Par Alexandre Lemoine pour Observateur-Continental
La situation dans le nord-ouest de la Syrie pourrait sérieusement s’aggraver dans les jours à venir. Comme le rapporte l’agence Bloomberg se référant à ses sources du gouvernement turc, Ankara y projette plusieurs milliers de combattants supplémentaires et des centaines d’armements. En même temps a été rapportée la préparation d’une grande offensive sur Idlib par l’armée gouvernementale syrienne.
Malgré les bombardements intenses du sud de la province syrienne d’Idlib, Ankara a tout de même réussi à projeter dans cette région des dizaines de ses chars, actuellement déployés le long de la route M4 entre les villes d’Ariha et de Muhambel, tout en rapportant la présence de blindés légers.
Selon Bloomberg, le président turc Recep Tayyip Erdogan a envoyé des troupes en Syrie pour avoir un atout pendant sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine à Sotchi le 29 septembre. Ces pourparlers devraient porter essentiellement sur le règlement du problème d’Idlib. Les journalistes américaines disent qu’il sera difficile pour les parties de trouver un compromis.
Les intérêts de Moscou et d’Ankara sont diamétralement opposés à Idlib. La Russie veut aider Bachar al-Assad à débarrasser la province des combattants et à reprendre son contrôle. Or cette situation ne convient pas à Ankara. Recep Erdogan cherche à maintenir la présence militaire et l’influence sur la Syrie, mais il craint une vague de réfugiés qui inonderait inévitablement les régions frontalières de la Turquie avec le début des activités militaires. Ce qui affecterait sa cote de popularité. D’après Bloomberg, l’objectif principal de la projection des forces turques à Idlib consiste à forcer Damas à renoncer à une vaste offensive.
Les médias parlent de cette opération depuis plusieurs jours. De grandes unités sont envoyées depuis plus d’un mois à la frontière de la province, les sites terroristes sont régulièrement attaqués. L’aviation russe s’est nettement activée ces dernières semaines en attaquant presque tous les jours des cibles à Idlib. Ainsi, en milieu de semaine, des bombes ont été lancées sur sept sites à la fois dans la commune de Benin. C’est probablement la raison pour laquelle les Turcs ont déployé mi-septembre des systèmes antiaériens MIM-23 dans la province?
Cependant, ni Moscou ni Damas n’ont encore annoncé la préparation d’un assaut. Sachant que le ministère russe de la Défense rapporte que les combattants des organisations terroristes retranchés à Idlib ont commencé à attaquer plus souvent les positions des forces gouvernementales et la population civile.
Alors que Damas insiste sur le fait que la projection du contingent turc supplémentaire à Idlib ne fera que persuader les combattants de leur impunité.
« J’estime que la Turquie doit immédiatement retirer ses troupes, a déclaré le ministre syrien des Affaires étrangères Faisal Miqdad. La communauté internationale, de son côté, doit soutenir nos efforts pour libérer les territoires au nord du pays. La raison principale de l’escalade à Idlib, c’est l’occupation turque et le soutien apporté aux groupes terroristes par Ankara. »
Idlib est aujourd’hui la province la plus problématique de la Syrie, où s’affrontent les intérêts de plusieurs acteurs à la fois. La province représente un « feuilleté » de militaires turcs, de groupes extrémistes contrôlés par Ankara, de bandes terroristes « libres » opposés à tous et d’unités syriennes qui cherchent à rétablir l’ordre dans le pays avec le soutien de l’aviation russe.
Les forces syriennes ont lancé, en hiver-printemps 2020, une vaste offensive, ont libéré plus de 26 communes, 320 km² du territoire du pays. Fin janvier déjà l’armée syrienne a occupé la ville de Maarat al-Nouman dans le sud-est en prenant le contrôle de la route stratégique Hama-Alep. Et le 5 février, l’armée est entrée dans la commune stratégique de Saraqeb au croisement des routes Alep-Hama et Alep-Lattaquié.
