Agriculteurs en colère : une colère pour rien ?

Par H16

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La scénographie est efficace, les cascades réglées au millimètre, la musique et les effets sonores parfaitement synchronisés avec les gesticulations : tout y est, le mouvement paysan peut passer sur BFMTV, et les caméras peuvent suivre le frétillant nouveau Premier Ministre résoudre avec brio sa première crise.

Tout a pourtant commencé d’une façon qu’on pourrait qualifier sans rire de bio d’organique : des agriculteurs, ployant sous le poids des normes, des contraintes et des obligations légales que leurs exploitations subissent, finissent par protester contre la fiscalisation des carburants qui fait s’évaporer les maigres marges qu’ils parvenaient à conserver jusqu’à présent.

Plusieurs semaines s’écoulent pendant lesquelles on peut observer deux phénomènes intéressants : d’une part, le mouvement gagne progressivement en ampleur en partant du Sud-Ouest de la France, aidé en cela par les réseaux sociaux ; d’autre part, les médias se montrent fort timides, relatant de façon vague et discrète les actions de blocage en cours. Plaisante bizarrerie : aucune action de maintien de l’ordre n’a lieu et les agriculteurs échappent jusqu’alors aux tirs de LBD et autres charges de CRS.

Et puis, rapidement, en l’espace de quelques jours, tout se met en place : le gouvernement, soudain sorti de sa léthargie, semble s’intéresser aux revendications agricoles ; rapidement, une tête élue par personne – Jérôme Bayle – semble apparaître pour fédérer les meneurs de ces troubles paysans qui agitent le pays ; les syndicats fleurissent aux micros commodément tendus par toutes les chaînes d’information continue ; des députés, des politiciens, des ministres harpent sur la nécessité vitale des fiers agriculteurs pour maintenir nos beaux paysages, nos belles traditions, nos bons produits et nos belles ressources vivrières. Et alors que les blocages se multiplient, que certaines actions paysannes se font plus violentes, les CRS ne rentrent toujours pas dans la danse.

Des négociations sont courtoisement entamées. Les paysans ne cèderont pas, expliquent-ils : il y a trop de contraintes délirantes ; l’écologie, ça va bien deux minutes, mais le déluge normatif que les Gaïatollah ont provoqués les empêchent de travailler et de gagner décemment leur vie ; la transition écologique se traduit littéralement par des faillites et des suicides et ce qui a été observé en Allemagne, aux Pays-Bas, en Pologne s’observe aussi en France…

Pourtant directement responsables de la situation en ayant pourri toutes les administrations, toutes les politiques avec leurs idées catastrophiques, les écolos se défaussent partout où ils le peuvent : “nous ne sommes pas au pouvoir, nous n’avons rien fait et nous sommes pour la Nature et avec les agriculteurs” (ceux-là même qu’ils accusent pourtant de ruiner la terre, l’environnement et la santé des gens).

Et alors que la tension monte, qu’on craint même le pire lorsqu’un triplet d’OQTF vient blesser un agriculteur, tuer sa femme et sa fille sur un barrage d’autoroute, les négociations avancent et, à la faveur d’un vendredi bien troussé et d’un Premier ministre en tournée communicationnelle entre un tracteur et une balle de foin, voilà que déboule un accord et que, bientôt, les agriculteurs et le gouvernement se féliciteront enfin d’une paix retrouvée.

Ah, que voilà belle victoire pour le nouveau et jeune Premier ministre qui, ainsi, montre d’évidentes capacités à gérer les conflits sociaux et les résoudre prestement ! Ah, que voilà belle victoire pour Jérôme Bayle, l’agriculteur qui s’est ainsi mis en avant et qui va pouvoir repartir, fier d’avoir contribué à l’amélioration des conditions de vie de ses collègues !

Et tant pis si, finalement, les autres agriculteurs comprennent vite que tout ceci est un théâtre grotesque, que les mesurettes ainsi “gagnées” ne sont que des bricolages marginaux qui ne résoudront rien aux problèmes profonds de l’agriculture française…

En réalité, tout se déroule comme prévu, c’est-à-dire très mal.

