Carte postale du Finistère par Lediazec

Source Lediazec

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Un tout petit oued du Finistère (1km² de superficie à tout casser), très arboré, d’un charme incroyable, sinuant le long d’un bras de mer poussé par la Manche jusqu’à Morlaix : Locquénolé.

Longeant la route que nous y conduit, on éprouve la sensation qu’une partie de la forêt est venue piquer une tête dans ses eaux, qu’elle s’est figée sur ses flancs, tel le cormoran séchant ses ailes après une bonne partie de pêche.

Un bourg légèrement bosselé, où trône une église superbement rénovée. Un « arbre de la Liberté » à l’entrée tend des bras protecteurs, comme pour signifier que si le monde bascule dans la folie, ici rien ne bouge et c’est très bien ainsi.

Dans l’un des passages opéré dans le muret d’enceinte, une plaque de granit d’une trentaine de centimètres de haut barre l’accès. Elle a été fixée pour empêcher l’Ankou de le franchir afin de voler l’âme des morts.

Maître de l’au-delà, l’Ankou fait partie du patrimoine imaginaire des Bretons.

Se véhiculant de diverses manières, selon que l’on est de l’intérieur des terres ou du bord de la mer, aucune ne contestant son statut, l’Ankou est du genre noctambule. Si d’autres travaillent le jour, lui, c’est pendant la nuit qu’il rend son quart.

Qu’il fasse un temps de chien ou un temps d’amourette, le grincement des essieux de son chariot fait trembler les grenouillères dans les lits clos ! Entendre le bruit ou distinguer dans le noir la silhouette de l’attelage annonce la mort inéluctable d’un proche.

Le père Alfred (Hitchcock) n’a rien inventé en matière de « sueurs froides ».

Le silence des églises – des églises comme celle-ci – est traversé par le feutre des conversations millénaires dont l’écho vous saisit sans que vous sachiez si elles sont réelles ou le fruit de l’imagination. Des murmures me parviennent depuis le seuil. Je me lève et quitte le lieu en contournant les intrus.

À l’extérieur, la lumière est d’un bleu intense. Le bruit du réel contraste à peine, tant la quiétude de ce bourg est apaisante.

Je dis au revoir à l’Arbre de la Liberté, posant instinctivement la main sur l’écorce, comme si mon empreinte pouvait empêcher l’Ankou de lui prendre son âme.

Je me dirige vers la salle dans laquelle a lieu le vernissage d’une exposition d’artistes où je suis convié. Ambiance convenue, mais agréable. Les pigistes de la presse locale, tout en décontraction, attifés « café de la plage », font du mieux pour briser la routine qui les accable.

Soudain, sans que l’on sache pourquoi, un des « guide-ânes » — c’est ainsi que Baudelaire désignait les faiseurs de comptes-rendus artistiques –, pigiste de la page locale du journal régional, dit de manière assez sonore : «  La France est la plus grande démocratie au monde ! » Il s’adressait à un exposant qui d’évidence a exprimé des doutes sur la question. Un blanc sans conséquence dans une journée en tous points remarquable.

Ce soir-là, j’ai dormi la fenêtre ouverte, bercé par le cri de la hulotte dans les bois proches.

Sous l’Casque d’Erby

8 Commentaires

  1. Acqueux vive le Finistère ! On ne saurait être déçu par ce département si riche en panoramas si variés, et si uniques. J’avoue avoir du mal à comprendre ces gens qui vont au bout du monde, alors que ce bout du monde, on l’a si près ! (enfin, pour les Niçois, c’est relatif !)
    https://i53.servimg.com/u/f53/11/40/28/12/voiles10.jpg
    Là, c’est Douarnenez.

  2. Mouais ! Vous devriez lire « Silence dans les champs ». Ca vous donnerait une autre carte postale …
    Quant à l’Ankou, je connais sa maison, ici près du Yeun Ellez, la bouche de l’Enfer, tout à côté de la centrale nucléaire de Brennilis qui n’en finit pas d’être démantelée.

  3. Merci. Oui bien des coins enchanteurs en France. Moi c’est les Alpes qui me manquent, avec ses maisons de pierres’ de l’auzes et de bois. Les églises paraissent insignifiantes alors que les montagnes et leurs glaciers sont majestiques. Si pures et magnifiques. Je connais peu la Bretagne. Enfant, j’écoutais bien Alan Stivell. Fin des années 90, je suis tombé dans un concert de Wig A Wag qui en étaient à leur premier album. J’ai adoré. Wig A Wag est soit disant le mot qui décrit le crissement de l’essieu de l’Ankou. Quand à la hulotte, c’était un petit magazine écolo sur les petites bestioles de tous poils, plumes. Même le gui fut la star, le temps d’un numéro. Dessinateur très doué.
    Chez moi c’étaient plutôt la chouette effraie que j’ai connu, si belle et si douce… empaillée.
    Allez, oui, il s’agit de continuer mes errances sur cette terre et faire de mon mieux pour ne pas réagir quand j’entends des énormités comme celle de France championne démocratique. Ici, c’est plutôt dans le registre « la bible c’est Dieu », « Jésus est son fils unique » et tous ceux qui n’y croient pas sont perdus dans la phange de Satan. Je m’attrape encore à l’ouvrir… toujours cette arrogance qui se la ramène. Le groupe de A.A me convient mieux que l’église. Comme dit l’autre, si à l’église la conduite vise à éviter l’enfer après la mort, ici, au sein de A.A, c’est pour avoir traversé l’enfer que notre conduite est ce qu’elle est. Une spiritualité de première main plutôt qu’une croyance et appartenance au camp du bien qui se doit de convertir la brebis égarée et pourfendre l’ennemi. Mon malaise c’est que je fais la même chose: j’assène ma vérité plutôt que de la laisser briller. Faute d’humilité, c’est l’humiliation.
    Allez, positive vibration, il fait beau. Merci Lediazec pour cette petite errance au bout du monde.

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