Le pari risqué de l’Arménie qui se tourne vers les États-Unis

Par Alexandre Lemoine pour Observateur Continental

L’Arménie cherche de nouveaux partenaires. Dernièrement, elle a signé une charte de partenariat stratégique avec les États-Unis. Le document est déclaratif et se résume à dire « nous allons renforcer notre amitié ». Washington lancera-t-il une véritable « bouée de sauvetage » à l’Arménie? 

Les évènements de 2023 ont placé l’Arménie dans une situation délicate. Erevan a subi une défaite au Karabakh, à la suite de laquelle l’Azerbaïdjan a rétabli son intégrité territoriale. L’Arménie en a accusé ses alliés de l’OTSC, principalement la Russie. Moscou rejette ces accusations et insiste en disant que l’alliance défensive a fait tout le nécessaire dans le cadre de ses compétences. 

Dans ce contexte, les autorités arméniennes ont raisonné ainsi: il faut chercher des alliances militaires alternatives plutôt que de miser tous ses espoirs sur un seul partenaire. La situation est compliquée par la dépendance économique du pays envers la Russie. Moscou fait clairement comprendre qu’Erevan a le droit de chercher de nouveaux alliés, mais s’ils s’avèrent être occidentaux, l’État devra dire adieu aux avantages dans le cadre de l’Union économique eurasiatique. 

D’abord, Erevan s’est tourné vers l’Iran et l’Inde. New Delhi a vendu à l’Arménie des systèmes d’artillerie tractée. Alors que Téhéran, selon les médias, a conclu un accord secret pour la vente de drones et de systèmes de défense antiaérienne. 

Ensuite, l’Arménie s’est tournée vers l’Occident: elle a déclaré son désir d’adhérer à l’Union européenne et a approfondi ses relations avec les États-Unis. L’UE a promis d’y réfléchir, mais n’a pas donné de délais précis. Du côté de Washington, les succès sont à peine plus notables: un groupe spécial sera envoyé à Erevan pour surveiller la sécurité frontalière. La composition de cette mission n’est pas précisée. 

« Nous créons une commission de partenariat stratégique qui offre tout un éventail d’opportunités pour élargir notre coopération dans plusieurs domaines, à savoir l’économie, la défense, la sécurité, la démocratie », a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors de la signature de la charte de partenariat stratégique avec l’Arménie. 

Le document se compose de cinq sections: principes du partenariat; coopération dans les domaines de l’économie, du commerce, des transports et de l’énergie; défense et sécurité; renforcement de la démocratie, de la justice et de l’inclusivité; développement des échanges sociaux et culturels. 

Malgré la déclaration encourageante de Blinken, cette charte ne contient rien de concret, se contentant de formulations générales. Elle indique toutefois que les États-Unis saluent la volonté de l’Arménie de renforcer ses liens avec les pays de la communauté euro-atlantique et une « communauté plus large de démocraties ». 

L’Azerbaïdjan suit attentivement la recherche de nouveaux alliés par l’Arménie. La charte américano-arménienne comprend un point sur l’amélioration du climat politique dans la région et le renforcement de la sécurité régionale. 

Mais comment les États-Unis peuvent-ils influencer la sécurité? D’autant plus que Bakou a exprimé à plusieurs reprises publiquement son inquiétude quant à la présence de représentants des structures de force d’autres États à la frontière arméno-azerbaïdjanaise. Cela ne contribue clairement pas à la détente, estiment les experts. 

Il convient de noter le ton général de tout le document, où les États-Unis évaluent et encouragent les autorités arméniennes à diverses actions: il n’est nullement question d’égalité. Dans quelle mesure le document sera-t-il pertinent en termes de sécurité régionale? Il est peu probable que l’Iran soit satisfait de voir des militaires américains apparaître à sa frontière. 

On assiste à des tentatives de Washington de réduire la dépendance de l’Arménie envers l’agence fédérale de l’énergie nucléaire russe Rosatom en renforçant la coopération dans le domaine énergétique. Mais les États-Unis n’ont pas d’expérience dans la construction de petites centrales nucléaires à l’étranger. 

Même s’ils décident de construire de petites centrales nucléaires en Arménie, d’où importeront-ils l’uranium? Auparavant, il était importé du Kazakhstan et enrichi en Russie. D’où sera-t-il importé pour une centrale américaine? 

Il est à douter que les investissements américains affluent dans l’économie arménienne. Il n’y a pas de grands projets qui témoigneraient de l’intérêt des entreprises américaines pour l’économie arménienne. La question de l’appartenance d’Erevan à l’OTSC est également complexe, car le pays doit définitivement quitter l’organisation pour éviter le croisement des militaires russes et américains. 

Pour l’instant, on peut dire que l’accord de partenariat stratégique entre l’Arménie et les États-Unis n’a fait qu’ajouter des questions. Washington cherche à étendre sa zone d’influence et, en fait, ne promet rien en retour. C’est précisément ce que proposent Moscou, New Delhi et Téhéran. Et Erevan n’a pas d’autres candidats comme alliés.

Alexandre Lemoine

Tous les articles, la tribune libre et commentaires sont sous la responsabilité de leurs auteurs. Les Moutons Enragés ne sauraient être tenus responsables de leur contenu ou orientation.

Laisser un commentaire