L’Union européenne n’a pas réussi à s’entendre sur des sanctions contre la Turquie, réclamées notamment par la France, Chypre et la Grèce, à cause du comportement turc en Méditerranée orientale et en Libye. Et quelques jours après, elle récompense les menaces turques…
Même pas une semaine après le fiasco du Sommet de l’Union européenne durant lequel les 27 ont encore tiré l’oreille de la Turquie (pas très fort quand-même ; il ne faut pas la provoquer) en lui rappelant qu’ils allaient adopter des sanctions à cause de son comportement agressif en Méditerranée orientale et ailleurs (cela fait quelques années que les 27 annoncent des sanctions contre la Turquie pour ça ; on ne les a jamais vues !), nous avons appris que les mêmes 27 ont fourmi à la Turquie, en catimini, la dernière tranche des 6 milliards d’euros promis pour l’externalisation du traitement de la question des réfugiés, notamment syriens.
Tout a commencé par l’accord entre la chancelière Angela Merkel et le Premier ministre turc de l’époque, Ahmet Davutoglu. On était en pleine guerre civile syrienne avec des centaines de milliers de réfugiés syriens fuyant vers la Turquie et les autres pays voisins. La Turquie, menaçant de les laisser partir vers l’Europe, a obtenu un accord négocié avec l’Allemagne, dans le dos des autres membres de l’Union européenne, d’un montant de trois milliards d’euros dans un premier temps, augmenté à six milliards ensuite. Cet accord, déjà difficile à accepter car négocié par un seul pays qui l’a imposé à ses partenaires, prévoyait, ni plus ni moins, que l’externalisation du traitement du problème des réfugiés / migrants était confiée à la Turquie contre monnaie sonnante et trébuchante ! Les droits de l’homme et les belles valeurs fondamentales, mille fois confirmées dans de beaux discours écrits par les énarques de tous les pays, sont passés à la trappe.
Depuis cette date, la Turquie n’a cessé d’utiliser les migrants comme une arme de hard power, menaçant de les lâcher et de les inciter d’aller en Europe. Nous nous rappelons tous, les images des moyens de transport gonflables et en mauvais état qui déversaient des flots de migrants sur les côtes des îles grecques de la mer Égée durant l’été 2016… Ces images se sont répétées début 2020 à la frontière gréco-turque – terrestre et maritime – à l’instigation du gouvernement Erdogan.
La Turquie n’était pas contente des menaces de sanctions de l’Union européenne à cause de son invasion permanente des zones maritimes grecques et chypriotes. Et les menaces turques ont donné des résultats : les menaces de sanctions sont restées au stade de menaces avec néanmoins quelques mesures anodines pour amuser la gallérie.
Comme à son habitude, l’Union européenne a suivi la volonté allemande (soutenu cette fois par l’Italie, l’Espagne, Malte, la Hongrie et la Bulgarie) de ne pas sanctionner la Turquie.
Le Conseil européen (10 et 11 décembre 2020), après avoir constaté les violations continues de la Turquie, dit, entre autres, dans ses Conclusions : « Le Conseil européen réaffirme qu’il est dans l’intérêt stratégique de l’UE de développer avec la Turquie une relation de coopération mutuellement avantageuse. La proposition d’un programme constructif entre l’UE et la Turquie reste valable, pour autant que la Turquie se montre disposée à promouvoir un véritable partenariat avec l’Union et ses États membres et à régler les divergences par le dialogue et dans le respect du droit international. Un tel programme pourrait porter sur les domaines de l’économie et des échanges commerciaux, les contacts entre les personnes, les dialogues à haut niveau et la poursuite de la coopération sur les questions de migration. Le Conseil européen insiste sur l’importance de maintenir ouverts les canaux de communication entre l’UE et la Turquie. L’UE sera également disposée à continuer de fournir une aide financière aux réfugiés syriens et aux communautés d’accueil en Turquie et à coopérer dans le domaine de la gestion responsable des flux migratoires vers l’ensemble des États membres et de l’intensification des efforts dans la lutte contre les réseaux de passeurs. »
Ensuite, le Conseil réitère les menaces de sanctions contre la Turquie si cette dernière ne se cesse pas ses activités de forage « non autorisées en Méditerranée orientale ».
A force d’élever la voix et de tancer la Turquie, les 27 n’ont plus de voix, ils ne sont plus audibles ! Et la Turquie se fait toute petite et a peur devant tant de réactions vogoureuses de la part de l’Union européenne !
Cependant, la vérité est ailleurs : Erdogan pavane et dit que les Européens se sont montrés raisonnables dans leurs conclusions !
En effet, le président turc n’a pas caché sa satisfaction du résultat du Sommet de l’Union européenne, affirmant que les pays qui ont un bon sens n’ont pas permis les machinations contre la Turquie. Il a également réitéré la demande de dialogue et de partage du gaz naturel dans la zone économique exclusive (ZEE) de la République de Chypre, qui selon lui est la source de tensions.
Comment cela pourrait-il en être autrement ?
Après des mois des tergiversations, la position allemande a encore prévalu lors du Sommet de l’Union des 10 et 11 décembre 2020 : surtout pas de sanctions sérieuses contre la Turquie, pilier de l’OTAN (?), partenaire économique et acheteur à tout va d’armes et de la technologie militaire, allemandes, espagnoles, italiennes, etc, etc…
La Grèce, Chypre, la France, peuvent courir ; rien ne se passera qui contrarie la marche de bonnes affaires !
