L’âge d’or de la comédie française : sur l’imposture de la NUPES »

Il a bien existé une époque, quand naissait la grande industrie française, où la France était une place forte du mouvement ouvrier, et tant que la bourgeoisie ne se donna pas de plus grands moyens législatifs, financiers et policiers pour percer les rangs du prolétariat celui-là parvenait quelques fois à accéder à des revendications d’ordre général. De cette nécessité sont nées un bon nombre d’organisations bourgeoises chargées au-delà de leurs différends commerciaux de désarticuler toute activité ouvrière pour sortir vainqueurs des conflits qui opposent périodiquement les travailleurs salariés à leurs patrons, nommons pour l’exemple la première d’entre elles, l’Union des industries et métiers de la métallurgie, le cœur d’acier de la bourgeoisie française qui rythme la législation nationale et encadre la lutte patronale depuis 1901.

Ces organisations ont su, dans la discrétion des conseils d’administration, dans le secret des salons privés, et derrière les murs épais des ministères évoluer dans l’ombre et attirer très peu l’attention de la classe ouvrière tout en menant chaque jour une lutte contre les syndicats ouvriers jusqu’à renvoyer leur niveau d’organisation à son stade le plus précaire, semblable à celui qui existait au début du syndicalisme en France dans les années 1860 où les travailleurs avaient bien de la peine à étendre leur lutte au-delà de leurs établissements, et même au-delà de leurs secteurs d’activité au sein de l’usine.

Le succès des syndicats patronaux est d’avoir élevé les cas isolés de corruption des représentants des salariés, les tentatives artisanales d’achat de la paix sociale au niveau de politiques nationales légales pour faire prospérer la paix dans les familles bourgeoises et répandre la résignation dans les familles ouvrières.

Venons-en à l’actualité, le gouvernement d’Emmanuel Macron s’est ouvertement engagé dès son premier mandat en 2017 à faire reculer l’âge de départ à la retraite des salariés de 62 à 65 ans puis de 62 à 64 ans ce qui aura pour résultat d’aggraver la concurrence entre les salariés en augmentant leur nombre sur le marché du travail, et non pas seulement âgés de 62 à 64 ans, mais de tout âge puisque la nécessité d’aligner des fiches de paye se fera de plus en plus durement ressentir pour le grand plaisir des employeurs. Le texte de loi fut examiné pour la première fois le 6 février dernier à l’Assemblée nationale, les représentants syndicaux et élus de l’opposition de gauche prirent position contre cette réforme et les uns et les autres prétendirent engager toutes leurs forces pour empêcher cette loi d’être adoptée par le parlement.

Le 20 mars, le projet de réforme des retraites est adopté après 8 manifestations étrangement écartées dans le temps, rassemblant quelques centaines de milliers de personnes, qui furent pour tout dire non pas les signes d’une véritable force d’opposition mais de grandes démonstrations d’impuissance. Résultat : les syndicats n’ont même pas aligné 3 jours de grève dans 3% des secteurs d’industrie.

Il y a pourtant bien une différence entre les débuts du syndicalisme en France dans la deuxième moitié du 19eme siècle et la situation actuelle car si les syndicats n’ont été légalisé qu’en 1884 il est aujourd’hui obligatoire pour l’employeur de faire élire un délégué du personnel dans les sociétés de plus de 10 salariés, et un délégué syndical dans les sociétés d’au moins 50 salariés, c’est bien pourquoi la défaite de la mobilisation contre la réforme des retraites devrait faire surgir de nombreux doutes sur l’honnêteté des élus syndicaux à une heure où les syndicats n’ont jamais été aussi présents dans les entreprises.

Cette mobilisation a eu des airs de canular, mais c’est bien avec tout le sérieux du monde que les secrétaires syndicaux prétendirent diriger une grande bataille contre la réforme du gouvernement. Mais enfin ce n’est pas à coup de tracts et de banderoles une fois par semaine qu’on gagne la bataille de l’image : enfumer le prolétariat c’est une affaire sérieuse. Face à une remise en question croissante de l’activité des organisations syndicales, ce sont bien les 132 députés de la NUPES qui obéissant à un même mot d’ordre ont eu l’indignité de porter ces mensonges devant les caméras de l’Assemblée et des chaînes de télévision pour éclipser un doute grandissant dans la tête des salariés français.