Le déclassement de l’agriculture française était garanti tant le délire normatif français perfuse dans toutes les administrations, toutes les politiques, toutes les lois mises en place ; la concurrence avec les autres pays européens, déjà peu égale, est féroce mais elle tourne au tragique avec le reste du monde qui n’a cure des boulets législatifs que la France (et la France seule) s’attache aux pieds. S’y ajoutent les délires maintenant hystériques d’écologie destructrice (“farm to fork”, l’ARENH – véritable honte énergétique, taxes à gogos, etc.) qui transforment des questions épineuses en véritables obus à sous-munitions.

Il est évidemment hors de question d’abaisser nos contraintes pour les aligner avec nos voisins. Logiquement, le gouvernement, comprenant très bien que les agriculteurs ont la faveur de l’opinion publique – comme du reste au début des manifestations de boulangers, de marins-pêcheurs, des Gilets Jaunes, des Bonnets Rouges, etc. – déploie donc les mêmes procédés et les mêmes artifices pour dégonfler le conflit.

D’une part, en utilisant une figure emblématique du mouvement, il se dégotte une voix et un visage avec lequel faire semblant de négocier. Une personne seule est facile à acheter, à faire plier, à amadouer ou persuader.

D’autre part, on essoufflera le mouvement par infiltration de syndicats et de militants aux revendications de plus en plus lunaires, tout en accroissant progressivement la violence et les destructions arbitraires (préférablement débiles) de biens privés. Il est ainsi aisé de retourner l’opinion publique, et de caricaturer les demandes en les réduisant à réclamer encore plus de subventions pour eux-mêmes et de taxes pour les autres.

Le gauchisme le plus crasse est venu à bout de tous les mouvements populaires récents, celui-ci a donc très peu de chance d’y échapper.

Il va bien sûr de soi que ce ne sont pas les petits aménagements, les subventions et les chèques tracteur (ou je ne sais quelle idée du même acabit) qui résoudront les problèmes des agriculteurs : la régulation délirante, la suradministration et la paperasserie continueront de croître ; l’appauvrissement continuera donc des petits exploitants, explicitement voulue par le pouvoir afin de concentrer le secteur agricole dans les mains de quelques gros industriels bien en cour. Rien ne devra remettre en cause la connivence entre Big Farm et le pouvoir en place.

Dès lors, il est fort peu probable qu’il sortira quelque chose de positif de ce mouvement : les paysans vont rapidement se retrouver coincés entre des messages de plus en plus confus et collectivistes voire marxistes, une opinion publique défavorable et un gouvernement qui aura beau jeu, alors, de se montrer ferme avec ce qui apparaîtra comme des débordements déraisonnables.

On pourrait imaginer les paysans, parvenant à se débarrasser de leurs syndicats pourris jusqu’à l’os et de la racaille gauchiste qui va gangrener leurs rangs. On pourrait les imaginer qui comprennent que leur ennemi n’est ni le peuple, ni les distributeurs ou les industriels, mais l’État qui ponctionne, régule et taxe partout et ne sert plus à rien. On pourrait les imaginer se retourner contre les vrais responsables de leur situation (administrations, élus, gouvernement), et leur imposer ce retour à la raison par l’usage de la force, qui seule fonctionne contre les psychopathes, les pervers et les corrompus. Mais on avouera que ça demande un effort d’imagination vraiment très fort.

C’est pour cela que ce pays est foutu.

H16

13 Commentaires

  1. https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_bye.gifhttps://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_good.gif Bien résumé même si il’y avait beaucoup à dire, mais les gens n’ont pas envie d’en prendre conscience. Des moutons.
    On a beau leur expliquer en long en large et en travers, avec toutes les preuves et les documents réels à l’appuie, références factuelles, ça veut pas.
    Je suis le premier à répondre à ton « article » très bien écrit et les autres ?
    Je pensais pas être le premier.https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_cool.gif

  2. On arrive, on arrriiiive ! https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wink.gif
    H16 fait toujours de très bons articles. Même si je n’aime pas lire: ce pays est foutu (même si c’est vrai !).
    En l’absence d’une vraie convergence des luttes, le mouvement actuel va tomber à l’eau, fort probablement. Bien que des renforts arrivent, paraît-il. Il y a visiblement, de la part du gouvernement, une volonté de diviser là encore, en ne traitant pas les agriculteurs comme les GJ, les infirmières, les pompiers …
    De plus, les gens soutiennent le mouvement en grande majorité, mais pendant un certain temps. Passer des heures en voiture à cause d’un barrage, ça peut aller une fois, mais pas deux. Et puis il y a les patrons qui ne supporteront pas longtemps les retards.
    Quant aux routiers, rappelons qu’ils ne sont pas propriétaires de leurs camions. Ils ne peuvent pas les utiliser comme il le veulent.
    Et on voit là encore que les Parisiens ne bronchent pas.
    Une très mauvaise pensée me vient, concernant les prédictions et la capitale en proie au feu …
    On verra samedi, avec un grand rassemblement de prévu. Mais … bof ! https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_sad.gif

