La France et l’Allemagne dans la course à l’énergie au Maghreb

Source Observateur-Continental

Le président français, Emmanuel Macron, s’est rendu en Algérie et la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, est allée au Maroc. Les deux puissances européennes sont à la recherche d’énergie. 

Deux politiciens européens à la fois. Le but des deux visites est de développer des liens politiques et économiques alors que la crise énergétique menace les pays de l’UE après le déclenchement des hostilités en Ukraine. L’Algérie figure sur la liste des plus grands exportateurs de gaz et le Maroc est l’un des leaders potentiels dans la production d’hydrogène vert. La visite de trois jours du président français, Emmanuel Macron, en Algérie est littéralement historique. Son précédent voyage dans ce pays avait eu lieu au début de son premier mandat présidentiel en décembre 2017. A deux reprises, en mai 2020 et octobre 2021, l’Algérie a rappelé son ambassadeur de Paris. Les différences se résumaient principalement sur l’interprétation du passé entre les deux pays. Les autorités algériennes n’ont pas apprécié les déclarations d’Emmanuel Macron où il a «accusé le pouvoir algérien d’avoir expurgé les “vérités” de son récit national», de réécrire leur Histoire de telle manière qu’elle repose désormais non sur la vérité, mais sur la haine de la France. 

Emmanuel Macron a, aussi, remis en cause l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation. L’Express rapporte qu’ «une question posée par le président français a notamment mis le feu aux poudres, déclenchant une crise diplomatique avec Alger». «Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française? Ça, c’est la question», s’est interrogé Emmanuel Macron. 

Les Algériens ont dû défendre leur indépendance dans une guerre sanglante qui a duré environ sept ans et demi et a coûté la vie, selon diverses estimations, de 500 000 à plus d’un million d’Algériens et à 28 000 soldats français. Les relations entre les deux pays sont chargées d’une mémoire historique et de revendications mutuelles bien que Emmanuel Macron ait tenté à plusieurs reprises de tourner la page du passé.

Après le dernier scandale diplomatique, Emmanuel Macron a dû s’excuser. Après sa victoire aux élections présidentielles d’avril, le président algérien Abdelmadjid Tebboune l’a félicité pour sa réélection et l’a invité à se rendre en Algérie. En juin, les deux dirigeants ont exprimé leur volonté d’approfondir les liens entre les deux pays. Le moment choisi pour la visite est également très symbolique. L’Algérie a juste célébré le 60e anniversaire de la fin de la guerre avec les Français et son indépendance. Le séjour du président français en Algérie a été une tentative de montrer le lien de l’Histoire entre les deux pays par rapport au passé et aussi au futur. Ainsi, immédiatement après son arrivée, le président français, accompagné de son homologue algérien, s’est rendu au Mémorial des Martyrs, érigé en l’honneur des morts de la guerre d’indépendance pour l’Algérie. 

Emmanuel Macron a rendu visite aux cimetières chrétiens et juifs de la capitale algérienne. Il a été accompagné de l’archevêque d’Alger. Alors que le grand rabbin de France, Haïm Corsia, dont les parents étaient nés en Algérie, devait les rejoindre, sa prétendue visite dans sa patrie historique a suscité la colère dans les milieux islamistes et il a fini par annuler le voyage car il a déclaré avoir été testé positif à la Covid-19.

Souhaitant que la visite officielle soit axée sur la jeunesse et l’avenir, le président français a également prévu une rencontre avec de jeunes entrepreneurs et start-up, suivie d’un autre déjeuner avec Abdelmajid Tebbun et d’une visite de la principale mosquée d’Alger. Le dernier jour du voyage, Emmanuel Macron est parti à Oran qui fut autrefois le centre économique de l’Algérie française. Il y a rencontré des représentants de l’intelligentsia créative et de la jeunesse algérienne et s’est rendu dans la mythique Disco Maghreb, immortalisée dans la vidéo du groupe français Dj Snake pour se terminer dans une scène surréaliste où le président français souriait à une foule d’ Algériens qui scandaient «un, deux, trois, vive l’Algérie». 

Comme souligné à Paris, le but de la visite est de créer une base solide pour de futurs contacts. C’est pourquoi tant d’attention est accordée à la communication avec les jeunes. Cependant, le porte-parole du gouvernement français, Olivier Veran, a déclaré aux journalistes que la crise énergétique devait bien sûr partie des sujets abordés lors du voyage. C’était inévitable car l’Algérie est l’un des plus gros exportateurs de gaz et l’un des principaux fournisseurs de ce vecteur énergétique à la France avec une part de marché de 8 %, bien que loin derrière la Norvège (36 %) et la Russie (17 % avant le déclenchement du conflit en Ukraine).

