeler à la levée du blocus imposé par l’Occident à la Syrie.
Le 6 février dernier, la terre tremble violemment en Syrie et en Turquie. Très vite, des images apocalyptiques circulent. Des immeubles qui s’effondrent comme un château de cartes ; des survivants qui creusent à mains nues pour déblayer et tenter de sauver des personnes écrasées sous les décombres en attendant désespérément l’arrivée de machines et une aide internationale. C’est la course aux survivants. En Syrie, des dizaines de milliers de personnes n’échapperont pas ni aux fureurs de la terre ni à l’indifférence des pays occidentaux qui préfèrent fermer les yeux. Au milieu de ce spectacle d’horreur et face à cette injustice, Père Elias Zahlaoui, – prêtre syrien catholique de quatre-vingt-dix ans et porte-voix d’un pays affaibli par une guerre de 12 ans et un blocus inhumain depuis 2011 – prend encore une fois sa plume pour adresser une lettre ouverte au Pape François : « Pourquoi donc gardez-vous le silence et justifiez-vous ainsi le silence de tous les responsables de l’Église catholique en Occident ? » écrit-il.
Regina Sneifer, écrivaine, profondément émue par l’appel du père Zahlaoui, qui a la Syrie historique (Bilad Ach-Châm), berceau du christianisme, au cœur, a réagi en l’exhortant à ne plus s’adresser à cette Église ni à ses représentants qui ont décidé de ne rien voir, rien écouter.
Par Regina Sneifer*
Père Zahlaoui,
Voilà encore une fois qu’un silence nous intrigue jusqu’à la tourmente.
Comment se fait-il que votre lettre du 11 février dernier adressée à Sa Sainteté François, après tant d’appels, n’arrive pas à franchir la forteresse de l’indifférence ?
Votre écrit ouvert ne cache pas la douleur dont elle est issue. Ce n’est pas dans votre message que l’on trouve le sens de votre révolte, mais dans la souffrance des personnes que vous rencontrez tous les jours, épuisées par des années de guerre, une longue liste de « sanctions » et un séisme terrible et dévastateur qui vient de frapper la Syrie, votre patrie, et la Turquie. Votre écrit est un cri et leur silence est un bruit aussi opaque que confus.
Père Zahlaoui,
Bien que j’admire votre détermination à faire entendre la voix étouffée des peuples de notre région et à mettre au grand jour des questions qui heurtent sans cesse nos consciences, c’est d’un cœur sincère que je viens aujourd’hui vous supplier de ne plus leur écrire. Ils ne vous entendront jamais. Ils étaient incapables d’entendre les cris de milliers de personnes qui suffoquent sous les décombres et sous le regard glacial d’un monde monstrueux rongé par une faillite morale collective et qui refuse de lever le blocus. Ils seront incapables d’entendre le vôtre. Seuls les humbles écoutent les humbles.
Antioche est en ruine, la terre du Christ saigne et ils persistent à ne pas voir.
Vos dons de tous les jours vers ceux qui ont besoin de vous, les pauvres, les humiliés, les opprimés sont mille fois plus précieux et fidèles au message du Christ que leurs préoccupations.
Regardez-les. Ils ont déjà fermé les yeux face à la vertigineuse perte de sens de notre époque et au dérèglement des sociétés : l’Homme nouveau augmenté, numérisé, la machine qui devient consciente d’elle-même, l’effort incompréhensible autour de la théorie du genre, la législation de l’euthanasie, le transhumanisme, le post-humanisme ; des questions d’autant plus importantes à leurs yeux que notre misérable condition de faibles humains.
Père Zahlaoui,
Je vous conjure de préserver votre force à vos actes courageux du quotidien en contact direct avec la réalité. Vous avez semé tant de graines et elles vous le rendent si bien. Regardez d’où les aides affluent suite au tremblement de terre. De la Palestine, du Yémen, du Liban, de l’Irak, de l’Algérie pour confirmer la règle « quand les pauvres aident les pauvres, ils sont des rois. »
Par votre foi inébranlable, forte des messages de Jésus et de Marie de Soufaniyeh, vous êtes en train de faire tomber définitivement leur slogan apparemment percutant et accrocheur mais profondément faux et pervers : « Sauvez les Chrétiens d’Orient ». Cet appel est un piège qui vise à nous soumettre davantage. Les vraies victimes aujourd’hui c’est eux.
On n’est pas chrétien parce qu’on le dit.
On est chrétien parce qu’on agit en refusant les injustices et l’exclusion, en rayonnant sur une terre de diversité.
Père Zahlaoui, je vous l’ai déjà dit et je le répète,
Vous portez en votre cœur l’âme de ces chrétiens, votre combat difficile finira par les remettre au cœur de leur terre, berceau de Jésus-Christ, j’en suis certaine. Je sais que vous ne cherchez pas de titres ronflants ni de pouvoirs vibrants et que « Sa grâce vous suffit », comme dit Saint Paul. Mais, au-delà des limites étroites des institutions et de ses couloirs assombris par les manœuvres fourbes et les ténébreuses intrigues, permettez-moi d’offenser votre humilité en vous considérant Patriarche « de notre cœur ». Vous le méritez pleinement …
Régina Sneifer
Paris, le 20/02/2023
*Écrivaine, femme politique, cadre supérieur à l’international dans un grand groupe français. Née au Liban elle a publié de nombreux ouvrages dont : « Guerres maronites, 1975-1990 » – Éditions L’Harmattan – 1994 ; « J’ai déposé les armes : Une femme dans la guerre du Liban » – Éditions de l’Atelier – 2006 ; « Benta’el : Fille De L’alphabet » – Éditions Geuthner – 2013 et « Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie » – Éditions Riveneuve – 2019.
Pour aller plus loin :
Un très beau message, vraiment touchant. Le Vatican n’a plus aucune valeur, aucune morale, si tant est qu’elle en ait eu un jour.
pas dans la bonne rubrique 🙁