Mais tous ces efforts en valaient-ils bien la peine ? A quel point leur propagande a-t-elle influé sur l’état d’esprit des salariés ? Eh bien en réalité il aurait suffi qu’un seul député dénonce l’hypocrisie générale pour donner de la force aux véritables militants de la classe ouvrière et donner un tout autre sens à la mobilisation, mais évidemment tout cela n’est jamais arrivé et au vu de l’état désastreux de l’opposition syndicale l’attitude de la NUPES a tout à voir avec de la communication de crise et évidemment rien avec la défense des intérêts des salariés.

Lorsque les syndicats, cédants sous le poids des associations patronales cessent après de longues années dans tous les secteurs du salariat d’être des appareils de défense des intérêts économiques des travailleurs pour devenir finalement des outils de contrôle et de répression de la spontanéité ouvrière – et aujourd’hui le syndicalisme français répond largement aux envies et besoins des bourgeois – il est alors absolument nécessaire à la bourgeoisie que cette masse de représentants des travailleurs apparaissent honnêtes et crédibles aux yeux de la classe laborieuse.

Ainsi donc, les élus de la République ne peuvent diriger en toute sûreté une réforme contre les salariés qui représentent la grande masse du peuple sans devoir compter sur la mise en place d’une véritable pièce de théâtre qu’un tas de personnages sans morale – il faut de bons comédiens – doivent animer chaque jour en place publique pour faire rentrer dans la tête des travailleurs un récit imaginaire tout droit venu des cerveaux de la bourgeoisie elle-même.

Ce récit imaginaire en ce qui concerne notre sujet, c’est une mobilisation syndicale totale et exemplaire contre la réforme du système des retraites qui aurait eu lieu entre janvier et juin 2023, et nos comédiens ce sont bien entendu les élus et partisans de la NUPES qui se sont chargés de répandre ces histoires dans toute la société française.

A contre-sens de ce que cette « opposition populaire » réalisée dans cet énième front de gauche a bien voulu faire croire à son public, le gouvernement d’Emmanuel Macron n’est pas un lot d’idiots déconnectés de la réalité de la nation, pas plus qu’il n’est isolé ni mis en difficulté quand il mène la réforme des retraites contre l’ensemble des salariés : le pouvoir bourgeois est mille fois plus large que cherche à le faire croire la NUPES pour couvrir une complicité très largement répandue entre des représentants des salariés et des patrons. La bourgeoisie, de par son vécu quotidien, ses espaces privés de discussion et de débat, ses associations de commerce et d’industrie et bien évidemment grâce à son armée de fonctionnaires d’Etat, se fait une idée très précise du niveau d’organisation et de conscience de la classe ouvrière, et elle savait parfaitement qu’en réformant le système de sécurité sociale elle ne risquait aujourd’hui rien d’autre que de brefs excès de violence sur les grandes avenues du pays qui n’ont rien à voir avec la structuration d’une opposition ouvrière.

La politique française se retrouve selon la NUPES réduite aux bonnes et mauvaises intentions d’Emmanuel Macron et de son gouvernement qui n’ont agi en réalité qu’en totale concordance avec la capacité d’organisation réelle de la classe ouvrière c’est-à-dire bien peu de choses.

Imaginons un petit instant que la NUPES soit le parti de la classe ouvrière française, quel est l’intérêt pour ces élus de dépenser autant de temps et d’énergie à convaincre les salariés concernés par la réforme qu’ils doivent son adoption aux seules mauvaises intentions du président de la République…qu’ils ont eux-mêmes fait élire en 2017 et en 2022 ? Quel intérêt pour la NUPES d’accabler – en toute liberté, rappelons-le quand même – pendant des dizaines et des dizaines d’heures d’antenne la personne même d’Emmanuel Macron et de quelques-uns de ses ministres ?

