Cabinets de conseil : quand l’État dépense 1 milliard d’euros pour démanteler le service public

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Source La Relève et la Peste

En 2019, le cabinet McKinsey a conseillé au gouvernement de baisser les APL. Une idée « révolutionnaire » qui lui avait valu une rémunération de 4 millions d’euros. Avec cette réforme, 10 milliards d’euros ont été économisés par l’État. A titre de comparaison, on estime que les montants qui lui échappent en raison de la fraude fiscale représentent entre 80 et 100 milliards d’euros par an.

Au terme d’une enquête particulièrement fournie, la sénatrice communiste Eliane Assassi a dénoncé le recours de plus en plus important de l’État à des cabinets de conseils privés. Dans son rapport remis au Sénat le 17 mars dernier, l’élue a estimé à plus d’un milliard d’euros, dont 247 millions uniquement pour le conseil en stratégie, les contrats passés entre les cabinets privés et l’État en 2021. Un constat qui pose question sur le rôle de nos administrations et l’influence de ces cabinets auprès de l’État. Dans le rapport du Sénat un nom désormais connu revient continuellement, celui de McKinsey & Company. Un décryptage de Florian Grenon.

Un recours de plus en plus important aux cabinets de conseil

« Je ne suis pas persuadé que sous ce quinquennat il y ait eu moins de contrats (avec des cabinets privés) que sous certains autres, y compris de ceux qui nous attaquent aujourd’hui » a expliqué Emmanuel Macron dimanche. 

Pourtant, en janvier dernier, l’Assemblée Nationale alertait déjà via un rapport d’information : « l’externalisation au sein des administrations publiques s’est accrue depuis plusieurs années ». Entre 2018 et aujourd’hui, les dépenses auprès de cabinets de conseil ont doublé.

Le recours à un cabinet privé est « devenu un passage obligé », pour la totalité des réformes administratives voulues par Emmanuel Macron. « Toute l’administration est concernée, des directions des ministères au rectorat de Versailles » indique le rapport du Sénat. 

A titre d’exemple, en 2019, l’État français a dépensé plus de 814 millions d’euros en conseil d’après la FEACO, Fédération européenne des associations en conseil en organisation. Cette même année, Bercy avait dépensé 32.2 millions d’euros en conseil, le ministère de l’Intérieur 27 millions. Un an plus tard, en 2020, Bercy dépensait 37,1 millions et l’Intérieur 33. 

Selon le rapport du Sénat, si l’on prend uniquement les dépenses des ministres en conseil, le montant est passé de 379,1 millions d’euros en 2018 à 893,9 millions d’euros en 2021. Au total, l’État a dépensé plus d’un milliard d’euros en conseil cette même année. 

« Une estimation minimale car les dépenses des opérateurs sont en réalité plus élevées. Si la commission d’enquête a interrogé ceux dont le budget était le plus important (Pôle emploi, Caisse des dépôts et consignations, etc.), l’échantillon ne représente que 10 % du total des opérateurs » selon le Sénat. 

Si l’on compare avec nos voisins européens, on peut tout de même voir que ces dépenses sont nettement moins importantes qu’en Allemagne, 3,5 milliards d’euros en 2019, et qu’au Royaume-Uni, 2,5 milliards la même année selon les chiffres de la FEACO. 

« Les dépenses ont plus que doublé depuis 2018, ce qui interroge à la fois notre vision de l’État et de sa souveraineté face à des cabinets privés et la bonne utilisation de nos deniers publics » explique Éliane Assassi dans le rapport du Sénat. 

Remplacement des services publics  

Les cabinets privés conseillent les ministères qui font appel à eux sur une multitude de thématiques : gestion du service et de l’action publique, créations de lois, réformes, stratégies de communication, organisation de concertations et de débats publics.

Le rapport du Sénat pointe du doigt les rapports incestueux entre les ministères et les cabinets de conseil, notamment via les contrats « pro bono ». Ce sont des missions réalisées bénévolement par des consultants issus de cabinets privés auprès des ministères. Une sorte de mécénat de compétence. 

