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Par Jean-Yves Jézéquel pour Mondialisation.ca
1 – Les politiques nationales étant déterminées par le cadre intérieur du Marché unique, de la monnaie unique et des règles uniques de l’UE, les Gouvernements de chaque pays formant l’UE, sont des exécutants dociles de ses règles, au mieux, des « fondés de pouvoir satisfaits de leur impuissance », écrivait Coralie Delaume, dans le FigaroVox du Mardi 26 Février 2019.
L’Union européenne n’est pas une organisation intergouvernementale mais c’est une structure supranationale. Les juristes disent que la Cour de justice des communautés a « constitutionnalisé les traités » via deux jurisprudences de 1963 et 1964. Autrement dit, « la Cour de justice a fait naître un ordre juridique inédit et posé les bases d’un proto-fédéralisme sans que les peuples soient consultés – ni même avertis – de la venue au monde d’une quasi-Constitution, dès 1964, » disait encore Coralie Delaume. ( idem)
La fin du principe de l’unanimité au sein du Conseil européen allait encore aggraver davantage le problème. Le lien naturel qui aurait dû continuer à exister entre les Nations et le Conseil Européen était rompu pour de bon, faisant des élections nationales une mascarade pitoyable, le vote des citoyens étant absolument devenu inopérant. Quelle que puisse être son issue ou son alternance vers la gauche ou vers la droite, le vote des Français ne changerait plus rien aux directions prises par des acteurs politiques inconnus, hors de portée, anonymes et non élus de Bruxelles.
Le faux Parlement de l’UE n’était pas le principal législateur du droit communautaire. Ce rôle revenait en réalité, selon le Traité, à la Cour de Luxembourg, laquelle émet de la norme en continu, « de manière jurisprudentielle » et sans en référer à personne. Enfin, le Parlement européen n’avait aucune possibilité actuelle de modifier les traités, même lorsque ceux-ci contiennent des éléments de politique économique.
Les Gouvernements des pays membres ne peuvent plus pratiquer aucune politique industrielle volontariste, puisque les traités interdisent de «fausser la concurrence» par le biais d’interventions étatiques. Aucune politique protectionniste commerciale ne leur est possible puisque la politique commerciale est une «compétence exclusive» de l’Union Européenne. Aucune politique de change n’est possible puisque dans le cadre de la monnaie unique euro, les pays ne peuvent plus dévaluer. Aucune politique monétaire n’est possible puisque c’est la BCE qui la conduit. Aucune politique budgétaire n’est possible, puisque les pays qui ont adopté la monnaie unique sont soumis à des «critères de convergence», notamment la fameuse règle – arbitraire – des 3 % de déficit public. En outre, depuis 2010 (dans le cadre d’un calendrier appelé «Semestre européen»), la Commission Européenne pilote méticuleusement l’élaboration des budgets nationaux. Dans ces conditions, nos Gouvernants n’ont plus que deux outils à leur disposition: la fiscalité et le «coût du travail».
Concernant la fiscalité, le capitalisme sauvage parasitaire financier pouvait exercer sur chaque État un odieux chantage en menaçant de se délocaliser vers les États voisins. Les pays membres de l’UE se livraient aussitôt à une concurrence fiscale déloyale, certains d’entre eux, comme le Luxembourg et l’Irlande, et aussi la Belgique, s’étant constitués comme des « paradis fiscaux » vivant grassement et se développant grâce à l’impôt détourné massivement par les multinationales invitées chez eux pour un traitement de faveur. Pendant toutes ces années, les autres peuples pillés légalement, grâce à cette organisation mafieuse de l’UE, allaient se débattre dans le chômage de masses et le dépeçage de toutes leurs richesses nationales.
La France était la première concernée par ce chantage et la victime de la logique politique de l’UE qui protégeait, par ses règles, le renard dans le poulailler.
Concernant les revenus et le droit du travail, ceux-ci sont devenus les cibles privilégiées de l’échelon supranational. Les documents de cadrage incessant produits par la Commission européenne, le prouvent clairement. Ils donnent des «lignes directrices pour l’emploi», pour «l’examen annuel de croissance». Il y a aussi des «recommandations du Conseil» rédigées chaque année dans le cadre du « Semestre européen ». Toutes les réformes du droit du travail qui ont été mises en place dans les pays membres, comme la loi « El Khomri » en France, ont été prescrites de façon détaillée dans ces documents.
Les services de santé ont été délabrés pour cette raison ultra libérale de rentabilité du capital et nous avons découvert à travers la crise du COVID-19, dans quel état pitoyable se trouvait l’hôpital et dans quelles conditions catastrophiques le personnel de santé devait travailler.
