L’ukrainisation de force renforce le séparatisme et pourrait provoquer l’éclatement de l’Ukraine

C’est le chaos partout.. Volti

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Christelle Néant pour Donbass-Insider

Quelques jours après l’entrée en vigueur de la loi obligeant les sociétés de service à parler à leurs clients exclusivement dans la langue ukrainienne, le propagandiste ukrainien Dmitri Gordon et le secrétaire du conseil de sécurité de la fédération de Russie, Nikolaï Patrouchev, sont tous les deux parvenus à la même conclusion : l’ukrainisation de force ne fait que renforcer le séparatisme dans le pays et pourrait même provoquer l’éclatement de l’Ukraine.

Pour rappel, le 16 janvier 2021, la loi sur la langue ukrainienne obligeant les entreprises du secteur des services à ne plus utiliser que la langue ukrainienne pour servir leurs clients (sauf requête expresse de leur part de leur parler dans une autre langue) est entrée en vigueur, entraînant bon nombre de critiques.

Si les néo-nazis ukrainiens se réjouissent de cette loi qui leur permet désormais de dénoncer et de faire punir les commerces et entreprises qui servent leurs clients en russe (tout en laissant leur antisémitisme s’exprimer librement lorsque les commerces en question appartiennent à des juifs), beaucoup de personnes, dont moi-même, ont averti que l’ukrainisation de force du pays ne ferait qu’alimenter le séparatisme et augmenterait le risque de voir l’Ukraine exploser le long de ses lignes de fracture linguistiques.

Si une telle conclusion peut sembler logique dans la bouche de quelqu’un comme Nikolaï Patrouchev, cela est bien plus surprenant dans la bouche de quelqu’un comme Dmitri Gordon, qui est un propagandiste ukrainien pro-Maïdan (je dis « propagandiste » et non « journaliste » car Gordon a admis lui-même travailler pour les services secrets ukrainiens et il a de plus publiquement accusé un journaliste russe de lui avoir jeté un mauvais sort) et un virulent critique des autorités russes.

Pourtant, dans l’émission de Vassili Golovanov sur la chaîne télévisée Ukraina 24 du 19 janvier 2021, Dmitri Gordon (qu’on ne peut pas qualifier de propagandiste du Kremlin) a tenu des propos très critiques envers l’ukrainisation de force du pays, et a même déclaré que cela pourrait mener à l’éclatement de l’Ukraine.

« Je crois que cette mesure divise, elle contribue au fait qu’il pourrait ne rester de l’Ukraine que des morceaux. J’appelle un chat un chat, je n’ai pas peur de le faire. Je le pense. Je pense que, vous savez, c’est bien à Lvov, Ternopol de parler exclusivement en ukrainien. Et même dans le secteur commercial. Bien sûr dans le secteur commercial. Pourquoi ? Je pense que beaucoup de gens à Kiev connaissent l’ukrainien, et ce n’est pas un problème pour eux de parler ukrainien s’ils vendent quelque chose. […] Mais que faire d’Odessa, et que faire de Kharkov ? Faut-il les faire plier brutalement ? Les pousser dans les bras des Russes ? Pourquoi veulent-ils faire des histoires – les habitants d’Odessa ont l’habitude de faire du commerce en russe au « Privoz », et maintenant on leur demande de le faire en ukrainien ? Mais ils ne le veulent pas. Vous savez pourquoi ils ne veulent pas. Non pas parce qu’ils n’aiment pas la langue ukrainienne, mais parce qu’ils ne veulent pas se faire violence. Pourquoi les mettre en colère et les pousser vers la Russie ? Pourquoi ? Qui en a besoin ? N’avez-vous pas mis les gens assez en colère à Donetsk, Lougansk et en Crimée ? Vous n’en avez pas eu assez ? Il vous en faut plus ? », a déclaré Gordon.

Un peu plus loin dans l’émission, et de manière positivement très surprenante, Gordon explique que la langue russe n’est pas mauvaise, qu’il faut faire la distinction entre la langue russe, le peuple russe et les autorités russes, et parle de la Suisse comme exemple de réussite de gestion d’un pays multilingue.