Mais alors quel est l’intérêt de ces contrats sans rémunération pour les consultants engagés ? Selon le Sénat, ils permettent aux cabinets privés dont sont issus ces consultants de mettre un « pied dans la porte » de l’État, notamment de l’Elysée et de Bercy. 

Pour l’Insoumis Adrien Quatennens, interrogé par Léa Salamé et Laurent Ruquier ce samedi dans le cadre de l’émission On est en direct, les cabinets privés « vous empruntent votre montre pour vous donner l’heure […] Ils font doublon avec l’administration. » En d’autres termes, on dépense de l’argent public pour des missions que le service public est capable de réaliser. 

Un exemple particulièrement frappant de doublon : celui de la commande du ministère de l’Education auprès de McKinsey pour une évaluation de « l’évolution du métier d’enseignant ». Les consultants du cabinet américain se sont contentés de réunir des données publiques pour établir leur rapport, sans même faire une enquête auprès des enseignants. Quelles administrations n’auraient pas été capables de faire de même ? Pour cette mission, McKinsey a reçu 496 800 euros d’argent du contribuable. 

On peut, dès lors, se questionner sur la légitimité du recours aux cabinets privés. Serait-ce un point de vue purement idéologique de la part du président ?  Lui qui idéalise le « New Management Public » de la « start-up nation », le remplacement du public par le privé. 

En réponse à cette interrogation, Emmanuel Macron a indiqué ce dimanche ne pas être choqué que les ministres, qui travaillent « jour et nuit », « demandent des prestataires extérieurs pour les aider ».

Ce dernier point est d’ailleurs souligné par le Sénat dans son rapport. Selon la chambre haute du parlement, le « non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux » durant le quinquennat Sarkozy a « porté un coup important à la capacité de la fonction publique de mener à bien ses missions ». Malgré tout, un certain nombre de candidats à la présidentielle continuent de vouloir réduire le nombre de fonctionnaires. 

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La Relève et la Peste

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12 Commentaires

  1. cela n’interesse pas le mouton.

    • Non à peine, ça fait deux mois que j’en parle et du démantèlement du service publique en général, depuis que je poste ici…. Sinon oui le mouton de base ne semble pas réagir vu que les MMS minimisent, ça leur suffit pour se dire que se serait un non sujet… Il reste juste à espérer que c’est ce que les MMS essayent de faire croire et qu’au final « il » sera sanctionné aux élections !!

      Akasha.

    • si si…
      depuis 45, le status de « fonctionnaire » (et les garanties qui vont avec) n’a cessé d’être menacé.
      Ils ne souhaitent plus de personnes qui disposent d’un status pareil.
      Mis à part les ministères régaliens, le but est de tous faire passer au « civil »…. avec de jolis mots comme « Outsourcing », …
      l’éducation nationnale en France c’est un ratio d’investissement de 7. Pour 1 euro investit, 7 en retour par rapport aux produits financier (ration de 2).
      Voir Franc Lepage : inculture 2 : https://www.youtube.com/watch?v=ClYAjeiuVJw

    • Si ça intéresse le mouton car il est content que les services soient privatisés.

  2. « Un constat qui pose question sur le rôle de nos administrations et l’influence de ces cabinets auprès de l’État.  »
    On peut dire ça ou aussi que le gouvernement se fout bien de notre gueule en dilapidant l’argent du peuple pour enrichir encore plus ceux qui sont déjà riches, en tout bien tout honneur. 🤮

    • Ça va au delà de ça, nous ne décidons de plus grand chose pour ne pas dire rien. Une entité étrangère qui nous exploite via les valets soumis, qui adhèrent à tout les yeux fermés, et signent les chèques d’argent public….. Qui décide dans ce pays ?