Les multinationales sont plus riches que les Etats. Le financement des politiques et de leurs acteurs se fait par les multinationales et le Pouvoir de la constellation bancaire. Ce financement doit être payé en retour par l’impôt prélevé sur les peuples. Les industriels européens (Table Ronde des Industriels européens) sont les vrais décideurs du programme du marché commun (CEE). Le financement de l’économie se fait habituellement par le vol des cotisations sociales placées en bourses. L’ISF a été aboli pour que les actionnaires (personnes morales en fiscalité) ne paient plus d’impôt sur la fortune et ne soient donc plus tentés, par la même occasion, de « fuir à l’étranger ». En cas de faillite, dégradation du triple A en zéro A, ce sont donc nos comptes en banques qui seraient saisis. La dette bancaire de 2008 était devenue une dette des Etats « pour sauver les banques » et puisqu’elle va fatalement se renouveler en 2020, cette nouvelle « crise » bancaire se transformera logiquement en dette, non plus des Etats, mais du peuple. Cette fois-ci, tout aura été volé de fond en combles.
Voilà la situation de pillage programmé sur la sueur du travail des masses populaires et les avoirs des classes moyennes. Les Gilets-jaunes ne faisaient que révéler et manifester extérieurement la réalité d’une hémorragie qui était déjà là à l’œuvre dans l’obscurité du système dont nous étions devenues les victimes d’abord largement abusées avant de devenir conscientes de cet abus.
2 – Dès octobre 2018, nous allions être des millions de Français à vouloir nous réapproprier la politique qui avait été prise en otage par le capitalisme sauvage représenté, lui, à son plus haut sommet, par les banques qui font élire les dirigeants, qui dictent les « constitutions » leur permettant ensuite de dicter les lois issues des « constitutions ». Nous avions enfin compris que les politiques ne rendent pas de comptes aux électeurs, ils rendent des comptes à ceux qui les ont financés, eux et leurs campagnes. Le peuple ne choisissait plus ceux qui le représentaient. Nous savions enfin clairement, grâce à Macron, que l’oligarchie financière choisit bel et bien ceux qui seront proposés au vote du peuple soit dans une liste de droite soit dans une liste de gauche. Toute liberté et toute responsabilité échappaient perpétuellement au peuple dépossédé de sa souveraineté.
Brissot déclarait dans un discours du 8 août 1791 : « Un Pouvoir délégué sans un autre qui le surveille et le contrôle, tend naturellement à violer le principe de sa délégation, et à transformer cette délégation en souveraineté ! »
L’Union Européenne, comme la monarchie républicaine française actuelle, se comportent tous deux très justement de cette manière dénoncée par Brissot…
Michel Onfray a proposé la création de parlements des idées, ouverts à tous, et organisés dans toutes les communes du pays ; il a également proposé de « décoloniser les Provinces » et aujourd’hui il a créé une revue de réflexion citoyenne nommée « Front populaire ». (Front Populaire, la revue de Michel Onfray et de tous les souverainistes. Réflexions et débats d’idées pour rebâtir notre monde et penser les « jours d’après ».)
La France insoumise a proposé les assemblées constituantes, partout sur le territoire national. Les Gilets jaunes avec l’aide de gens comme Etienne Chouard, allaient organiser de nombreux ateliers constituants à travers toute la France. Dans une saine démocratie, la loi n’est pas supérieure au peuple, elle est toujours relative au peuple qui commande à un Etat qui obéit. Dans le Traité européen qui nous sert de Constitution, l’insurrection est criminalisée et sévèrement condamnée.
Nos libertés s’étaient peu à peu diluées. Il fallait tout recommencer : les luttes sociales allaient reprendre le collier mais risquaient d’entraîner la colère des dominants qui choisissent traditionnellement la solution facile de faire massacrer les dominés… En effet, les violences judiciaires et policières contre les Gilets-jaunes allaient éclater spectaculairement sur toute la France livrée à l’abus de pouvoir.
Si le peuple accepte d’être gouverné par un Gouvernement, c’est dans la mesure où l’exercice de son service est encadré, limité, contrôlé par la Constitution que le peuple lui-même a rédigée et que lui seul peut modifier.
Dès qu’une représentation se permet de toucher ou de modifier, une Constitution, il n’est plus une représentation mais une usurpation, un délit de pouvoir, une forme de putschisme politique, un coup d’État juridique, illégal.
Depuis la loi Gayssot du 13 juillet 1990, jusqu’aux dernières sur les « fake news » de Macron en novembre 2018, et maintenant la loi Avia de mai 2020, concernant la répression de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux, cette liberté d’expression est devenue dérisoire en France.
Les citoyens peuvent être sévèrement condamnés pour un oui ou pour un non, au nom d’un soi-disant «discours de haine » ou «d’incitations à la haine raciale» ou «d’antisémitisme», alors que la Constitution française garantit la liberté d’expression. Mais c’est le Traité Européen qui la domine en la rendant caduque ! Aujourd’hui, en France, il est interdit de plaisanter, de rire, de faire de l’humour, de pratiquer l’auto dérision traditionnelle ou même la satyre.
Dans les « élites » politiques, il n’y a plus personne aujourd’hui en France qui pourrait prononcer cette parole attribuée traditionnellement à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire librement. » Cette liberté est devenue impensable en France ! Comment en est-on arrivé là ?
