La Russie annonce le retrait des troupes russes de Kherson et de la rive droite du Dniepr – Donbass Insider

Christelle Néant pour Donbass-Insider

Le 9 novembre 2022, le commandant en chef de l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, Sergueï Sourovikine, annonçait le retrait des troupes russes de Kherson et de la rive droite du Dniepr, pour éviter aux soldats se trouvant dans cette zone de se retrouver en position d’encerclement.

Depuis plusieurs mois, l’armée ukrainienne bombarde constamment le pont Antonov, et le barrage de la centrale électrique de Novaya Kahovka, provoquant un problème d’approvisionnement de la rive droite du Dniepr, où se trouve Kherson, et faisant peser un risque d’inondation d’une partie importante de la ville et des berges du fleuve.

En effet, les destructions infligées par les frappes de missiles Himars au pont Antonov ont rendu ce dernier inutilisable, obligeant à avoir recours à des pontons flottants et des ferrys pour permettre la traversée du Dniepr. Pontons et ferrys eux-mêmes régulièrement bombardés par l’armée ukrainienne, y compris lors du début de l’évacuation des civils de Kherson, fin octobre. Ces bombardements ont fait plusieurs victimes parmi les civils, dont des journalistes.

Concernant le barrage de Novaya Kakhovka, il y a trois jours, l’armée ukrainienne a de nouveau bombardé ce dernier à coup de roquettes Himars. Toutes sauf une ont été abattues par la défense anti-aérienne russe. Malheureusement la roquette restante a touché et endommagé une des écluses du barrage, faisant craindre un risque d’inondation de Kherson et de destruction des pontons flottants assurant la « ligne de vie » logistique de l’armée russe.

D’ailleurs, lors de sa réunion avec le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, Sourovikine a mentionné ce risque comme un des facteurs l’ayant poussé à proposer de retirer les troupes russes de Kherson et de la rive droite du Dniepr. Le but étant d’éviter l’encerclement opérationnel de plusieurs milliers d’hommes, par coupure de leurs lignes d’approvisionnement.

Il a aussi indiqué que l’approvisionnement civil de Kherson était lui aussi compliqué dans la situation actuelle, et que maintenir dans de bonnes conditions la vie des civils à Kherson était devenu très difficile.

Ce retrait des troupes russes de Kherson et de la rive droite du Dniepr s’accompagne d’une évacuation massive des civils de la zone concernée. Plus de 115 000 personnes ont déjà été évacuées ces dernières semaines, et les dernières évacuations de civils sont en cours à Kherson. Même les animaux du zoo sont évacués. Le but est bien sûr d’éviter que les civils de Kherson se fassent massacrer par les soldats ukrainiens pour « collaboration », comme on l’a vu à Boutcha, ou à Izioum, Balakleya et Krasny Liman.

Face à cette annonce, les autorités ukrainiennes restent dubitatives, craignant un piège. Et il y a de quoi. La zone autour de Kherson n’est que de la steppe, qui va se transformer en vaste terrain découvert une fois tombées les dernières feuilles des arbres. De plus, les civils ayant été évacués, la Russie pourra prendre moins de précautions lorsqu’elle bombardera les troupes ukrainiennes qui avanceront vers Kherson. Et quand on voit les pertes effroyables de l’armée ukrainienne lors de ses tentatives de percer la défense russe dans cette zone, alors que la Russie n’avait pas ces deux avantages (Sourovikine annonce des pertes en morts et blessés de plus de 9 000 soldats ukrainiens), il n’est pas difficile d’imaginer ce qu’il en sera après.

Quoi qu’il en soit il sera clairement plus facile pour les troupes russes d’installer des défenses solides le long de la rive gauche du Dniepr, que dans les plaines de la rive droite à l’ouest de Kherson. De plus, la destruction des ponts empêchera l’armée ukrainienne d’avancer, mais l’obligera à maintenir un contingent important dans cette zone pour empêcher toute nouvelle avancée russe. Un contingent qui manquera ailleurs à l’armée ukrainienne.

De leur côté, les troupes russes retirées de ce front vont être envoyées dans les zones où la Russie est à l’offensive. Car si le retrait de Kherson est très médiatisé et visible, il ne faut pas oublier que sur d’autres portions du front, les troupes russes avancent, à Ougledar, Artiomovsk, près de l’aéroport de Donetsk, et à Maryinka. Les soldats russes venant de Kherson vont permettre d’accélérer ces offensives. En clair, il n’y a pas de quoi paniquer, ce retrait est planifié et pour l’instant bien mené, y compris l’évacuation des civils.