Si nous n’admettons pas que la NUPES et ses partisans aient joué un rôle d’importance dans la défaite de la mobilisation comment comprendre alors que bien qu’aujourd’hui la bourgeoisie exerce son pouvoir sur la société toute entière sans qu’elle n’ait affaire à une réelle opposition, tous ont non seulement été absolument libres de remplir – tout en prétendant être censurés – des salles de conférence dans pas moins de 130 villes mais avant tout ont été invité à diffuser largement et impunément leur adresses et leurs discours sur les médias aux plus grandes audiences – tout en prétendant devoir les combattre – c’est-à-dire dans la presse et les émissions bourgeoises de radio et de télévision, aussi bien au niveau local sur les chaînes départementales que nationalement jusqu’à aller faire les grands titres pendant plusieurs semaines sur les chaînes d’Etat ?

Le résultat de cette démagogie est de décharger l’ensemble des représentants des travailleurs de leur responsabilité dans l’adoption de cette réforme, autrement dit de diriger toutes les lumières vers quelques personnages fortement médiatisés pour l’occasion. Remarquons que malgré le sentiment largement répandu parmi les salariés français d’être trahis par leurs syndicats, ceux-là qui entrent en guerre contre ces appareils complètement pourris de l’intérieur n’ont quant à eux pas figuré sur la liste des invités de ces chaînes d’information. Vu sous cet angle-là l’opposition entre le gouvernement d’Emmanuel Macron et la NUPES apparaît définitivement comme un simple artifice profitant à la paix sociale et à la conservation capitaliste, car il existe bien des milliers de témoignages pouvant expliquer l’échec général provenant des secteurs les plus variés de travail à propos de représentants syndicaux promus à des postes de direction de l’entreprise, de dénonciations par les syndicats des éléments contestataires, de luttes artificielles à la veille des élections professionnelles, de détournements d’argent, de financement par l’entreprise, d’emplois syndicaux fictifs, de licenciements arrangés de syndicalistes, si bien qu’il est impossible de n’avoir connaissance d’aucun lorsqu’on s’intéresse ne serait-ce qu’un peu à la vie ouvrière en France comme on prétend le faire à La France Insoumise, au Parti Communiste Français, au Parti Socialiste et même à Europe Écologie les Verts.

Nous pourrions pardonner sans difficulté à n’importe quel premier venu de raconter que le prolétariat français était pleinement en capacité de s’opposer au projet de loi du gouvernement, mais en ce qui concerne nos comédiens de la Nouvelles Union Populaire Ecologique et Sociale, l’état dramatique des organisations de défense des salariés ne leur est absolument pas étranger, c’est un parti d’hommes et de femmes cultivés, provenant pour beaucoup du corps enseignant et de la fonction d’Etat et bon nombre de ses dirigeants ont même occupé pendant de bien longues années des postes d’importance dans les différents parlements et plus largement dans un grand nombre d’administrations territoriales, cela signifie bien que ces personnages ne peuvent prétendre ignorer les intentions réelles des syndicats et qu’ils savent bien aussi ce que la bourgeoisie leur autorise à dire ou non dans un micro ou devant une foule.

Simuler en lieu public une opposition à l’avantage de détourner la mobilisation de ses véritables tâches d’organisation, et c’est d’autant plus méprisable que l’on se rend bien compte à la NUPES que les travailleurs étaient pieds et poings liés avant et le seront encore après l’adoption de la réforme. La NUPES n’est pas un parti au service des salariés mais bien une union éphémère de la gauche anti-prolétarienne qui n’a d’historique que l’hystérie et la malfaçon qui sont bien les symptômes d’une profonde crise de la représentation salariale.