Ce que constataient les Gilets-jaunes qui représentent une moyenne de 70% des Français, c’est qu’il y a des sens interdits de tous les côtés. Quelle que soit la direction dans laquelle les citoyens se tournent, toutes les routes, tous les chemins, toutes les voies, tous les sentiers sont barrés par des sens interdits européens. Les initiatives sont bloquées, les entreprises détruites, le travail est marchandisé, c’est-à-dire transformé en emploi, les humains sont « employés », utilisés comme des objets à vendre ; ils doivent d’ailleurs apprendre à bien se « vendre » sur le marché de l’emploi ! La loi du profit limite toute volonté de vivre décemment et librement.
Depuis la crise du Covid-19, et le massacre du « confinement radicalisé policier », le désastre économique et le chômage de masse sont là. Les règles ont été perverties, la vie a été ouvertement interdite et seule la survie dans la terreur est restée une solution autorisée tout en étant inacceptable.
Bruxelles continue d’imposer ses règles intransigeantes au bénéfice des grandes entreprises transnationales qui ont tous les droits. Les lobbies règnent en maîtres et imposent leur tyrannie, notamment le lobby pharmaceutique qui se cache derrière le lynchage médiatique actuel du Pr Raoult. Les citoyens comprennent clairement qu’ils doivent se soumettre et se taire : tout leur a été volé. Il s’agit maintenant pour eux de se réapproprier leur souveraineté et le politique.
George Orwell écrit dans 1984 : «Pour que les grands gardent perpétuellement leurs places, la condition mentale dominante doit être la folie dirigée.» (P.307)
Philippe Séguin, avec la pensée et l’action duquel nous avions le droit de ne pas toujours être d’accord, disait le 05 mai 1992, dans son célèbre discours à l’Assemblée nationale française que:
« Aucune assemblée n’a compétence pour se dessaisir de son pouvoir législatif par une loi d’habilitation générale dépourvue de toute condition précise quant à sa durée et à sa finalité. À fortiori, aucune assemblée ne peut déléguer un pouvoir qu’elle n’exerce qu’au nom du peuple. »
«Tout traité contraire à la Constitution est nul», disait-il.
Le problème qui est celui du peuple, c’est la dépossession du politique par des Constitutions qui n’en sont pas. Les marchands, les financiers, les spéculateurs se sont emparés du pouvoir en écrivant les lois à la place du peuple. Ils ont donc rédigés les lois en vertu de leurs intérêts marchands, contre ceux du peuple dépossédé de sa souveraineté constitutionnelle. De fausses constitutions ont remplacé la Constitution.
Le principe du vote tel qu’il est imaginé actuellement dans tous les pays occidentaux, est foncièrement infantilisant: les citoyens sont, par le vote, tenus à l’écart de toute responsabilité. Le citoyen fait de l’élu, un homme de pouvoir ayant le droit de le tyranniser durant toute la période d’exercice de son mandat. C’est l’élu qui détient toute la responsabilité du politique pendant que le citoyen en est dépouillé. L’institution du vote telle qu’elle existe chez nous, infantilise le citoyen, le déresponsabilise, et donc le décourage de toute implication politique.
Nous ne disposons plus d’aucune souveraineté politique à partir du moment où nous avons accepté de perdre la souveraineté monétaire. En France, cette capacité à fabriquer sa propre monnaie a été abandonnée le jour où l’Union Européenne a décidé de passer de la monnaie commune (l’écu) à la monnaie unique (l’euro) et de créer les fondations de la BCE. Le 1er juin 1998, la Banque centrale européenne prenait la place de l’Institut monétaire européen. Six mois plus tard, le 1er janvier 1999, onze États membres (sur les 15 qui composaient alors l’Union européenne) intégraient la troisième phase de ce projet de monnaie unique et acceptaient la fixation irrévocable des taux de conversion de leurs monnaies. La zone euro était en place et la souveraineté des peuples irrévocablement perdue.
Ce qui anime les Gilets-jaunes encore aujourd’hui après le confinement, constitue une menace extrême pour ce pouvoir des dominants de l’oligarchie européenne. La revendication du RIC est pire que le FREXIT lui-même. Car c’est toute la mécanique souterraine de la fabrication de l’UE telle qu’elle est qui est fondamentalement remise en cause par cette volonté de réappropriation de la souveraineté du peuple et de la politique… Voilà le cauchemar absolu pour les prédateurs de l’UE au pouvoir partout en Europe. Mais Macron a été placé là où il se trouve par la volonté du capitalisme sauvage ultra libéral au pouvoir en Europe: il a donc des obligations vis-à-vis de ses parrains. Ce qui veut dire qu’il ne peut pas faire autrement que de pratiquer la répression à haute dose.
Jean-Yves Jézéquel
à suivre
Première partie : France: Requiem en Ré mineur pour une liberté défunte
Deuxième partie : France: Requiem en Ré mineur pour une liberté défunte. 2ème Partie
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