Ukraine – La mort du fils d’un ennemi de Kolomoïski fait craindre l’éclatement d’une vendetta

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Christelle Néant pour Donbass-Insider

Le 5 janvier 2021, le fils de l’homme d’affaires Guennady Korban, un ancien allié devenu ennemi d’Igor Kolomoïski, est mort dans ce qui semble être un accident de la route à Dnipropetrovsk, en Ukraine. Si pour l’instant la piste de l’accident est privilégiée, le fait que le père ait déjà failli être assassiné à deux reprises fait craindre l’éclatement d’une vendetta sanglante en cas de doutes sur la cause de la mort de son fils.

Guennady Korban est un homme d’affaires (investissant l’industrie de l’exploitation minière, et en particulier le pétrole et le gaz) et un politicien bien connu à Dnipropetrovsk où il a été le chef de cabinet de l’oligarque Igor Kolomoïski lorsque ce dernier était à la tête de l’administration régionale. Mais la guerre pour le pouvoir, l’argent et les sphères d’influence a transformé les deux alliés en ennemis.

En 2014, Korban se vantait d’avoir éradiqué toute opposition à l’Euromaïdan à Dnipropetrovsk, en ayant recours à des méthodes illégales.

« Quand nous sommes arrivés au pouvoir ici [à Dnipropetrovsk – NDLR], la première chose que nous avons faite a été de supprimer toute résistance pro-russe, tout sentiment pro-russe… Légalement ou illégalement, mais nous l’avons fait », a déclaré M. Korban.

Il avait également reconnu que le groupe de Kolomoïski était responsable du massacre de la chambre des syndicats d’Odessa le 2 mai 2014.

En 2015, le SBU l’a arrêté sous l’accusation de création d’une organisation criminelle, prise en otage d’un fonctionnaire ou d’un agent des forces de l’ordre (pour l’enlèvement du chef de l’Agence foncière d’État Sergueï Roudyk et du secrétaire du conseil municipal de Dnipropetrovsk, Alexandre Velitchko), de détournement de biens (vol d’argent venant du Fonds de défense nationale) et vol de véhicules. En 2016, après avoir été condamné à 1,5 an avec sursis pour l’enlèvement de Sergueï Roudyk (grâce à un accord conclu avec ce dernier), il a été autorisé à partir pour Israël, et un an plus tard, le bureau du procureur a abandonné les autres charges contre Korban pour manque de preuves, ce qui lui a permis de revenir en Ukraine.

Avant cela en 2006, puis 2010, Korban a été la cible de deux tentatives d’assassinat. La première fois sa voiture a été la cible de tirs, et la deuxième fois le café où il se trouvait à Dnipropetrovsk a explosé. Si les exécutants de la première tentative d’assassinat ont été arrêtés, le commanditaire n’a jamais été trouvé.

Dans ce contexte, la mort d’un des fils de Guennady Korban, Lev, a de quoi faire craindre un règlement de compte, même si pour l’instant tout semble indiquer un simple accident de la route.

D’après les informations dont on dispose pour l’instant, l’adolescent de 16 ans serait parti en buggy avec sa petite-amie le 5 janvier 2021. La mère de cette dernière ne la voyant pas rentrer, elle a appelé la police qui a lancé des recherches et retrouvé le corps des deux adolescents et le buggy, retourné sur le toit, dans la rivière Mokraya Sara.

La police suppose que les adolescents auraient perdu le contrôle du buggy au moment d’emprunter le pont qui surplombe la rivière, et qu’ils n’ont pas pu s’extraire du véhicule à cause des sangles de sécurité.

Si pour l’instant la thèse de l’accident semble privilégiée, d’autres pistes ne sont pas exclues, et font craindre une réaction en chaîne comme l’a souligné une source à la mairie de Dnipropetrovsk.

« Anxieux… tout le monde s’écrit… Tout le monde comprend ce qui pourrait commencer s’il y a ne serait-ce qu’une raison minime de douter qu’il ne s’agisse pas d’une tragédie accidentelle », a déclaré une source de la mairie de Dnipropetrovsk, dirigée par un autre ancien associé de Kolomoïski, Boris Filatov.

Des craintes de vendetta étayées par deux choses : les deux tentatives d’assassinat subies par Guennady Korban par le passé, et son conflit ouvert avec Igor Kolomoïski.

L’ancien député de la Rada, Oleg Tsariov, a souligné que le conflit entre Kolomoïski, Korban et Filatov avait atteint un point critique.

« La relation de Kolomoïski avec ses anciens camarades, avec Korban et Filatov, est arrivée jusqu’au point où Korban paie des procès aux États-Unis, où Igor Kolomoïski doit être condamné en tant que chef de la mafia ukrainienne. Ce procès se déroule dans l’État du Delaware. La confrontation a atteint un tel niveau que je ne sais même pas comment ils vont pouvoir aller plus loin. Et la seule chose qui les empêche de se salir mutuellement est le fait que Korban et Filatov, ainsi que Kolomoïski, se sont occupés du Boeing [le MH17 – NDLR]. Et si on commence à en parler, il faut aussi parler du Boeing. En fait, Korban y était plus impliqué, Kolomoïski a juste supervisé le tout », a affirmé Tsariov.

Mais Kolomoïski n’est pas le seul ennemi sérieux de Guennady Korban, comme l’a souligné Zakhar Tchistiakov, un experts en relations publiques des conflits.

« Dans ce cas particulier, en supposant qu’il y ait des indices de conspiration, j’écarterais les motifs personnels et prêterais attention aux conflits dans le domaine de la redistribution des biens. En d’autres termes, j’irais enquêter sur les droits que Lev Guennadievitch avait dans certaines sociétés. Rappelons-nous l’année 2009, lorsque Guennady Korban a saisi les biens de Pavel Lazarenko et les a enregistrés sous le nom de Viatcheslav Braginski. Ce dernier est mort à la suite de l’explosion d’une station de distribution de gaz le 13 octobre 2009. Cependant, quelques jours auparavant, pratiquement tous les droits litigieux de Braginski dans les entreprises saisies avaient été réenregistrés dans les structures de Korban. Il convient également de rappeler le meurtre de Guennady Axelrod, un ami et partenaire de Guennady Korban, le 14 avril 2012. Là encore, toutes les théories de complot ont conduit au fait que tout cela s’est produit sur la base de conflits entre entreprises. Je serais donc très attentif à l’éventuelle redistribution des biens, sans pour autant nier d’autres facteurs déplorables », a déclaré Tchistiakov.

Reste maintenant à attendre les conclusions définitives de l’enquête pour savoir s’il s’agit d’un simple accident ou d’un assassinat maquillé en accident. Une option qui n’est pas à écarter quand on a en tête l’assassinat sordide du petit Alexandre Sobolev, trois ans, abattu dans les rues de Kiev en décembre 2019 sur fond de conflit de longue date entre son père et un ancien juge de la Cour suprême économique ukrainienne.

Christelle Néant

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