Par Mikhail Gamandiy-Egorov pour Observateur-Continental
Refusant à reconnaître officiellement l’ordre mondial multipolaire et la simple réalité que les nations non-occidentales représentent l’écrasante majorité planétaire, la minorité occidentale confirme néanmoins avoir peur de l’interaction de plus en plus accrue entre les principaux promoteurs de la multipolarité et les pays du Sud global.
Un long article est paru dans le quotidien espagnol basé à Barcelone La Vanguardia, qui traite de comment Moscou compte être à la tête du Sud global. Sur le fond, l’article reste purement orienté dans la vision occidentale dépassée par les événements contemporains, mais qui confirme effectivement la peur réelle que suscite le renforcement des principales puissances non-occidentales avec les nations du monde qui n’adhérent pas au diktat de l’Occident.
L’auteure de l’article cite plusieurs points en rapport avec les relations entre la Russie et le Sud global. Tout d’abord, elle rappelle que Moscou considère les pays appartenant au dit espace comme la majorité mondiale, une notion que les Occidentaux continuent ouvertement de réfuter, y compris dans le cadre de cet article. Par ailleurs, le média espagnol affirme que l’Etat russe utilise les stratégies et les outils dans l’objectif de diriger un nouvel anticolonialisme ou, plus précisément, un anti-néocolonialisme. Le tout dans le cadre d’un retour des rivalités entre les grandes puissances, accentuées par la guerre en Ukraine.
Un peu plus loin dans le même article, il est tout de même admis que la majorité mondiale n’a pas soutenu l’application des sanctions à l’encontre de la Russie, comme le souhaitait ardemment l’Occident. Selon l’auteure de l’article, seuls les pays représentant 16% de la population du monde ont imposé les dites sanctions contre Moscou. Par la même occasion, l’article en question reconnait que les principales économies des pays du Sud global, bien que fortement différentes par leurs puissances ou leurs systèmes politiques respectifs, à l’instar de pays comme l’Inde ou le Qatar – possèdent néanmoins des points en commun. En l’occurrence le pragmatisme et l’opportunisme et collectivement les pays en question sont très puissants, devenant des éléments clés du «futur ordre international».
Encore un peu plus loin, il est indiqué que la Russie et la Chine aspirent à prendre la tête du Sud global. Et que dans le cas de la Russie puisqu’elle est la principale source d’intérêt dudit article – l’ambition russe est favorisée par l’absence du passé colonial, et ce alors que jusqu’à aujourd’hui la posture de l’Occident continue d’être considérée comme coloniale, néocoloniale et hypocrite – reconnait avec amertume l’auteure de l’analyse. Y compris en reprenant la citation du ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, qui avait déclaré l’année dernière que «l’Europe doit abandonner la mentalité selon laquelle ses problèmes sont les problèmes du monde, parce que les problèmes du monde ne sont pas les problèmes de l’Europe».
L’article de La Vanguardia fait aussi un rappel historique de la Doctrine Primakov (Evgueni Primakov, ministre russe des Affaires étrangères entre 1996 et 1998 et chef de gouvernement entre 1998 et 1999 – ndlr), qui effectivement avait toujours insisté sur l’importance des relations entre la Russie et les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, au lieu de donner une quelconque priorité aux relations avec l’Occident. Et que cette doctrine soutient que le principal intérêt national de l’Etat russe réside dans le fait d’être une grande puissance dans un monde multipolaire.
Par ailleurs, le média espagnol affirme que parmi les instruments qui sont à la disposition de la Russie se trouve le fait d’apporter des solutions sécuritaires aux «problèmes systémiques» de pays comme la Syrie, le Venezuela, le Mali, le Burkina Faso ou encore le Soudan, comme partie de la stratégie de Moscou. Et que cette stratégie consiste également à saper le «système international fondé sur des règles et principes de réforme démocratique, en faveur de la violence pour le contrôle des ressources et d’un leadership irresponsable». Tout comme l’appartenance à des organisations qui ont une grande influence sur les pays du Sud global, parmi lesquelles les BRICS.
Enfin, l’auteure dudit article affirme, également avec amertume, que les événements contemporains, notamment en Ukraine, ont mis en lumière une nouvelle réalité internationale qui non seulement ne changera pas, mais qui semble au contraire se renforcer dans les années à venir, à mesure que les pays du Sud global s’unissent. Et qu’en ce sens, la Russie tentera d’en profiter en défendant la lutte anticoloniale pour avancer vers la réalisation de ses objectifs stratégiques.
Maintenant il faudrait certainement donner quelques réactions aux dits points de l’article concerné. Tout d’abord, ce n’est pas seulement la Russie qui considère les pays du Sud global comme la majorité mondiale, c’est tout simplement une question d’un minimum de bon sens et de statistiques. Les peuples non-occidentaux représentent ensemble l’écrasante majorité planétaire, que cela plaise à la minorité mondiale occidentale, ou pas.