Ce qui a suscité la colère d’Ankara, qui a exigé de Damas de retirer les troupes aux positions occupées avant l’offensive. Cette fois, la Syrie n’a pas réagi, et la Turquie a commencé à agir. Ses unités ont attaqué avec des combattants proturcs les positions de l’armée syrienne sur tout le front. Le 27 février, l’aviation syrienne a riposté par une frappe contre un convoi militaire faisant 33 morts parmi les soldats et les officiers turcs. Après cet incident, Ankara a lancé l’opération Bouclier de printemps engageant des forces supplémentaires. Les Syriens se sont retirés de plusieurs communes. Les drones d’attaque Bayraktar TB-2, devenus célèbres précisément à cette époque, ont été largement utilisés dans les combats.
La situation s’est stabilisée en partie le 5 mars, quand les présidents de la Russie et de la Turquie sont convenus d’une trêve à Moscou. Ils se sont entendus sur la cessation des activités militaires, le retrait des troupes et la création d’un corridor de sécurité le long de la route M4 Lattaquié-Alep. Ils ont également organisé des patrouilles conjointes dans cette zone.
De plus, la Turquie a promis de lutter contre les extrémistes dans la province. Cependant, les combattants ont continué, bien que plus rarement, de commettre des attaques, notamment dans le corridor de sécurité. Ainsi, en juin dernier, ils ont fait exploser une mine sur le chemin d’une patrouille conjointe sur la route M4. Un véhicule blindé de transport de troupes russe BTR-82A a été endommagé, sans victimes, heureusement.
L’allié principal d’Ankara dans la province est ce qu’on appelle l’Armée nationale syrienne (ANS). Il s’agit d’une entité assez hétéroclite composée de plusieurs groupes, dont la plupart sont considérés comme terroristes par Moscou et Damas. Par exemple, au sein de l’ANS existe la Division al-Hamza. Ses combattants font la guerre depuis 2013.
Elle était toujours soutenue financièrement et matériellement par les États-Unis et la Turquie, et son chef, l’officier du renseignement turc MIT Seif Abou Bakr, a été pendant des années un agent secret d’Ankara dans l’État islamique. La Turquie a largement utilisé les services d’al-Hamza et d’autres extrémistes pendant l’opération Bouclier de l’Euphrate, en août 2016. Les combattants de cette « division » faisaient partie des premiers à entrer à Jarabulus et à Karkamis au nord du pays. Les radicaux étaient extrêmement cruels à l’époque envers les civils kurdes. En 2018, al-Hamza a participé à l’invasion turque d’Afrin dans le cadre de l’opération Rameau d’olivier, et en 2019-2020 elle soutenait les superviseurs d’Ankara lors des combats à Idlib.
De plus, il a été prouvé que les membres de ce groupe ont combattu au Haut-Karabakh en automne dernier du côté de l’Azerbaïdjan. Ils ont été projetés à Bakou par des avions turcs. Ce qui a été notamment confirmé par le président français Emmanuel Macron, rapportant qu’Ankara avait projeté au moins 300 radicaux en Azerbaïdjan. La collaboration entre la Turquie et des combattants à Idlib n’est plus un secret pour personne depuis longtemps. Et en l’absence d’Ankara, les Syriens auraient certainement libéré la province depuis longtemps.
À l’heure actuelle, la situation à Idlib est très grave sur fond d’exigences syriennes d’une évacuation immédiate de militaires syriens au vu de l’offensive qui se prépare contre cette région, sachant que de toute évidence la Turquie a l’intention également de faire face à la Russie, comme en témoigne le déploiement de la défense antiaérienne turque au sud de la ville d’Idlib.
On ignore comment se terminera cette nouvelle escalade dans le nord-ouest de la Syrie, mais il est certain que les pourparlers de Sotchi seront difficiles. Recep Erdogan est prêt à la confrontation et n’a pas l’intention de reculer. Comme en témoigne notamment sa récente déclaration à l’Assemblée générale des Nations unies qu’Ankara ne reconnaîtrait jamais la Crimée comme russe. Pas la déclaration la plus diplomatique avant sa rencontre avec Vladimir Poutine.
Alexandre Lemoine
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Timing parfait.
Ordo ab Chao, sur les starting-block.
– les fan’s de prophéties apocalyptiques, c’est le moment d’acheter du pop-corns.
-Rappel : La champignonesque 3°GM commence part un conflit ouvert entre turcs et Russes, puis le Moyen-Orient suivi de l’occident et pour finir au
monde entier.