« Nous avons un pays différent. Nous sommes tous ukrainiens, mais nous sommes différents. Parce qu’à l’ouest, ils parlent ukrainien, et à l’est, ils parlent russe. Ceux qui parlent russe à l’est ne sont pas des ennemis de l’Ukraine. Ce sont simplement des gens qui parlent leur langue maternelle depuis l’enfance. Leur langue est le russe en l’occurrence. Mais la langue russe n’est pas mauvaise. L’état russe est mauvais, Poutine est mauvais. Ce sont des agresseurs, des envahisseurs, des canailles. Mais pas les Russes qui vivent en Russie, pas la langue russe et pas la culture russe. Ce sont des choses totalement différentes. Et un russophone n’est pas une mauvaise personne. C’est une personne qui parle russe, et il y a aussi l’anglais et le français. Et si la Suisse est peuplée de différents groupes linguistiques, parlant allemand, français, italien et anglais, cela ne signifie pas que la Suisse n’a pas le droit de vivre. Au contraire, l’économie lie tout le monde si étroitement que personne ne pense à dire qu’ils doivent tous parler allemand ou anglais dans le secteur des services. Vous pouvez parler n’importe quoi, tant que les affaires se développent. Toutes ces discussions sur la langue commencent là où l’on veut cacher les vrais problèmes », a ajouté Gordon.

Quelques jours après cette défense de la langue russe et cette critique de l’ukrainisation de force du pays par Dmitri Gordon, c’est Nikolaï Patrouchev, le secrétaire du conseil de sécurité de la fédération de Russie, qui a déclaré que les mesures russophobes prises par les autorités ukrainiennes contribuent au développement du séparatisme en Ukraine.

Commentant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, Patrouchev a rappelé que l’usage commun de la langue russe par la Russie et l’Ukraine est un héritage de l’histoire des deux pays.

« Je tiens à souligner qu’il s’agit d’une nouvelle étape – la 19e – de la discrimination linguistique en Ukraine. La loi susmentionnée a introduit des exigences relatives à l’utilisation exclusive de la langue ukrainienne dans les domaines de la science, de la culture, des transports, de la presse, des écoles, des universités et dans les relations de travail. Dans le même temps, le russe était et est toujours la principale langue parlée et pensée par les multinationales d’Ukraine, ainsi que par la Russie. Cela est dû à la cohabitation séculaire de centaines de nationalités dans nos pays, à la présence de familles mixtes et au respect du riche patrimoine culturel, qui est inséparable de l’œuvre des écrivains et des poètes dans leur langue maternelle. C’est pourquoi personne en Russie ne songerait à opprimer d’autres langues, y compris l’ukrainien », a déclaré Patrouchev dans une interview.

Il a ensuite souligné que l’application des politiques russophobes voulues par Washington a déjà ruiné l’Ukraine, et qu’en poussant cette dernière vers une ukrainisation de force, les autorités de Kiev alimentent le séparatisme dans le pays.

« Ce qui se passe en Ukraine est une continuation des actions russophobes des politiciens à la vision à court terme qui sont arrivés au pouvoir après le coup d’État de 2014 et qui sont contrôlés depuis les États-Unis. Appliquant constamment le scénario de Washington qui consiste à diviser les peuples unis de Russie et d’Ukraine, ils ont déjà transformé les terres autrefois prospères en un appendice arriéré de l’Occident, juste bon à fournir des matières premières, et maintenant ils détruisent les fondements culturels et civilisationnels de l’État.

Pour plaire à Washington, Kiev ignore délibérément même sa Constitution, qui garantit le libre développement, l’utilisation et la protection d’autres langues. Tout en prétendant aspirer à l’Europe, les autorités nationalistes d’Ukraine adoptent simultanément des lois qui contreviennent aux engagements juridiques internationaux qu’elles ont pris.

Dans une tentative de conserver le pouvoir par tous les moyens, les dirigeants ukrainiens ne pensent même pas aux conséquences des décisions dictées de l’autre côté de l’océan. En adoptant de telles lois contraires à l’opinion de la majorité des citoyens, le gouvernement actuel s’oppose à la majorité de la population de l’Ukraine, provoque des tensions supplémentaires dans la société et contribue au développement du séparatisme », a-t-il ajouté.

S’il est sûr et certain que les autorités ukrainiennes n’écouteront pas l’avertissement de Nikolaï Patrouchev, peut-être accepteront-ils d’écouter celui de Dmitri Gordon. Faute de quoi, la poursuite de l’ukrainisation de force du pays, qui est déjà à l’origine de la sécession de la Crimée et du Donbass, pourrait exacerber le séparatisme linguistique non seulement à l’est, mais aussi à l’ouest du pays, et provoquer l’éclatement de l’Ukraine.

Christelle Néant

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