Ce silence étourdissant autour des procès de Donetsk contre les criminels d’Azov

Par Karine Bechet-Golovko pour RussiePolitics

Alors que des procès se déroulent contre des membres du groupe néonazi Azov, pour les crimes commis contre les civils, notamment à Mariupol, les médias se taisent. Que les médias occidentaux, se taisent, c’est logique – « il n’y a pas de nazis en Ukraine« . Que les médias ukrainiens se taisent, c’est logique – de grands héros atlantico-ukrainiens ne peuvent se battre contre les civils, qui non seulement ne les soutiennent pas, mais veulent se sauver vers les Russes. Mais que les médias russes se taisent tout autant ou que formellement ils lancent trois mots entre l’ouverture d’un centre désindustrialisé de « brend » par Poutine et un compte-rendu comptable du terrain, cela est beaucoup plus surprenant – et inquiétant. Question, qui d’ailleurs commence à être posée par certains correspondants de guerre. En-dehors des talk-show débilitants et des séries B de mauvaise qualité, on pourrait peut-être parler de ce qui intéresse vraiment les gens ?

Le dernier procès à ce jour, dont quasiment personne n’a entendu parlé, est celui de Maxime Kondrachev, dit Rush. Un post-release est paru sur le site de la Procuratura militaire – qui a donc objectivement un capital médiatique très faible), un peu dans les sites d’informations, mais pas à la Une et rien de sérieux n’a été montré à la télévision, qu’évidemment aujourd’hui « plus personne ne regarde« , mais que tout le monde suit.

Pourtant, cette condamnation par la Cour suprême de  Donetsk relève un crime « ordinaire » chez les membres d’Azov : tirer sur les civils, qui veulent se sauver. Une terreur ordinaire, qui montre bien toute la haine de ces groupes utilisés dans cette guerre contre la Russie, notamment par les curateurs atlantistes.

Maxime Kondrachev, originaire de la région de Dniepropetrovsk, est entré dans ce bataillon Azov sous contrat en novembre 2020 et y a servi jusqu’à ce qu’il soit fait prisonnier par l’armée russe à Mariupol le 18 mai dernier. Il était alors commandant de la division des missiles anti-aériens de l’unité N°3057 de l’armée ukrainienne et se trouvait en position à Mariupol. 

A 21h, le 2 mars 2022, avec ses « compagnons d’armes » et de crimes, ils ont fait feu, en toute connaissance de cause, sur un minibus cherchant à s’enfuire de la zone de combat, rempli de civils désarmés. Ils ont mitraillé le véhicule, qui s’est arrêté quelques mètres plus loin. 

« Selon un témoin parmi les collègues de Kondrachev, il a tiré sur la fourgonnette, en partant des fenêtres de la porte du conducteur et en terminant par l’arrière. Après les tirs, la voiture a parcouru une dizaine de mètres et s’est arrêtée au bord de la route. Les corps de trois hommes et d’une femme ont été retrouvés dans le véhicule. Il s’agissait de résidents locaux, qui tentaient d’échapper aux combats. »

Maxime Kondrachev a été condamné à la réclusion à perpétuité pour ce crime.

« La Cour suprême de la République populaire de Donetsk a rendu son verdict dans l’affaire pénale contre le commandant de la division des missiles anti-aériens de l’unité militaire 3057 du groupement nationaliste paramilitaire « Azov » de la Garde nationale d’Ukraine, le sergent-chef Maxime Kondrachev. Il a été reconnu coupable en vertu du paragraphe « a » partie 2 de l’art. 105 du Code pénal de la Fédération de Russie (meurtre de deux personnes ou plus), partie 1 de l’art. 356 du Code pénal de la Fédération de Russie (mauvais traitements contre la population civile et utilisation de méthodes interdites dans un conflit armé). » 

Silence médiatique total. Tout comme fut passée sous silence la condamnation en mars d’un autre membre d’Azov à 20 ans de réclusion, pour avoir tué une femme à Mariupol au printemps 2022. Pourquoi ce silence – en Russie ? Tout se passe comme si la guerre était sommée de rester en dehors de la vie réelle, comme si rien ne devait changer dans l’esprit des gens. Les journaux TV servent un discours aseptisé des combats. Rien ne doit être personnalisé, rien ne doit réellement provoquer l’émotion. Rien ne doit réellement risquer de soutenir un véritable patriotisme dans la population.

En conclusion, je vous laisse réfléchir à ces paroles de Kots, journaliste de guerre :

Savez-vous ce qui ne va pas avec le verdict rendu aujourd’hui contre sergent-chef du groupe nazi « Azov » Maxim Kondrachev ? La Cour suprême de la République populaire de Donetsk l’a condamné à perpétuité pour avoir tiré sur un minibus avec des réfugiés, et avoir tué quatre passagers.

C’est le fait que nous ayons appris ce verdict presque par hasard. Comme s’il n’y avait pas eu de procès (et, bien sûr, il y en a eu un), comme si l’on avait honte de parler de procès de ce nazi.

Ainsi, que sur le procès des membres du même groupe « Azov » Alexandre Pedak et Evgeny Vysotsky, qui ont aujourd’hui été condamnés à 25 ans pour le meurtre de deux civils à Marioupol.

(…)

Et ce n’est pas une liste complète. Le procès de ceux qui ont violenté les habitants de Marioupol pendant plusieurs mois, puis se sont honteusement rendus, en sortant des sous-sols d’Azovstal, aurait dû être aussi ouvert que possible. Les confessions de ces inhumains derrière les barreaux devaient être diffusée dans tous les journaux du soir, comme une série, au lieu de méli-mélo de feuilletons à petit budget. Pourquoi était-il nécessaire de promettre un tribunal, puis de cacher un procès équitable de ces nazis derrière les portes des salles de réunion. De quoi avons-nous honte ? Une erreur inexplicable qu’il n’est jamais trop tard pour réparer. »

Et Kots de mettre bine les points sur les i concernant l’absence de médiatisation de ce procès de Kondrachev :

« Avez-vous entendu parler de ce procès?

La question est rhétorique. Sur nos écrans de télévision, comme au bon vieux temps, on ne sort pas des faux procès avec les héros des querelles conjugales, des talk-shows avec les amateurs de fraises et des séries policières poussiéreuses. Mais sous le feu du jour, vous ne verrez pas à la télévision ce qui se discute vraiment dans toutes les cuisines. A de très rares exceptions près, qui occupent modestement les ondes au plus près de la nuit.

La couverture en direct aux heures de grande écoute du procès du bâtard d’Azov aurait pu rivé des millions de Russes à l’écran de télévision. Et à ouvrir les yeux à de nombreuses personnes sur cette guerre encore lointaine et pas si terrible. Mais au lieu de cela, le programme garde toujours le même assortiment de ces « Voices », KVN, Malakhov. Inutile d’être triste, toute votre vie est devant vous. Espérez et attendez que ça arrive chez vous. »

Karine Bechet-Golovko

2 Commentaires

  1. C’est en effet bizarre… il ne faut pas informer le petit peuple ? Car l’informer des procès de ce genre, c’est de fait l’informer des crimes de guerre, des horreurs que leurs sœurs et frères des autres républiques subissent. De quoi perturber sérieusement.
    Enfin… c’est juste une idée …

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