Aux yeux de l’islamo-fasciste d’Ankara, ses agissements en Méditerranée orientale avec l’invasion permanente des zones économiques exclusives de Chypre et de la Grèce, le chantage aux migrants, la participation aux nouveaux massacres des Arméniens d’Artsakh (Haut-Karabagh), l’occupation continue de Chypre, l’occupation d’une partie de la Libye et d’une partie de la Syrie, etc, méritent une approche « raisonnable » de la part des Européens qui comprennent (et donc acceptent) les agissements turcs. Dans ce cas, pourquoi voulez-vous qu’il arrête ? Il n’a aucune raison de le faire…
Cependant, juste pour la forme et pour satisfaire ses amis dans l’Union européenne qui doivent paraitre sévères à l’égard de la Turquie et intransigeants sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales, la Turquie a fait un geste fort. Car ses « amis » européens ont besoin de justifications. Alors, le ministère turc des Affaires étrangères a, aussitôt les conclusions adoptées, publié un communiqué condamnant la décision des 27 et la jugeant inéquitable ! Voilà ce que déclare le ministère des Affaires étrangères de la Turquie[1], sur son site Web officiel concernant les Conclusions du sommet des dirigeants des États membres de l’UE : « Malgré les efforts déployés par certains pays de l’UE, y compris la présidence (allemande, nda), du 1er au 2 octobre à aujourd’hui pour avoir un dialogue et des contacts avec notre pays, en raison des politiques d’intrigues menées par un ou deux pays au sein de l’Union, il n’a pas encore été possible de définir un agenda positif dans les relations Turquie-UE et l’UE n’a pas cessé de rechercher des mesures restrictives, qui n’apportent rien.
« Certains États membres, abusant de leur pouvoir de veto, de leurs attitudes injustes et de leurs revendications maximalistes, ont conduit la Turquie et l’UE dans un cercle vicieux. Cette situation est préjudiciable à la paix, à la sécurité et à la stabilité dans la région et nuit aux intérêts communs de la Turquie avec l’UE.
« En particulier, en ce qui concerne la question chypriote et les questions concernant la Méditerranée orientale, la mer Égée et les questions régionales, nous rejetons totalement leur inclusion unilatérale et illégale dans le communiqué conjoint du sommet du 10 décembre, sous la pression du veto et au nom de la solidarité. (…)
« Il est dommage pour l’UE que la Grèce repousse les migrants vers la mer Égée et que Frontex soit impliqué dans ces actions. Il n’est pas possible de parler de gestion responsable des flux migratoires sans mettre un terme à ces violations et pratiques d’expulsion collective, qui sont de graves violations des droits de l’homme et sont fermement condamnées par l’opinion publique internationale. L’UE doit montrer sa sensibilité dans la gestion de l’immigration non pas à notre pays, mais à la Grèce, en particulier, dans la systématisation du traitement inhumain des demandeurs d’asile. (…) »
Si l’Union européenne était à la hauteur, me direz-vous, ça se saurait. Effectivement, ça se saurait ! Et c’est dommage, car l’idée de départ était belle…
Quelques jours après (le 17 décembre 2020), l’UE signait les « contrats finaux au titre du budget de 6 milliards d’euros alloué à la facilité en faveur des réfugiés en Turquie ».
Le communiqué de la Commission disait : « La Commission européenne a conclu aujourd’hui les contrats finaux au titre du budget opérationnel de 6 milliards d’euros alloué à la facilité en faveur des réfugiés en Turquie. La signature des huit contrats finaux, d’un montant total de 780 millions d’euros, couvre le soutien aux besoins fondamentaux, aux soins de santé, à la protection, aux infrastructures municipales ainsi qu’à la formation, à l’emploi et au développement des entreprises pour les réfugiés comme pour les populations locales vulnérables.
« Le commissaire au voisinage et à l’élargissement, Olivér Várhelyi, a tenu à ce sujet les propos suivants: ‘‘La signature, aujourd’hui, des huit derniers contrats au titre de la facilité de l’UE en faveur des réfugiés en Turquie confirme que l’Union européenne tient ses promesses. Des contrats ont été passés pour un montant total de 6 milliards d’EUR en faveur de l’aide aux réfugiés et aux communautés d’accueil en Turquie depuis 2016. Il s’agit là d’une réalisation extraordinaire. Je tiens à féliciter les autorités turques pour leur coopération dans le cadre de cet effort commun, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation. L’Union européenne continuera à se tenir aux côtés des réfugiés et des communautés d’accueil en Turquie.’’ »
Tout va bien donc, dans le meilleur des mondes !
Ah ! J’oubliais ! L’Allemagne a confirmé les exportations d’armes sophistiquées vers la Turquie (dont six sous-marins, dernier cri), malgré les protestations de la Grèce.
Avec la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne, l’Allemagne est devenue le « représentant » de la politique américaine en Europe et elle remplit avec zèle ce rôle de sape de toute velléité d’indépendance européenne en matière de défense et de politique étrangère. Dans ce jeu de dupes, la Turquie est le bras armée pour, aussi bien, contrarier la Russie que pour empêcher l’Europe de se former véritablement
[1] Communiqué du 11 décembre 2020 : http://www.mfa.gov.tr/no_-319_-10-11-aralik-ab-devlet-ve-hukumet-baskanlari-zirvesi-sonuclari-hk.tr.mfa
Vae victis …
Si j’ai bien compris, erdogan paye des terroristes pour détruire la Syrie, il s’en met plein les poches en trafiquant le pétrole volé aux Syriens et la commission européenne le paye pour que les réfugiés syriens ne viennent pas se réfugier en Europe !
Outre qu’il y a deux à trois ans, la Merkel a payé erdogan pour faire venir un million de réfugiés syriens en Allemagne ! 🙁
Plutôt bizarre comme arrangement !
En fait, cela ressemble furieusement, à de la traite d’esclaves !
Pour La Libye je croyais que c’était la france qui avait le « cul sale » ? La turquie piétine les cendres fumantes de notre aide humanitaire ?
Je ne comprends vraiment rien !