En ce qui concerne la lutte anticoloniale, cela fait effectivement partie de l’histoire de la Russie – une lutte menée durant de bien longues années aux côtés des peuples qui se battaient pour leur indépendance et souveraineté. Une réalité historique que l’Occident ne pourra jamais changer, y compris dans la perception des pays et peuples concernés par ce soutien. D’autre part, le fait que la Russie soutient les nations qui souhaitent se libérer précisément aujourd’hui du néocolonialisme occidental – confirme que cela dépasse largement le cadre historique de la lutte anticoloniale et de la période qui s’en était suivie, dans le cadre des indépendances obtenues et de la période de la Guerre froide.
Le fait que jusqu’à aujourd’hui cela soit toujours d’actualité – c’est justement et précisément en raison que l’establishment occidental n’a toujours pas réussi à se défaire de sa mentalité coloniale et néocoloniale. Dans ses actions comme dans sa rhétorique. Et fort probablement ne saura jamais s’en défaire. En ce qui concerne le choc des élites occidentales et de leurs suiveurs quant au fait que pour l’écrasante majorité de la planète – les problèmes de l’Occident ne peuvent être considérés comme des problèmes du monde entier – cela n’est encore une fois que parfaitement logique. Une logique à laquelle l’Occident sera forcé de s’habituer.
Quant aux problèmes «systémiques» de certains pays auxquels fait référence le média espagnol, il aurait été tout de même correct de préciser à cause de qui et de quoi ces problèmes non seulement existaient, mais aussi prenaient de l’ampleur. Et que justement face à ces problèmes – la Russie apporte, dans un cadre mutuellement respectueux, des solutions non pas pour le court terme, mais bel et bien sur le long terme. Avec le soutien des autorités et des peuples concernés. Pour le bien de l’ordre mondial contemporain.
Et enfin, il serait peut-être temps également que les Occidentaux cessent de faire référence au concept ridicule et totalement dépassé de l’ordre mondial basé sur «des règles», en d’autres termes l’ère unipolaire, car l’écrasante majorité planétaire ne reconnaît pas et plus ces pseudo-règles. La minorité occidentale peut vivre avec les règles qu’elle souhaite dans le cadre du petit espace planétaire qui la concerne. Mais cela ne s’appliquera guère ni aux principales puissances planétaires promotrices de l’ordre multipolaire contemporain, en premier lieu la Russie et la Chine. Ni aux pays justement du Sud global qui partagent les valeurs de la multipolarité.
D’un autre côté – qu’attendre d’un média issu d’une ex-puissance coloniale ne représentant rien sur le plan international aujourd’hui, et qui avait par la même occasion soutenu la dictature franquiste en Espagne? La réponse est probablement assez claire. L’essentiel étant que la peur monte au sein des nostalgiques d’une ère révolue, qui n’arrivent vraiment pas à se débarrasser de leur arrogance habituelle. Une arrogance et des faiblesses qui ne font d’ailleurs qu’accélérer les processus qui leur inspirent la peur en question. Quant au futur ordre international – il n’est pas futur, il est précisément actuel. A la seule différence que dans ce futur, il ne sera pas seulement multipolaire, mais également post-occidental.
Mikhail Gamandiy-Egorov
Problème : nous autres habitants de la France, n’avons RIEN à voir avec les desiderata de l’Anglosaxonnerie (néologisme pour désigner les pseudo-élites issues via les Pilgrim Fathers des Jarls norvégiens d’avant l’an mil…) : le château-fort de mon village d’autrefois, datant à l’origine du VIIe siècle en témoigne, alors que le Golfe des Pictons était encore en voie de comblement, et que les razzias des Vikings faisaient des victimes et implantaient quelques descendants non-acceptés, hélas. Là aussi, non content d’être le lieu où soudain les migrants (eh oui, déjà) venus de l’Est se heurtaient à l’obstacle obligé de l’océan, le Poitou de l’occident extrême subit largement – quoique pas autant que la Normandie – les visites des gens du Nord.
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Il n’empêche que ces suppôts de l’Anglosaxonnerie, pour eux nous sommes les gens de l’Est. Nous faisons partie de l’Eurasie, l’Europe n’étant que le promontoire d’où l’on observe avec inquiétude les hordes déchaînées venues d’outre-océan. Et avec lesquelles nous n’avons aucune affinité. Dois-je rappeler ici le témoignage d’une amie, interprète-traductrice spécialisée dans le japonais et l’anglais « américain » ? Sur le premier elle avait le niveau « diplomatique », alors que pour le second, trop de différences dans la mentalité-même et un nombre phénoménal de faux–amis rendaient sa traduction bien plus hasardeuse. Il est vrai que le Japon possède une vraie culture ; ce qu’on pourrait difficilement affirmer d’un agglomérat d’États qui ne savent pas vraiment ce qu’est « une culture ».
C’est un fait, ils essayent d’abolir nos culture millénaires, et de les remplacer par un salmigondis de cultures exogènes pour diluer l’identité des uns et des autres où rien n’est compatible. Ça ne peut que mener à la confrontation. D’où l’aberration de ce mélange multiculturel qui, s’il peut apporter un plus dans le partage des connaissances, il a des domaines où ça ne passera jamais comme le religieux ou le sociétal, où les mentalités et le formatage aidant, beaucoup de choses sont inacceptables pour les deux cotés.