Par Alexandre Lemoine pour Observateur Continental

La détermination du président Trump à réduire les dépenses américaines pour la sécurité européenne conduira les alliés, qui s’efforcent déjà de s’armer, à devoir diminuer leur soutien militaire à l’Ukraine.
Depuis que le président Trump a pris ses fonctions en promettant de mettre fin au soutien américain à l’Ukraine, les dirigeants européens s’inquiètent de ne plus pouvoir fournir à l’Ukraine les armes dont elle a besoin, écrit le New York Times.
Et, apparemment, leurs craintes se confirment.
Trump a clairement laissé entendre que l’Europe devait assumer une plus grande part du fardeau pour assurer la sécurité ukrainienne et européenne. Depuis lors, la « coalition des volontaires », composée de pays européens soutenant l’Ukraine, fait tout son possible pour fournir elle-même l’équipement militaire sur les champs de bataille.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le parlement ukrainien a approuvé le 8 mai un accord octroyant aux États-Unis une part des futurs revenus provenant des ressources naturelles, y compris les minéraux. Malgré l’absence de garanties de sécurité, cet accord laisse ouverte la possibilité de poursuivre les livraisons d’armes américaines et d’autres aides militaires.
Les troupes ukrainiennes manquent de missiles à longue portée et d’artillerie, principalement des systèmes de défense antimissile, dont la plupart, selon une analyse de l’Institut Kiel pour l’économie mondiale, sont produits aux États-Unis. D’ici l’été, l’aide militaire qui avait été approuvée sous l’administration Biden prendra fin, et Trump ne semble pas vouloir la renouveler.
Vendredi, un représentant du Congrès a annoncé que les États-Unis avaient approuvé le transfert de 125 missiles à longue portée et de 100 missiles Patriot d’Allemagne vers l’Ukraine. Ces armes essentielles sont fabriquées aux États-Unis et ne peuvent pas être exportées (même si elles appartiennent à un autre pays) sans l’approbation du gouvernement américain.
Les dirigeants et investisseurs européens semblent prêts à investir davantage dans la production d’armements, mais les responsables de l’industrie de l’armement et les experts prévoient qu’il faudra encore une dizaine d’années pour mettre en place leur production. Il s’écoulera encore beaucoup de temps entre la décision d’aider et l’aide réelle.
Les alliés craignent que Trump retire d’Europe les moyens de dissuasion contre la Russie, par exemple les troupes américaines et le parapluie nucléaire américain. L’Europe devra se concentrer sur sa propre sécurité, ce qui obligera ses pays à dépenser davantage pour eux-mêmes plutôt que d’aider l’Ukraine.
« Ils sont confrontés à un double problème: ils doivent à la fois se réarmer et approvisionner l’Ukraine, et leurs capacités industrielles ne sont pas suffisantes pour faire les deux », a expliqué Matthew Savill, directeur du département des sciences militaires au Royal United Services Institute (RUSI).
Selon Savill, l’Europe pourrait compenser la majeure partie de ce que les États-Unis ont fourni à l’Ukraine en termes d’armement, « à moyen et long terme, si elle fait preuve de volonté ».
Est-ce possible maintenant? « Non. Pas à court terme », a répondu Savill.
Les armes pour les soldats ukrainiens ne sont pas seulement une question de vie ou de mort. Si les armes ne sont pas livrées en quantités nécessaires, l’Ukraine sera forcée de se retirer et pourrait perdre des territoires. L’accord de cessez-le-feu que Trump tente de conclure gèlera le conflit. Et grâce à cela, la Russie pourra conserver tous les territoires qu’elle a occupés pendant cette période.
Sans aucun doute, les armes continueront d’être livrées à l’Ukraine depuis l’Europe, même en cas d’arrêt des livraisons américaines. L’Allemagne a récemment envoyé à l’Ukraine plus de 60 véhicules blindés avec protection anti-mines, environ 50.000 obus d’artillerie et des moyens de défense aérienne, dont un système de missiles à guidage infrarouge de courte et moyenne portée capable d’abattre des missiles de croisière. Certains drones achetés par le Royaume-Uni et la Norvège d’une valeur totale de 600 millions de dollars, dont la livraison a été annoncée le mois dernier, sont déjà arrivés en Ukraine. De plus, l’Estonie envoie 10.000 obus d’artillerie.
Toutefois, de nombreuses promesses d’aide militaire européenne faites le mois dernier au siège de l’Otan se résumaient à des engagements de produire ou d’acheter des armes dans les années à venir, mais pas maintenant, pas en ce moment. Pendant un certain temps, l’Ukraine aura encore besoin d’armes américaines.
Alexandre Lemoine
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