Aujourd’hui les médias français indiquent que «la France négocie l’augmentation de ses importations de gaz algérien». Mais, la signature d’un contrat ne doit pas intervenir avant plusieurs semaines, indique Engie.

La délégation française comprenait la PDG de la société française Engie, Catherine MacGregor. En juillet, Engie et la compagnie pétrolière et gazière nationale algérienne Sonatrach ont prolongé leur accord de coopération jusqu’en 2024. Le président français souhaite que l’Algérie augmente ses approvisionnements en gaz, comme l’a fait le Premier ministre italien Mario Draghi. Il s’est rendu deux fois en Algérie au cours des deux dernières années. Selon un communiqué de Sonatrach, l’Algérie a fourni à l’Italie 13,9 milliards de mètres cubes de gaz depuis le début de 2022, soit 113 % de plus que ce qui était initialement prévu pour Rome et Sonatrach et le groupe Italien ENI ont signé à Alger, un accord dans le domaine du Gaz, en présence du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune et du Premier Ministre italien Mario Draghi.

Selon les experts, l’Algérie n’a pas beaucoup d’opportunités pour augmenter ses exportations de gaz: le pays n’augmente guère sa production et consomme lui-même de plus en plus de ce type de combustible. Le gaz pour l’Italie a été trouvé principalement en raison des volumes qui étaient auparavant fournis à l’Espagne via le Maroc. Ces livraisons ont été arrêtées en raison de problèmes politiques entre Alger et Rabat, et aussi parce que la voie de transit occidentale n’était plus économiquement avantageuse pour les Algériens. Alors pour l’instant, Emmanuel Macron ne peut s’occuper que de l’avenir et espérer.

A la poursuite de l’énergie verte. L’avenir a aussi été évoqué lors de la visite au Maroc d’Annalena Baerbock. Les deux pays ont dû surmonter des divergences politiques. En mai dernier, Rabat a rappelé son ambassadeur de Berlin pour des consultations, accusant l’Allemagne d’une position négative sur le Sahara occidental. Rappelons que Rabat considère le Sahara occidental comme sa partie intégrante. Depuis juin 2007, Rabat et le Front populaire de libération du Sahara occidental (POLISARIO) ont tenu quatre rounds de négociations qui se sont tous terminés en vain.

Alors que l’Onu soutient la poursuite du dialogue, le président américain Donald Trump a reconnu en décembre 2020 la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Un certain nombre de pays ont réagi négativement à cette décision et l’Allemagne a convoqué une réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l’Onu pour discuter de cette question. Les responsables marocains ont ensuite été exclus d’une réunion à Berlin pour résoudre la crise libyenne. Tout cela a provoqué l’indignation à Rabat.

Le nouveau gouvernement allemand, dirigé par le chancelier Olaf Scholz, a exprimé son intérêt pour la reprise et l’amélioration des relations avec le Maroc. Berlin a déclaré qu’il soutenait les propositions de Rabat pour résoudre le conflit du Sahara occidental, ainsi que les efforts de l’Onu dans ce sens. La visite d’Annalena Baerbock à Rabat devrait, selon Berlin, «relancer des relations diplomatiques». Le chiffre d’affaires commercial entre les deux pays dépasse les 3,5 milliards d’euros et près de 300 entreprises marocaines sont possédées par des capitaux allemands. Fait important, selon un rapport publié en janvier 2022 par l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA), le Maroc figure parmi les cinq premiers pays ayant un potentiel de production d’hydrogène vert avec les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, l’Australie et le Chili. 

Lors d’une conférence de presse à Rabat jeudi, Annalena Baerbock et son collègue marocain Nasser Bourita ont noté que le royaume peut commencer à produire son propre hydrogène vert d’ici trois ans et a tout ce qu’il faut pour exporter de l’énergie propre vers l’Union européenne en général et l’Allemagne en particulier. Cependant, tout cela est aussi une question d’avenir. Certes, le Maroc reste énergétiquement dépendant de l’Espagne, mais cherche à redresser la situation. Il est prévu qu’entre 2025 et 2027, quatre câbles de 3 800 km seront posés entre le Maroc et la petite ville d’Alverdiscott dans le nord de l’Angleterre. D’ici 2030, ils devraient fournir environ 8% de la consommation d’énergie au Royaume-Uni.

Bref, l’Italie, l’Allemagne et la France se précipitent au Maghreb pour juguler la grave crise énergétique.

Pierre Duval

Volti

Un Commentaire

  1. La France en est réduit à faire la pute. Magnifique résultat de 50 ans de trahison.https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_good.gif

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