Ps : La Turquie fait parti de l’OTAN, la Russie d’une alliance avec Iran et Chine.
…Et tout ce beau monde se prépare à en découdre ensemble.
https://www.wsws.org/fr/articles/2021/02/20/exer-f20.html
Toutes les armées du monde iront sombrer dans un gouffre sans fond qui se transformera en vortex de lumière faisant rejaillir les âmes perdues des soldats de papier à la source!
Compte tenu de la stratégie de la grande finance qui est depuis plus de deux siècles systématiquement à l’origine de tous les gros conflits qui ont jalonné depuis notre histoire, il faut une fois pour toutes essayer d’y voir plus clair que de façon instantanée et parcellaire, voire très partielle.
Cette pieuvre a jeté son dévolu sur Pékin tout en restant sur ses bases historiques campées sur Wall-Street et la City. Après avoir participé à désarticuler les deux ex empires français et britanniques par deux guerres mondiales, elle veut désormais assoir un Nouvel Ordre Mondial reposant sur les deux piliers représentés par l’Empire du Milieu et l’Empire US. Point à la ligne.
La Russie d’aujourd’hui constitue avec toutes les brimades qui lui sont infligées l’Allemagne d’avant 1945. En clair, un énorme détonateur. Rien de plus.
Forte d’avances technologiques indéniables dans des domaines comme celui des missiles et des anti missiles, cette dernière représente l’acteur idoine pour participer à la décomposition d’une Europe qui encore aujourd’hui représente quand même la première puissance économique au Monde. Il faut des prétextes pour que la boîte à gifles ne soit ouverte. Ankara en est un parmi d’autres, mais pas dans le sens que l’on veut nous faire croire au travers de pareils épisodes. Ankara marchera aux côtés de Moscou et de Téhéran en direction de l’ouest. Les uns pour des raisons de leadership religieux et les autres pour se créer un volant démographique en capacité de faire front à l’hégémonie du géant chinois qui pousse tranquillement ses pions depuis sa grande route de la soie. La dernière implication au Mali de Moscou est à ce titre assez significative.
L’Europe demeurant un maelström invertébré et aliéné aux USA, elle est en train de perdre la main sur le continent africain tout en manifestant des provocations à l’égard de leur voisin orthodoxe sur des territoires comme l’Ukraine. Stupide et dangereux. Fillon a été écarté de la course à l’Elysée parce qu’il s’inscrivait en faux sur cette stratégie, c’est dire à quel degré de manipulation et d’asservissement que la grande Rex Publique ultra plus jacobine est tombée. Une France émasculée n’est pas le meilleur gage pour la pérennisation d’une civilisation européenne. Ce ne sont pas des gesticulations zémouriennes sous le contrôle du robinet financier de la banque Rothschild qui constitueront un quelconque déclic salvateur, au contraire.
Ordo ab chao, peut-être mais avec un Erdo-gan ou Erdo-win à tous les coups.
Salut Sully 🙂
Donc si je te comprends bien, à terme le Erdogan se rangerait du côté de Poutine ?
Il joue à quoi alors en ce moment*, j’ai un peu mal à suivre ?
(*) Il troll l’OTAN ?
Et j’aimerai comprendre.
Akasha.
Historiquement cela n’a pas de sens.
Politiquement, Herdogan joue sur tous les tableaux. Mais au final, il rêve(comme bien des politicards turcs) d’un empire Ottoman conquérant retrouvant sa gloire et ses anciennes frontières. De plus les Ottomans ont une fâcheuse habitude à vouloir toujours remonter vers le nord…
Sans oublier que Constantinople fut la capitale du chrétien d’orient dit orthodoxe.
Un peu d’histoire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte-Sophie_(Constantinople)
Erdogan ou pas, la Turquie occupe un espace très particulier. La logique découlant de la stratégie du NOM entraînera IMMANQUABLEMENT cette dernière puissance régionale à profiter du moindre mouvement lui permettant d’enclencher une reconquête en direction, non pas du nord ( faut être de mauvaise foi pour nous sortir une telle connerie) mais bien vers le Maghreb et sa rive opposée du sud de l’Europe. Evident !