Dr. Tewfik Hamel: «La préparation à une pandémie et au bioterrorisme est indissociable» (Partie II)

Si en cas d’attaque bioterroriste, nos gouvernements pédalent dans la semoule comme présentement, on a pas fini d’être terrifiés. Cette épidémie montre bien que rien n’est fait dans le bon sens et, que nous ne sommes pas prêts au pire. En espérant ne pas avoir à le subir.

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Auteur Dr. Tewfik Hamel via Observateur-Continental

Tewfik Hamel est chercheur en Histoire militaire & Etudes de défense attaché à CRISES (Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences Humaines et Sociales) de l’université Paul Valéry à Montpellier et consultant. Chargé de recherche à la Fondation pour l’innovation politique (2008-2009), Tewfik Hamel est membre de RICODE (Réseau de recherche interdisciplinaire «colonisations et décolonisations») et du comité de lecture de la revue Géostratégiques (Académie géopolitique de Paris). Il est également rédacteur en chef de la version française de l’African Journal of Political Science (Algérie), correspondant de The Maghreb and Orient Courier (Belgique) et membre du Cabinet de Conseil Strategia (Madrid). 

Observateur Continental partage dans une première partie certains passages de ce long entretien réalisé par Mohsen Abdelmoumen d’Algérie Résistance sur la question de la pandémie et du bioterrorisme.

Lire la première partie de l’entretien ici 

Vous avez écrit récemment un article très intéressant Pandémie Covid-19: leçons pour le Bioterrorisme. Pouvez-vous expliquer à notre lectorat le concept de bioterrorisme?

– Le bioterrorisme fait référence à l’utilisation intentionnelle ou la menace d’emploi à des fins terroristes de micro-organismes (bactéries, virus, champignons, parasites) ou de toxines dans le but d’induire un dysfonctionnement biologique pouvant entraîner la mort d’un organisme vivant afin d’influencer la conduite du gouvernement ou d’intimider ou de contraindre une population civile. Le bioterrorisme pourrait inclure des actes délibérés comme l’introduction d’organismes nuisibles destinés à tuer les cultures vivrières; la propagation d’une maladie virulente entre les installations de production animale; et l’empoisonnement de l’eau, de la nourriture et des réserves de sang. L’acte de bioterrorisme peut aller d’un simple canular à l’utilisation réelle d’armes biologiques.

Les attaques biologiques – armes de destruction, de désorganisation et de perturbation de masse – peuvent avoir des effets psychologiques et sociaux importants de diverses façons, même lorsque les agents provoquent de faibles taux de mortalité physique. L’un des premiers effets est une détresse sociale et psychologique intense. Plusieurs raisons à cette réaction: l’invisibilité des agents biologiques, l’incertitude sur l’étendue et la dangerosité des armes biologiques, la possibilité de transmission de l’agent par contact humain, etc. Parce que peu de matériel suffit pour produire l’effet souhaité, les agents biologiques – bon marché et relativement faciles à obtenir et à disperser – se révèlent bien adaptés au terrorisme pour semer le chaos et la terreur parmi les populations (…). 

On évoque souvent le terrorisme biologique. Qu’en pensez-vous de ces thèses?
– Les agents biologiques ont des caractéristiques qui les rendent attrayants pour un terroriste potentiel: coût moindre que les armes nucléaires; détection difficile; dissémination des agents facile sur de grandes étendues; les auteurs peuvent se protéger et disparaître avant l’apparition des effets; induit la panique; engorgement des structures de soins; effet médiatique; impact économique important. Quoi qu’il en soit la probabilité et la possibilité, une préparation efficace au bioterrorisme aurait certainement permis une meilleure gestion d’une pandémie, d’une crise d’origine naturelle ou accidentelle. La préparation à une pandémie et au bioterrorisme est indissociable. Il existe une continuité évidente entre les mesures à prendre pour faire face au bioterrorisme et les mesures contre une pandémie. Plus que jamais, la menace biologique mérite l’attention des politiques et des professionnels de sécurité et de la santé publique. 
La biotechnologie à l’ère de la biologie synthétique élargit le paysage des problèmes potentiels de la défense. La biotechnologie peut également avoir des applications soutenant la militarisation, la diffusion et la livraison des agents biologiques. A mesure que la biotechnologie continue de progresser, les dangers et les risques de la militarisation, par des gouvernements ou des acteurs non étatiques, progressent également. Par exemple, l’équipement ADN requis pour synthétiser un certain nombre de contagions mortelles est moins cher et plus facile à acheter que d’autres ADN. Selon un rapport de la Central Intelligence Agency de 2003, «la biotechnologie sous-jacente au développement d’Advanced Biological Agents est susceptible de progresser très rapidement, provoquant un spectre de menaces diversifiés et incontrôlables».