      • @vOLTI?
        Qui décide dans ce pays, ben les ricains pardi. Y a qu’à voir l’américanisation actuelle de la sociétéfrançaise aupas de charge actuellement… Bientôt des assurances privées pour remplacer la sécu, des cliniques privées qu’il faudra payer un pognon de dingue pour remplacer l’hôpital public etc… T’es riche, tu paies, t’es pauvre tu crèves…

    • Sans oublier que des gens(fonctionnaires) sont déjà payé pour cela, avec nos impôts !

    •  » Une entité étrangère qui nous exploite via les valets soumis,  »

      …eh oui, bon , faudra bien trouver un moyen de se débarrasser de ces Envahisseurs non?

      …humm,je croix que c’est malheureusement encore, la fausse -cible, c’est les marionnettes
      qui trahissent leur propre pays….des traitres !

      Bah, quand bien méme allez …. »Sus aux Envahisseurs ! »

      Vous savez, les prioritaires a la piquouze…
      pour qu’ils tombent malades a peine a la RETRAITE….c’est SA…la réforme secrete derriere celle criée dans les micros…

      « Sus aux Envahisseurs » .

  3. Et si les méga commissions encaissées par Mackinsey étaient un renvoi d ‘ ascenseur pour l ‘aide apportée au début de la vie de LREM ?

    Des éléments qui donnent à réfléchir :

     »
    Mackinsey, qu’est-ce que c’est ?

    En 5 questions/réponses, le site d’information suisse Watson nous éclaire sur cette entreprise :

    https://www.watson.ch/fr/international/pr%C3%A9sidentielle%202022/699442175-mckinsey-gate-l-affaire-qui-pourrait-fragiliser-emmanuel-macron

    extrait du lien ci-dessus :
     » La société est soupçonnée par le Canard enchaîné d’avoir joué un rôle dans la campagne présidentielle de 2017. Tout du moins, il ne s’agit pas d’un rôle officiel, précise le Monde. Il est avéré que plusieurs consultants cabinet s’y sont investis à titre bénévole. Après la victoire, certains d’entre eux ont rejoint des postes d’influence au sein de la macronie.
     »

    Un autre élément :

    MacKinsey et la candidature de Macron.
    La Dépêche nous éclaire :
     »
    Été 2016 : Emmanuel Macron prépare sa candidature
    Alors ministre de l’Economie de François Hollande, Emmanuel Macron ambitionne de devenir président de la République. En avril 2016, il crée En marche. Au cours de l’été, des groupes de travail sont déjà sur pied. Une dizaine de salariés de McKinsey réfléchissent à des propositions sur l’économie ou les grands dossiers régaliens, raconte Le Monde. Dans le même temps, Emmanuel Macron organise une « grande marche » en France pour recueillir les doléances des Français. Un ex de McKinsey, Guillaume Liegey, est chargé de collecter et de traiter les data. McKinsey a ensuite mis en forme le rapport. La candidature officielle d’Emmanuel Macron à la présidentielle sera annoncée le 16 novembre 2016.  »
    source :
    https://www.google.com/amp/s/www.ladepeche.fr/amp/2021/02/05/qui-est-le-cabinet-mckinsey-qui-accompagne-emmanuel-macron-de-la-creation-den-marche-a-la-vaccination-contre-le-covid-19-9355298.php

  4. Commanditer des conseils stratégiques ou ponctuels quasi exclusivement à des cabinets dont la religion économique est celle du club de Chicago n’est pas anodin et encore moins innocent.
    Ces mêmes conseils seraient le résultat de travaux en commissions parlementaires ou de Bercy, il y a fort à parier que l’orientation de leurs rendus ne soit pas exactement celle attendue par l’aréopage des mercenaires d’une certaine grande finance installé tant à Bruxelles au sein de la Commission européenne qu’au travers de ses ministres-mercenaires intronisés préalablement comme  » Young Leaders ». Non contents d’édicter des GOPEs aux gouvernements godillots de l’UE, il faut qu’en plus ce soient des cabinets conseils qui servent de cochers aux occupants d’une calèche gouvernementale désormais dépourvue de toute feuille de route et de boussoles….
    Ca commence à bien faire ce boxon !

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