Le prolétariat depuis qu’il s’est massivement développé a connu d’innombrables traîtres, et rencontré au moins autant de démagogues chargés par les classes possédantes de semer la confusion parmi ses rangs en lui donnant une image tout à fait fausse du rapport de force qui existe entre les prolétaires et la bourgeoisie grâce à un jeu agile de démagogie et de provocations. L’imposture d’un bon nombre de représentants des travailleurs n’est pas nouvelle, elle est aussi vieille que les représentants des travailleurs eux-mêmes, seulement dans le cas qui nous intéresse – la France de 2023 – la situation générale nous force à croire que la désorganisation des travailleurs a atteint un point critique et qu’elle est porteuse de mauvais présages si nous gardons en tête que la bourgeoisie française cherchera dans les années à venir à engager de lourds moyens humains et financiers dans la guerre commerciale qui commence à fracturer sérieusement l’Europe.
Nous voilà alors face à deux récits contraires, l’un ne peut exister sans remplacer l’autre :

1. Dans l’état actuel des choses, l’ensemble des syndicats de salariés représentent une opposition ferme et sincère face à la dégradation des conditions de vie de chacun, ils sont pleinement en mesure de mobiliser sur le territoire français des millions de travailleurs et de les faire marcher du même pas face au gouvernement. Toutes les forces ouvrières ont été engagées durant l’opposition à la réforme des retraites, et si le système de retraites est tout de même réformé c’est parce qu’il y a eu des vices de procédure et qu’Emmanuel Macron est hautain et méprisant.

2. Sous le regard complice d’une fausse opposition de gauche, la classe ouvrière française s’enlise un peu plus chaque année qui passe dans un profond état de dégénérescence où – faillite générale du syndicalisme oblige – il ne règne plus que la confusion et une résignation offrant à la bourgeoisie un vaste champ de manœuvre politique. Le « monde du travail » est une jungle et les syndicats français ne sont plus que de grandes mafias expérimentées dans la neutralisation et l’isolement des militants naturels de la classe ouvrière, dans la limitation et la désarticulation de toute organisation de travailleurs, par la corruption, par le chantage à l’emploi ou par la violence.

Le premier caractérise bien entendu l’attitude des élus de la NUPES, il rend un précieux service à la bourgeoisie en donnant tort à qui voudrait remettre en question la crédibilité des dirigeants syndicaux que nous connaissons, le deuxième a l’avantage puisqu’il est fidèle à la réalité de dévoiler toute la manigance de ces gens-là. Et levons tout de suite le doute, il a bien existé mille occasions pour les élus de la NUPES de placer au centre de l’espace médiatique des témoignages sur l’incohérence des discours des représentants syndicaux et mille autres occasions aussi de les interroger sur leur activité réelle, mais ils firent TOUS le choix de faire front contre le prolétariat en donnant chaque jour de la voix aux personnages les plus malhonnêtes qu’il ait jamais eu pour dirigeants syndicaux, les Philipe Martinez, Laurent Berger, Sophie Binet, et autres gens de carrière comme on en trouve des centaines dans les directions syndicales. Ces témoignages ce sont pourtant bien des signes de détresse de salariés qui au-delà du recul de l’âge de départ à la retraite sont complètement désarmés vis-à-vis des directions d’entreprises quand il s’agit de menaces de licenciement, de problèmes de sécurité dans l’entreprise ou d’augmentations de la charge de travail.

Le moment le plus comique de tout ce cinéma c’est celui où le mouvement de grèves, sans même être un véritable mouvement, s’essouffle et où les députés de la NUPES ont la mission d’expliquer qui si cette lutte très généreuse des syndicats se tarit et fini définitivement par échouer c’est parce que les salariés perdent trop de journées de salaire, pas parce qu’il existerait dès le départ de puissantes forces de coercition contre les travailleurs qui expliqueraient pourquoi on n’entend personne s’inquiéter de la gestion financière des syndicats. C’est une façon d’expédier les questions les plus naturelles qui pourraient se poser aux travailleurs : pourquoi après 150 ans de syndicalisme en France, pas une seule ville n’a connu de grève générale ?

