Conflit en Ukraine : de « l’Armée nazie de libération russe » à la « Légion atlantiste de la Russie libre »

 

La guerre de l’information n’a pas été créée aujourd’hui et les méthodes se répètent. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Nazis ont créé de toute pièce une mythique « Armée de libération russe » ou « armée de Vlassov », dont le but, outre les répressions contre les civils, était principalement politique et propagandiste : des Russes se battent contre Staline. Les pays de l’Axe reprennent aujourd’hui en Ukraine cette technique des Nazis, en déclarant haut et fort la constitution d’une Légion de la Russie libre, composée de Russes, qui se battent contre Poutine – et contre la Russie, comme leurs ancêtres. Dans ce scénario, toute ressemblance avec les méthodes des nazis n’est pas fortuite.

Le NYT vient de nous gratifier d’une annonce intéressante, qui reprend parfaitement le registre des organes de propagande de Goebbles. Ainsi, au sein de la Légion internationale en Ukraine, des unités de combats constituées de Russes, qui luttent « contre Poutine » évidemment du côté de l’Axe en Ukraine, sont créées. C’est le même dispositif que ces Soviétiques, qui luttaient avec Vlassov contre Staline avec les nazis. Les deux sont surtout des organes de propagandes, devant montrer que les Russes soutiennent le nazisme, alors et maintenant – oups, soutiennent la liberté. Les deux n’ont qu’un très faible intérêt militaire. Les deux sont surtout une opération politique et communicationnelle.

Ainsi, cette nouvelle armée de Vlassov est composée de personnes, qui détestent profondément la Russie actuelle et Poutine, sans tous venir de Russie :

« Ils ont pris les armes contre la Russie pour diverses raisons : un sentiment d’indignation morale face à l’invasion de leur pays, un désir de défendre leur patrie d’adoption, l’Ukraine, ou une aversion viscérale pour le président russe, Vladimir V. Poutine. »

A l’époque de l’armée de Vlassov, 35 à 45% des membres étaient Russes. Et eux aussi se battaient soit disant contre Staline, eux aussi étaient indignés – en effet, comment l’URSS avait-elle eu l’outrecuidance de ne pas se laisser envahir par la civilisation ? Aujourd’hui, comment la Russie ose-t-elle ne pas laisser bombarder les populations russes du Donbass, comment ose-t-elle ne pas laisser bombarder les régions limitrophes, comment ose-t-elle lever la tête quand tous la baissent ? Cela aurait pourtant permis de discréditer la Russie et en s’effondrant sur elle-même, elle serait alors entièrement tombée entre les mains du pouvoir global. Mais comme à l’époque, ça n’a pas marché.

Leurs dirigeants, Staline alors, Poutine maintenant, sont donc responsables … de ce que leur pays, à ce deux moments-clés de l’histoire, ne se laisse pas dévorer par un pouvoir extérieur. Ils sont donc logiquement l’ennemi. Ce qui explique et la focalisation sur leur personne, et la haine viscérale qu’ils provoquent en Occident, en Europe – dans cette Europe, où la plupart des pays collaboraient activement avec les nazis à l’époque, où les élites dirigeantes sont assujetties au pouvoir global aujourd’hui. Rien n’a changé, aucune leçon n’a été tirée.

Et après un moment de méfiance envers ces Russes, qui passent à l’ennemi, l’Ukraine leur a finalement ouvert les bras :

« Le groupe opère sous l’égide de la Légion internationale ukrainienne, une force de combat qui comprend des unités composées de volontaires américains et britanniques, ainsi que de Biélorusses, de Géorgiens et d’autres. Près d’un an après le début de la guerre, l’unité russe a reçu peu d’attention – en partie pour protéger les soldats des représailles de la Russie et contre leurs proches.

Au début de la guerre, la loi ukrainienne empêchait les citoyens russes de rejoindre les forces armées. Mais l’unité a maintenant gagné suffisamment de confiance de la part des commandants ukrainiens pour prendre sa place parmi les forces, qui combattent férocement l’armée russe au sud de la ville stratégique de Bakhmut, dans l’est de l’Ukraine, dans l’un des théâtres les plus brutaux de la guerre. »

Et le nom est posé, la Légion de la Russie libre, ce qui rappelle bien l’ancienne Armée de libération russe nazie. Officiellement, il y aurait quelques centaines de personnes. Qui ne viennent pas tous de Russie.

Revenons un peu sur cette Armée de libération russe, qui a directement inspiré cette Légion. L’histoire de cette Armée de libération nazie remonte à décembre 1942, quand Vlassov et Baersky se sont adressés aux dirigeants du Troisième Reich, pour constituer une armée devant « libérer la Russie du communisme ». Concrètement, cette armée n’a combattu ni le communisme, ni l’Armée rouge (jusqu’en février 1945 sur les rives de l’Oder), mais elle a surtout été constituée comme un élément de propagande, devant montrer que le pouvoir était contesté en URSS. Ils furent également utilisés dans la répression des résistants et des civils et en ce sens sont des criminels de guerre.

La première brigade est apparue en 1943, constituée de 650 personnes, issues de ressortissants de l’URSS et surtout constituée de Russes blancs. Ils portaient l’uniforme SS, ce qui doit souligner leur patriotisme, et leur principale mission était de lutter contre les partisans dans la région de Pskov. Après la défaite de Koursk, d’autres brigades furent constituées et armées.

« Et puis une autre unité formée de prisonniers de guerre (la 1ère brigade nationale SS russe « Druzhina »), presque à pleine puissance, emportant avec eux 10 pièces d’artillerie, 23 mortiers, 77 mitrailleuses, armes légères, 12 stations de radio et autres équipements, passa du côté des partisans et commença à se battre contre les soldats de la Wehrmacht.

Après cela, l’armée de Vlassov a été désarmée et dissoute. Des officiers ont même été assignés à résidence. Puis ils ont changé d’avis et ont envoyé tout le monde en France, loin du front de l’Est et du contact avec les partisans. »

Ceci doit expliquer aussi leur popularité en Europe … Il a fallu attendre la fin de l’année 1944, pour que n’ayant plus rien à perdre, cette armée soit réarmée, et une division de 18 000 hommes soit constituée par les nazis, à partir de prisonniers, collaborateurs, émigrés, etc. C’est alors à Prague, qu’ils constituent leur Comité. Grâce au financement nazi, en avril 1945, cette armée comprenait quelque 120 000 hommes.

Le but ici était plus politique que militaire : en voyant la fin de la guerre arriver, cette armée de Vlassov, qui s’est déclarée neutre à l’égard des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, devait être utilisée comme une troisième force contre l’URSS et c’est à la fin de la guerre qu’elle a réellement pris part à quelques combats contre l’Armée rouge, principalement sur le territoire allemand. Il fallait bien ancrer la légende. A la fin de la guerre, les Alliés ont rendu à l’URSS deux tiers des membres de cette armée, qui furent incarcérés et 6 membres de leur commandement pendus.

L’histoire se répète. Surtout lorsque les leçons ne sont pas tirées.

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