En France, en principe, les manifestations sont soumises au régime de la déclaration, et non pas de l’autorisation. Un principe cependant bafoué aujourd’hui.
Le régime juridique des manifestations relève de plusieurs ordres. Il existe notamment des conventions internationales et des principes constitutionnels.
Mais, limitons-nous à l’article L211-1 du Code de la sécurité intérieure. Cet article dispose clairement : « Sont soumis à l’obligation d’une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d’une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique (…) » .
Au passage, cet article opère une différence entre les manifestations, d’une part, et, d’autre part, les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux, ou encore les réunions publiques.
Ici, nous parlerons bien des manifestations.
Une grande ignorance du droit
Une chose nous frappe depuis plusieurs mois : dans de nombreuses vidéos, on entend des personnes déclarer des choses de ce genre : Notre manifestation a été autorisée; C’est une manif autorisée; On a obtenu l’autorisation; Les pouvoirs publics ont autorisé la manif etc.
Ce dimanche 13 décembre 2020 encore, nous visionnions la vidéo d’un rassemblement tenu devant l’hôpital psychiatrique où le professeur Fourtillan a été interné. Un monsieur, qui semble être l’un des initiateurs de ce rassemblement, explique qu’ils n’ont pas eu le temps de s’organiser pour demander une autorisation de manifester en bonne et due forme. Immédiatement, toutefois, il se reprend et ajoute : « pas une autorisation, mais une déclaration préalable, comme on doit le faire en France » . Cela montre bien la chose suivante : même des gens qui savent que les manifestations n’ont pas à être autorisées et doivent simplement être déclarées, disent pourtant spontanément le contraire. Et cela n’a rien d’étonnant, parce que, dans la réalité, dans la pratique, la France est bel et bien passée d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation. Cela est entré dans les mœurs, cela est quasiment accepté, même par les personnes qui vont défiler pour défier le gouvernement.
La police n’a pas à comprendre ou à approuver
Dans cette même vidéo concernant l’internement du professeur Fourtillan, l’intervieweur demande à l’intervenant précité comment cela se passe avec la police présente sur les lieux. On obtient alors cette réponse ô combien significative : « D’une manière générale, c’est plutôt bon enfant (…) D’une manière générale, les relations sont plutôt bonnes, ils (NDLR : les policiers) peuvent comprendre évidemment pourquoi les gens sont réunis et inquiets face à la situation (…) » . Ce sont des paroles extrêmement problématiques. Car, normalement, les policiers n’ont pas à comprendre ou à ne pas comprendre les motivations des manifestants; ils n’ont pas à les partager ou non; ils n’ont pas à les approuver ou non. Les policiers n’ont pas à s’ériger en juges du bien-fondé de la manif. Ce n’est absolument pas leur rôle. Légalement, ce ne sont d’ailleurs pas les policiers qui possèdent le pouvoir d’interdire une manifestation. Si cette dernière a été déclarée (ce qui, en l’espèce, du reste, semble ne pas avoir été le cas), ou si l’autorité compétente ne l’a pas interdite, les policiers n’ont pas à décider si elle est justifiée ou non. Or, en creux, ce que nous dit l’intervenant précité, c’est que, si les policiers n’avaient pas compris que l’on manifeste pour le professeur Fourtillan, s’ils n’avaient pas été d’accord, s’ils avaient jugé cela non fondé, non justifié, ou idiot, ou illégitime, ils auraient eu le droit de … de quoi, au fait ? De charger les manifestants, de les frapper, de les emmener au commissariat ?
Les paroles de cet intervenant sont emblématiques. Que même des initiateurs de manifestations puissent tenir de tels propos, que même eux puissent s’égarer dans une telle confusion, démontre ceci : la France n’est pas, ou plus, un Etat de droit.
Du reste, peut-il y avoir Etat de droit là où les citoyens ignorent tout du droit ?
Comment interdire les manifestations, en cinq leçons de dictature
Le passage, dans la pratique, de la simple déclaration à l’autorisation, s’est effectué par plusieurs voies. Nous n’en mentionnerons que quelques-unes.
A Tout d’abord, il est bien évident que, quand les protestataires eux-mêmes n’ont aucune connaissance juridique et se croient obligés de solliciter une autorisation de manifester, les pouvoirs publics ne peuvent pas ne pas se sentir encouragés à s’arroger le droit d’autoriser ou d’interdire.
B Qui plus est, quand les autorités ferment les stations de métro; barrent les rues; multiplient les contrôles d’identité, parfois quatre ou cinq pour une même personne; procèdent à des arrestations préventives; nassent, tabassent, asphyxient, éborgnent, mutilent ou tuent les protestataires, il n’y a plus aucune liberté de manifester et l’on sombre dans la pire répression.