Les manifestations et rassemblements ont-ils bien permis une plus grande coordination des efforts des syndicats où furent-ils comme d’habitude rien d’autre que d’inutiles parades folkloriques ? Et pourquoi faire une grève perlée ? Les syndicats font la manche au premier jour de la mobilisation, tout en sachant qu’un jour ou l’autre depuis 2017 le gouvernement pour lequel ils ont appelé à voter mènerait cette réforme, et aucun représentant ne semble s’être inquiété du fait que les caisses soient vides. On apprend, sans toutefois connaître le nombre exact de grévistes par secteur, qu’il y aurait 0€ dans les caisses des syndicats, mais ce qui est inquiétant c’est que si nous ne savions rien des innombrables cas de détournement d’argent et d’emplois fictifs il y aurait aussi 0€ dans les caisses. La NUPES a pourtant bien fait œuvre de charité en récoltant de l’argent pour les grèves, seulement quand il fallait saboter le débat parlementaire ils ont pris le grand soin de rédiger 20 500 amendements, mais plutôt se jeter dans la Seine en criant vive Pétain que de demander un jour dans un micro « où est l’argent des syndicats ? ».

Face à ce grand naufrage du syndicalisme, un député qui ment sur les intentions réelles des syndicats c’est un affront, dix députés qui désinforment sur l’état réel de la mobilisation c’est un complot, cent trente-deux députés qui prennent les micros pour saluer l’exemplarité des syndicats c’est bien une affaire d’Etat. Avant, pendant et après le « mouvement » contre la réforme des retraites la NUPES a renforcé l’idée selon laquelle l’attitude des syndicats est à chaque instant irréprochable et a de cette façon agi comme un écran de fumée particulièrement vis-à-vis des jeunes salariés qui s’imaginent encore plus difficilement que les choses aient pu se passer différemment. Il peut être douloureux pour l’électorat de gauche d’imaginer que toute la politique de la NUPES n’est rien d’autre qu’une grande manipulation, mais nous ne pouvons pas non-plus faire comme s’il n’y avait pas eu de précèdent, il y a quatre ans les gilets jaunes remontaient les avenues du pays avec le profond sentiment que les syndicats étaient aux ordres du gouvernement et pour ça ils marquèrent l’histoire récente de notre pays, mais des traces de cette défiance il n’en existe aucune chez les députés de la NUPES, toute critique a complétement sombré dans l’oubli et il est même question au contraire de rendre à nouveau acceptable les mensonges de la représentation syndicale. Alors soit il s’agit d’un cas extraordinaire d’amnésie collective et alors il est recommandé de réaliser des examens neuropsychologiques dans centre d’imagerie cérébrale sinon il serait bon d’accepter que la Nouvelle union populaire et tutti quanti est une escroquerie car on ne peut pas dénaturer tout l’état d’esprit d’un mouvement et aussi célébrer chaque année son anniversaire et ses blessés.

La NUPES est une énième arme idéologique contre le prolétariat, et s’il fallait encore s’en convaincre, notons que s’ils n’ont pas exigé cette fois ci que les belles paroles des secrétaires syndicaux soient suivies d’effets, ni le PCF, ni la France Insoumise, ni le parti socialiste ni EELV n’en ont en réalité exigé à aucun autre moment de leur histoire suite aux victoires répétitives de la bourgeoisie et ce bien que des partis de ces tailles et de ces influences aient largement eu les moyens de mettre en lumière la généralisation de la corruption des syndicats et de diriger toutes les interrogations vers les représentants des travailleurs. Le rôle des élus de la NUPES n’est pas de soulever les questions brûlantes du mouvement ouvrier mais bien au contraire de saturer l’espace médiatique de mythes sur l’héroïsme des syndicats et de diriger les mauvais sentiments vers la personnalité du président et des ministres et autant dire qu’ils ont bien mérité leur salaire.

