Être aveugle n’est pas être libre

Par Lediazec

Le battant des horloges de la vie oscille sans relâche d’un point cardinal à l’autre. Le costaud qui pense lui tenir tête a omis un détail : la durée de l’un et le déclin de l’autre. L’éternité ou, ce qui reviendrait au même, l’immortalité, sont des légendes qu’on lit pour endormir les enfants. On nous les a lues, on les lit à notre tour, perpétuant un rêve vieux comme la vie.

Sommes-nous seulement sûrs de vivre dans le présent et non dans une autre dimension ? D’avoir touché, senti, aimé, rire, pleurer, haït, rêver quelque chose de réellement palpable qui ne se soit pas évaporé dans les brumes du temps sans laisser de trace ou la sensation d’une croyance ? Ne sommes-nous pas que l’illusion d’une réalité cherchant sa matérialité dans la maison des esprits ?

Esclave du tic-tac du temps, l’humain cherche dans les nouvelles technologies les voies de la pérennité, de l’ineffaçable beauté, ignorant que l’apparence n’empêche pas la déchéance. C’est imperceptiblement que la vérité laisse apparaître la flétrissure des tissus abîmés.

Dans la course effrénée vers l’amour du soi, dont on lustre l’enveloppe, il ne restera qu’un tas d’ossements que les archéologues tireront d’un reste au cours de fouilles aléatoires. Les scientifiques détermineront alors s’il s’agit d’hommes, de femmes ou d’enfants, de manière objective et binaire. Amputé de son délire conceptuel, le non-binaire ira se faire brouiller des œufs dans le grand néant de son ego.

Ignorant pourquoi, je pense soudain à ce pauvre Faust qui, pour avoir troqué son âme contre l’apparence et un peu de temps pour tout assimiler de la vie, finit par le regretter amèrement. Ce qu’il voulait de toute la force de son âme, il a fini par l’abhorrer à force de toujours revivre les mêmes épisodes de sa terrestre vie. Les gens et les événements passaient, revenaient, disparaissaient avant de réapparaître avec un ennui métronomique.

Ni vainqueur ni vaincu dans cette lutte chimérique où, in fine, chacun reste à sa place, le temps dans sa durée implacable, nous à la nôtre.

À l’époque de la trépidation, des croyances extrêmes et de la sainte trinité – selfie, piercing et tatouage –, on se demande si courir n’est pas une sorte de chasse au trésor pour chasser les démons de nos placards. Un jeu dans lequel les gagnants ont le choix entre un prix unique et un prix unique : smartphone, écran plat avec bouquet numérique et cerveau en bon état de fonctionnement.

Est-il nécessaire de désigner le prix qui a les faveurs des gagnants ? Les organisateurs du jeu ont stocké le surplus de cerveaux dans des boîtes isothermes, attendant, qui sait, leur retour en grâce auprès d’une foule qui les refuse obstinément.

Sous l’Casque d’Erby 

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