Les plantes et les animaux transgéniques pourraient être modifiés pour produire de grandes quantités de protéines biorégulatrices ou de toxines. Des insectes transgéniques, tels que les abeilles ou les moustiques, pourraient être développés pour produire et délivrer des toxines biologiques. Par exemple, un moustique pourrait être génétiquement modifié pour produire et sécréter une toxine biologique dans sa salive. Cinq attributs importants caractérisant ces agents biologiques avancés ont été décrits: Haute virulence associée à une spécificité élevée; Absence de contre-mesures opportunes pour la population attaquée; Possibilité de camoufler l’agent avec une relative facilité; Haut degré de résistance aux forces environnementales défavorables; Haut degré de contrôlabilité.

Vous êtes un éminent expert en terrorisme ainsi qu’aux questions liées à la défense. À votre avis les organisations terroristes telles que Daech et al Qaïda, n’ont-ils pas profité de cette crise du Covid pour se réorganiser?

Des groupes de la société civile, comme l’Anti-Defamation League, ont identifié que des forums de droite comme «Que faire si vous obtenez Corona 19», qui disent: «Visitez votre mosquée locale, visitez votre synagogue local, passez la journée dans les transports en commun, passez du temps dans votre quartier diversifié local». Certains blogs néonazis proposaient «d’exterminer» les populations immigrées et d’exclure les minorités ethniques du traitement médical, tout en affirmant que la «croix gammée» est «le meilleur remède contre Covid-19». Leur propagande blâme les groupes ethniques «inférieurs» tout en plaidant pour la fermeture permanente des frontières. De son côté, l’Etat islamique a encouragé les djihadistes à capitaliser sur la peur, le chaos et le stress causés par la pandémie en menant des attaques contre des populations vulnérables en Europe et aux Etats-Unis. Les partisans de l’Etat islamique décrivent le coronavirus comme un «soldat d’Allah» et ont encouragé les adeptes à célébrer comment la pandémie a nui aux économies américaine et européenne. Ils ont également allégué qu’il s’agissait d’une punition divine contre les athées, les chiites, les chrétiens et les populations minoritaires en Chine, en Iran et en Italie. Des sites et blogs islamistes appellent aussi à propager Covid-19 parmi les infidèles et Dar-Al-Harb, ou ce qu’ils appellent le «djihad coronavirus».

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Source: https://tribune-diplomatique-internationale.com/dr-_tewfik_hamelpreparationpandemiebioterrorisme/

Via Observateur-Continental

Un Commentaire

  1. Sans parler d’attaque biologique, on imagine ce que donnerait une épidémie, une vraie, aller disons juste une petite à 5% de létalité. Les services médicaux et de secours seraient dépassés en moins de deux semaines.
    Depuis des années, les services sont débordés tous les hivers, simplement avec la grippe.
    Nous avons probablement moins de lits d’hôpitaux maintenant que nous sommes 67 millions que quand il y avait 50 millions d’habitants en France. Tout cela aggravé par le vieillissement de la population. Alors pourquoi s’étonner que cela se passe mal ? Nous sommes un pays en voie de sous-développement.

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