C En régime de pseudo-pandémie, de distanciation sociale et de confinement, les choses sont encore plus faciles pour le pouvoir. Prohibez les groupes de plus de 6 ou 10 personnes, et l’affaire est jouée. Pimentez avec l’interdiction stricte de sortir plus d’une heure et à plus d’un kilomètre de chez soi, sous peine de forte amende ou de prison, et vous êtes sûr d’ôter à vos opposants le goût de la promenade contestataire. Saupoudrez le tout avec l’imposition du masque, et vous dégoûterez définitivement les quelques récalcitrants qui, malgré toutes vos restrictions, auraient eu encore de l’appétit pour les déambulations dans les rues.
D Une autre méthode employée par le gouvernement pour tuer la fronde dans l’oeuf, consiste à jouer sur les mots : les gouvernants prétendent qu’il ne s’agit pas d’une manifestation, mais d’un attroupement.
Selon l’article 431-3 du Code pénal, un attroupement est un rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public, et susceptible de troubler l’ordre public. Une définition fort vague qui octroie une large marge de manœuvre au gouvernement. Celui-ci peut désirer qualifier toute manifestation d’attroupement, ce qui lui permet, en vertu de l’article 431-3 précité, de la dissiper par la force.
E Enfin, l’article L211-4 du Code de la sécurité intérieure autorise l’administration à interdire la manif envisagée si elle estime que cette dernière est de nature à troubler l’ordre public. Il semble que, ces derniers mois, l’Etat ait fait usage de cette disposition à plusieurs reprises.
Pas même une simple déclaration pour les amis du pouvoir profond
En fait, la France n’a pas basculé dans un régime d’autorisation, mais dans un régime d’interdiction de fait, cette dernière tendant à se généraliser, à s’institutionnaliser et à s’imposer par une répression brutale.
Pas pour tout le monde, cependant … Le pouvoir a livré une vraie guerre aux Gilets Jaunes, mais déroule le tapis rouge à Black Lives Matter et à madame Traoré, qui ont quartier libre pour déferler dans les rues sans que l’on sache si la moindre déclaration est effectuée. La morale de cette histoire pourrait être la suivante : pour les honnêtes citoyens, il est interdit de défiler, mais, pour les cache-sexe de l’Etat profond, il est permis et même fortement recommandé de déferler …
Sellami
En fait, il n’y a rien à commenter. Il faut en prendre note et s’en souvenir pour le transmettre un max.
Si quand même: il est certain que la police n’a rien à interdire, à juger… Toutefois, il ne peut qu’être bon de parler avec les FDO qui sont, pour la plupart (je l’espère) des individus qui ont aussi leur mot à dire, ne peuvent pas rester de marbre devant la situation, d’autant plus qu’ils sont touchés eux aussi. Il est probable que beaucoup obéissent à contre coeur, c’est leur boulot et ils risquent gros s’ils se rebellent, sauf s’ils le font en groupes. Les prises de conscience doivent se faire de leur côté aussi. Pour cela, c’est le contact, la discussion, l’expression des émotions. Ils ont en face d’eux des humais dotés de sensibilité, comme eux-mêmes. Bref, il faut les prendre de biais si besoin, leur parler à l’oreille gauche (pour la majorité de droitiers en tout cas), avec le respect qu’un être humain doit à un autre être humain…
@biquette
Ainsi soit il !!!
Quand un taureau te fonce dessus….il faut engager le dialogue , prendre en compte ses émotions…..et lui faire une branlette ????
…. »peace and love mon frère, nous vaincront. »
Comme lui ?
https://www.youtube.com/watch?v=5w0yW0leqhQ
(branlette @3m47s)
…Il n’est jamais trop tard pour apprendre à parler de ce que l’on connaît.
Dixit : « Toutefois, il ne peut qu’être bon de parler avec les FDO qui sont, pour la plupart (je l’espère) des individus… »
Oui c’est une très bonne idée. Commence donc par côtoyer des FDO en service et hors service, histoire de perdre enfin tes illusions.
Le monsieur veut dire que les Policiers n’ayant pas reçu ordre de disperser les manifestants et ne constatant pas d’hostilité de ces derniers envers eux, un dialogue informel a pu s’établir, à la suite duquel les Policiers ont paru convaincus par les explications des manifestants. Cela aurait pu se passer ainsi de même avec le personnel de l’hôpital, des passants, des journalistes,… Mais si les Policiers avaient reçu l’ordre d’intervenir, ou s’ils avaient dû faire face à des actes hostiles, ils auraient tapé. Tout convaincus de la justesse de la démarche des manifestants qu’ils auraient été. Cela n’aurait rien eu de personnel, juste le boulot.
D’autre part, on n’attend tout de même pas de l’État qu’il laisse le champ libre aux casseurs et pilleurs. Si une manifestation présente trop de risques de débordement, il me semble légitime qu’elle soit interdite. De toute façon, le juge administratif est là pour dire si c’est justifié ou pas. Suffit de lui demander.
L’article 35 présente trop de risques de débordement, il me semble légitime qu’il soit supprimé…
Le vrai pouvoir n’est pas de dominer mais de gagner le cœur/respect.
Loukanikos
https://www.youtube.com/watch?v=ADZHUatCdRE