  3. Le % age de vacc avec expérience génique ?…
    Ben voilà, vous avez le nombre pour l’acceptation de tout. Rien à en dire de plus.
    bise

  4. H16 oublie un peu vite la responsabilité des Holdings alimentaires. Les profits existent et en suivant l’argent ces mégas structures absorbent tout, car ils font des normes leur business.
    Pour le reste, toujours aussi brillant.

  5. Bon article qui résume bien la situation des paysans et de leurs revendications. Le problème c’est que le reste de la population ne suivra pas très longtemps les paysans si ça dure. Alors que nous devrions tous être dans la rue car ruiner l’agriculture n’est que le début. La suite sera encore pire et touchera tout le monde. Si plus d’agriculteurs en france ou en europe, on importera de la merde d’autres pays avec des normes de qualité médiocres voire la viande sera développée dans des usines de fabrication industrielle (Bill Gates a investit dans cette technologie et ils produisent déjà des steaks). Et ce n’est pas le seul. En complément vous aurez droit à une assiette d’insectes cultivés industriellement pour vous sustenter. Que des délices !.
    La ruine des agriculteurs suit un plan.Comment expliquer que les agriculteurs allemands, des pays-bas ou de france soient attaqués de la même façon ?.

    • Salut Lulutordu
      Je pense au contraire, que la totalité de ‘gens’ devraient tous, tout arrêter. Plus de conso, tout fermer, plus ‘personne’ au taf, absolument plus rien. Juste rester chez soit, pour ceux qui ont un ‘chez eux’ . Pas besoin de manif, juste tout arrêter. Et en quelques jours, sans rien faire, cela aurait plus d’impact. Mais là c’est utopique. La populasse à été trop bien dressée depuis des décénies.

    • Arrêtons les conneries, Il y aura toujours une agriculture française !

      Sauf qu’elle sera le fruit exclusif d’immenses consortiums privés employant des ouvriers agricoles dans d’immense fermes.

      …C’est aussi en cours dans l’artisan PME PMI.https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_cool.gif

      • Salut,
        Exactement et pour être précis, ils veulent développer exclusivement une agriculture et un élevage de produits bio et de luxe pour une clientèle sélecte à travers le monde.

        Quand aux accords de libre échange, l’idée est de faire venir de la bouffe bas de gamme et à bas prix pour la plèbe.

        Orné

      • Agri c’est la terre, l’agriculture n’existera plus si on fait pousser de la blurpdoche en saloboratoire ou si on fait pousser des légumes à étages.
        SI les agros laissent faire, nous ne verrons plus que des bœufs sauvages et des cornichons pousser dans les caniveaux.
        Et évidement interdit de chasser et de ramasser ce que la nature nous offrirait spontanément.

  6. Salut a tou, oui bon je dit comme je peux.

  7. Tiens, en fait, je n’ai que ça a dire :
    A priori, c’est leur monde qui s’ effondre, pas le notre, nous on veut simple, de quoi vivre, manger, se loger, avoir des ami, e, ,s, la famille bien sur, faire la fête etc.
    Mais eux les riches, les industriels, les mafieux et les gouvernants à part vouloir tout ( pour certain bien sur ) et nous faire une société de surveillance ainsi que nous vio_lé notre vie, que vont ils pouvoir faire pour garder ce pouvoir alors que le peuple commence à se lever ?
    Là est la question.
    Si tous les peuples de la terre s’unissent pour les mettre à bas, ils perdent, même s’ils détruisent tout.
    Cela s’est déjà passé et ils nous le cachent archéologiquement ( il suffit de se renseigner sur le sujet ), pour se sauver a nouveau mais la vérité va très bientôt arriver, je vous l’assure !.https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wacko.gif

  8. Retour Pingune colère pour rien ? – Les moutons enragés – Monde25

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