Cette décision difficile prise par Sourovikine avec l’approbation de Sergueï Choïgou était rendue nécessaire dans les conditions actuelles issues à la fois d’erreurs stratégiques faites par certains commandants au début de l’opération spéciale, et par les destructions provoquées par l’armée ukrainienne, qui n’en a rien à faire d’inonder la moitié de Kherson. D’ailleurs, fait marquant, cette décision a été soutenue par Ramzan Kadyrov et par Evgueni Prigojine, le propriétaire de la société de sécurité privée Wagner, qui n’avaient pas été tendres avec le commandement russe lors du retrait de la région de Kharkov.

Cette décision difficile fait donc consensus parmi ceux qui s’y connaissent assez en science militaire pour comprendre dans quelle situation se trouvent les troupes russes à Kherson et sur la rive droite du Dniepr. L’opération spéciale n’est pas terminée, et bientôt la totalité des 300 000 mobilisés russes seront envoyés dans la zone de combat (actuellement seuls environ 80 000 sont arrivés). Comme l’a souligné Ramzan Kadyrov dans son message soutenant la décision de se retirer de Kherson, « après avoir pesé le pour et le contre, le général Sourovikine a fait un choix difficile mais correct entre un sacrifice insensé pour faire des déclarations tapageuses et le sauvetage de la vie inestimable des soldats ».

Christelle Néant

6 Commentaires

  1. Mais bien sûr. La vieille tactique : je recule vers des positions moins vulnérables, je te laisse t’avancer, tu te retrouves sous un déluge de feu correspondant aux axes faciles d’accès, déjà répertoriés et prêts à se couvrir de fer et d’explosions. Et une fois de plus, ça va marcher, et l’Empire va perdre X acteurs d’opération (les fantassins et autres), X canons, blindés, et autres payés par d’autres. Ah, dommage, on n’a plus qu’à recommencer comme Mangin en 1916…..
    .
    ASSASSINS !

    • Très partisane comme analyse.

      – Sauf qu’à un moment donné, faudra bien que les russes OBLIGATOIREMENT reprennent le terrain perdu dit maintenant territoire russe.https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_whistle3.gif
      – Et là…, à leur tour les Ukrainiens fortifiés vont les attendre de pied ferme. Surtout que les russes seront totalement à découvert quand ils traverseront la Dniepr.

      • Kherson est une zone inondable donc c’est comme de défendre Tchernobyl, soit vous étendez le périmètre pour ne pas subir la pression dans un lieu vulnérable, soit vous dégagez forcément à un moment donné. Apparemment, les Russes ne veulent pas étendre le périmètre autour de Kherson car ils devraient annexer l’Oblast de Mykolaïv, puis rebelote avec celui d’Odessa car il y a le même problématique avec un autre fleuve, puis en face, il y a la 101 division aéroportée avec un risque que le conflit dégénère alors que la ligne de défense Ukrainienne dans le Donbass n’est pas encore tombée et que les résultats des élections aux USA ne sont même pas connus.

        Bref, la logique militaire s’impose sur la logique des frontières des Oblast. Si les forces Ukrainiennes veulent s’installer dans une zone qu’ils ont eux même mis sous la menace d’une inondation, grand bien leur fasse mais lisez ceci avant :
        https://fr.topwar.ru/3049-cunami-na-dnepre.html

        • Bonsoir,

          Votre analyse semble pertinente et documentée.
          Vu que je ne maîtrise pas le sujet par manque de connaissance. Je m’abstiendrai de toute conversation fine, ou avis tranché sur ce sujet si particulier.

          Par contre, la destruction du barrage et des terres nouvellement russes serait une catastrophe en terme d’image et de prestige international.
          Nous ne sommes plus dans la première moitié du XX° siècle où le jusqu’au-boutisme était de rigueur.
          Maintenant une guerre se gagne aussi sur terrain de l’image. Surtout que les mêmes russes qualifiaient cette éventualité ukrainienne de terrorisme.

          Donc, je n’y crois guère.
          Mais bon, bien que cela ne soit absolument pas dans les manière de faire de Poutine, si la neccessité est impérieuse…à la guerre…

        • Moi ce qui m’interloque, est le fait que les russes n’ont pas encore utilisé leur force stratégique pour des bombardements « tapis de bombes façon TU 95 ».
          A mon avis, vu la configuration du terrain et le fait que les habitants ont été évacués, cela me semble fort possible. Surtout, cela monterait (enfinhttps://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_whistle3.gif) la détermination des russes à l’engagement totale pour la victoire.

  2. Une des principales forces du corse était d’entreprendre des relevés topographiques très précis afin de prévoir à l’avance toutes les positions de ses forces armées sur le lieu qu’il avait choisi. Cartographie, stratégies et anticipation sur les manœuvres adverses en pareilles situations étaient alors en synergies efficaces.
    Après avoir tardivement compris dans quelle sauce les généraux russes s’étaient mis, voyons voir si leurs adversaires en cours de contre attaque vont mordre à l’hameçon ?
    A mon sens le fil est un peu trop gros, mais qui ne tente rien n’a rien.

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