Oublions maintenant quelques instants tous ces mensonges et demandons-nous sincèrement : Mais qu’est-il vraiment en train de se passer en France ? La réforme du système des retraites a pour effet immédiat de récompenser la vieille coordination des efforts des industriels et des commerçants qui profiteront tous d’une augmentation de la main d’œuvre sur le marché du travail – contredisant au passage la théorie de nos personnages de théâtre selon laquelle la réforme des retraites visait à satisfaire les caprices d’enfants de Mr. Macron qui n’est rien d’autre en réalité qu’un fonctionnaire d’Etat – et alors la plus grande peine pour le prolétariat ne sera pas d’avoir à travailler péniblement deux ans de plus mais d’avoir impuissamment laissé la bourgeoisie sonder avec précision l’étendue de ses faiblesses qui sortira plus confiante qu’auparavant de cette affaire, et quand viendront bientôt de graves crises économiques et l’intensification de la guerre impérialiste en Europe elle sera certaine de trouver face à elle comme partout ailleurs une classe ouvrière désorganisée et démoralisée, trahie par tous ses chefs.

Mais aussi profonde puisse être la crise que traverse la classe ouvrière française et aussi longtemps semble-t-elle être condamnée à devoir accepter les conditions de ses compatriotes bourgeois son destin est encore entre ses mains et le cours des évènements a créé une situation toute particulière qui pourrait bien finalement tourner à son avantage. Le haut niveau d’hypocrisie qui règne dans la société française a poussé non pas un ou deux, mais les huit principaux syndicats français à prendre publiquement position contre la réforme des retraites, et non pas 10 ou 20 députés, mais 132 députés de gauche à donner de la crédibilité à la représentation syndicale pour dissimuler un système généralisé de corruption.

Existera-t-il encore, même dans un avenir lointain, une si belle occasion de faire rentrer tous ces personnages dans l’Histoire française sur le banc des traîtres à la classe ouvrière ? Si les travailleurs ne sont pas à la hauteur de ce rendez-vous d’importance et ne se saisissent pas de cette opportunité pour demander des comptes à leurs représentants alors ils remettront à trop tard le jour où ils dénicheront dans leurs rangs les alliés de la bourgeoisie car la situation sera à l’avenir quoi qu’il arrive moins favorable que celle qui se présente à eux aujourd’hui. Ce bras de fer historique entre le gouvernement et les syndicats est une pure œuvre de fiction, mais tout spectacle vivant aussi long soit-il doit bien se finir à un moment.

Quel furent les résultats du vote de la grève ? Y-a-t-il seulement eu une assemblée dans l’entreprise ? Combien y-a-t-il eu de grévistes ? Combien de jours l’établissement a-t-il été fermé? Quelles furent les tentatives de coordination au-delà de l’établissement ? Combien y avait-il d’argent dans les caisses du syndicat avant la mobilisation ? Combien après ? Quel lien territorial a été tissé entre les élus des différents syndicats ? Qui finance le syndicat ? Les délégués ont-ils rendu des comptes dans un quelconque journal ? Quel rapport les délégués ont-ils entretenu avec les autres élus de leur syndicat? Quelle documentation les délégués ont-ils fourni aux salariés ? Les élus syndicaux profitent-ils d’un quelconque avantage matériel ? Quelle stratégie à l’échelle de la filière ? De la ville ? Du département ? Quel rapport les délégués entretiennent-ils avec leur hiérarchie syndicale ? Quels mots d’ordre les délégués ont-ils reçu de leur hiérarchie syndicale ?

Les salariés se rassembleront devant la bourse du travail de chaque département et y présenteront une assemblée de 30 personnes chargée d’auditionner les délégués et secrétaires de la Confédération générale du travail, de la Confédération française démocratique du travail, de Force ouvrière, de la Confédération française de l’encadrement, de la Confédération française des travailleurs chrétiens, de l’Union nationale des syndicats autonomes, de l’Union syndicale solidaires et de la Fédération syndicale unitaire pour évaluer leur engagement réel et dresser un bilan départemental de la mobilisation contre la réforme du système des retraites. Ces assemblées s’engageront à recueillir des témoignages mettant en lumière la coopération entre les élus et les directions d’entreprises, à formuler des dispositions précises pour aller vers la plus large union des travailleurs et à les faire paraître dans un journal édité pour l’occasion où figureront aussi les premiers résultats de ces auditions.

Et quoi de mal ? Les syndicalistes les plus honnêtes se réjouiront, en bons militants de la classe ouvrière, de participer à cet exercice de bilan et de faire savoir avec quelle énergie ils se sont opposés au recul de l’âge de départ à la retraite. Dans tous les cas les uns et les autres se soumettront aux résultats de nouvelles élections professionnelles toutes fixées à une seule et même date qui clôtureront ces auditons. Et si les salariés parviennent à remettre d’aplomb leurs organisations syndicales et aussi à réunifier la CGT et FO, la CFDT et la CFTC dont les scissions respectives n’ont jamais réglé aucun problème alors ils reprendront naturellement conscience de leur force et peut être qu’en réclamant l’interdiction du travail de nuit dans l’industrie et la logistique, l’interdiction des heures supplémentaires, la fin des agences de travail temporaire, l’intégration du personnel de ménage et le rétablissement de l’âge de départ à la retraite à 60 ans, ils se réengageront dans leur propre combat, celui de la réduction du temps de travail et de sa juste répartition entre tous les citoyens de la nation française.

Préparer le passage en revue des élus syndicaux c’est faire échouer la NUPES et plus largement toute la doctrine de la gauche bourgeoise qui vise à préserver la collaboration de classe à grande échelle, et vive ce jour où les salariés auront l’incorrection de demander des comptes à leurs représentants : nous verrons bien qui anime les forces de progrès et qui déchaîne les forces de la réaction. Et s’ils prennent la bonne habitude d’en demander à chaque fois qu’une bonne occasion se présente alors ils apprendront à faire la différence entre les militants de la classe ouvrière et les serviteurs de la bourgeoisie et ils rapprocheront un peu le jour où seuls leurs intérêts dicteront les orientations générales de la nation plutôt que ceux ces classes possédantes. Mais d’esclave du temps à maître des horloges il faut bien apprendre à un moment à faire sonner l’heure des bilans avant qu’il soit trop tard.

Mettons un terme à ces mois d’humiliation et de parodie, appelons le samedi 16 septembre à 14h les salariés de tous secteurs confondus à réinvestir les bourses du travail qui furent un jour non pas ces insignifiants bureaux et salles de spectacles mais bien les hauts lieux du mouvement ouvrier français avec la ferme intention d’obtenir des réponses et de donner de la voix à tous ceux que cette situation révolte, qui ont été réduit au silence par la menace et l’isolement.

Carvalho Arthur

5 Commentaires

  1. Ouahhh…,
    Tout ça pour dire que la gauche, syndicat inclus, a trahi les ouvriers.

    Cela fait quand même depuis Mitterrand que tous les faits le prouvent.
    En fait, depuis 1983 avec le basculement vers la “rigueur*”, qui privilégia l’immigration comme sont nouveau cœur de cible électoral au détriment des ouvriers.
    L’ouvrier, cette ancien cœur de cible qu’il savait avoir trahi avec des fausses promesses et l’acceptation de la désindustrialisation sauvage de la France et ceci malgré les promesses de Mitterrand.

    Mais bon, les gens aiment leurs bourreaux pourvu qu’ils se présentent comme un sauveur.
    Et le déni faisant le reste…, nous en sommes là !

    *) https://fr.wikipedia.org/wiki/Tournant_de_la_rigueur

    • “Tout ça pour dire que la gauche, syndicat inclus, a trahi les ouvriers.” C’est tout à fait exact. Imaginons un syndicat “honnête” qui dirait aux ouvriers ” ça suffit, on se bouge! ” Combien bougerait ???

      • Deja qu’un syndicat soit assez honnete pour le proposer, apres on verra, les gens sont blasés des lanceurs de combats sociaux qui se sont gavés au passage pour rien au final.

  2. J’aimerais avoir le CV détaillé de l’auteur du texte.
    Certes, qu’il accable la NUPES n’est que de bonne guerre, mais pourquoi uniquement cette formation ? Là, je comprends mal.

  3. Parce que c’est elle qui se veut la championne de la moraline gauchiasse.

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