Pourquoi il est dans l’intérêt de la Russie d’intégrer aujourd’hui le Donbass

En 2014 lors du coup d’état du Maidan, nous étions scandalisés et horrifiés par les exactions en Ukraine, comme le massacre d’Odessa du 2 Mai 2014 et Kiev rechigne toujours, à traduire les responsables devant la justice. Nous étions tout aussi scandalisés du soutien à Kiev de l’inénarrable BHL, appelant de ses vœux à étouffer la rébellion. En 2020, 6 ans après, la situation ne s’est pas améliorée et les civils paient le prix fort, celui du sang, du régime néonazi de Kiev. On a d’autres chats à fouetter en France que de se préoccuper d’une région qui devient au fil du temps, une poudrière prête à exploser, on n’a plus d’avis sur la question ? On se demande même, pourquoi Vladimir Poutine n’intervient pas. S’il le faisait, ce serait donner à l’OTAN et à ses affidés, l’occasion de déclencher une guerre ouverte, ce qui ne serait bon pour personne. Pourtant, il faudra bien résoudre ce problème… Il n’y a pas pire qu’une guerre civile mais, comme le dit un ami « C’est loin l’Ukraine » . Partagez ! Volti

******

Karine Bechet-Golovko pour Russie Politic

Si la guerre en Ukraine est une guerre civile, les enjeux sont globaux. Le Donbass, qui a refusé le coup d’Etat du Maïdan en 2014 et est entré en rébellion, revendique son appartenance au monde russe. Juridiquement, son statut juridique est complexe, car la destruction de l’Etat ukrainien en 2014 pose la question de la sortie légitime du Donbass de son giron, au même titre que la Crimée. Mais si la Russie a réussi à prendre rapidement la décision politique d’intégration de la Crimée, la situation dans le Donbass s’éternise. La population et les dirigeants locaux n’envisagent pas de revenir dans le giron de Kiev, les présidents ukrainiens s’enchaînent et se ressemblent, pendant que les décisions sont prises ailleurs. Et la Russie ne se décide toujours pas à se décider – dans un sens ou dans l’autre. Des figures politiques se prononcent pour, quand Kozak, chargé par Poutine du conflit ukrainien en Russie, déclare que l’intégration du Donbass n’a jamais été pas officiellement discutée. Pendant ce temps, les populations civiles sont prises en otage. Pourtant, il est aujourd’hui dans l’intérêt stratégique de la Russie d’intégrer le Donbass.

Les déclarations concernant le conflit s’enchaînent dans un total désordre. Zelensky continue la rhétorique de Porochenko et attend (presque avec impatience) l’invasion russe, qui depuis tant d’années n’arrive pas et n’arrivera pas. Pas le moindre char russe à l’horizon, cela en devient indécent. Les dirigeants locaux, sentant les aspirations de la population de DNR et LNR, comprennent parfaitement que trop de sang à couler pour revenir vers Kiev, le divorce est consommé, mais ces régions étant objectivement incapables d’être autonomes, elles doivent attendre l’accord de la Russie. La Russie, de son côté, si elle fait certains pas prudents, notamment avec les passeports, n’est que dans la réaction, pas dans la décision stratégique.

En effet, des déclarations de personnalités politiques diverses et variées se prononcent pour une intégration du Donbass dans la Russie, surtout que la réforme constitutionnelle pourrait techniquement faciliter la chose (voir l’article de C. Néant à ce sujet ici), mais la question n’est pas technique, elle est politique et la Russie ne s’y résout pas.

Kozak, en charge du dossier ukrainien pour la Russie à la suite de Sourkov, a mis les points sur les i : 

« En ce qui concerne les différentes déclarations de personnalités politiques et d’organisations concernant la possibilité et les perspectives de l’intégration du Donbass dans la Fédération de Russie. C’est exclusivement l’opinion de leurs auteurs. Au niveau étatique, la question n’a jamais été envisagée en ces termes, même pour un avenir proche.« 

Autrement dit, la Russie est prête à aider le Donbass, la Russie joue sur la scène internationale la carte géopolitique du Donbass, mais la Russie n’est pas prête à prendre la décision politique d’intégration du Donbass, qui selon ces paroles de Kozak, n’est pas même envisagée. 

A priori, la Russie n’est effectivement en rien obligée d’intégrer le Donbass. C’est avant tout au Donbass de s’assumer et d’assumer les conséquences politiques des décisions qui ont été prises. Mais. Et il y a plusieurs mais.

Mais, l’Ukraine ne « joue » pas seule, elle est prise en main, militairement, par les Etats-Unis et l’OTAN. Donc, les forces ne sont pas égales si le Donbass n’est pas couvert par la Russie.

Mais, le Donbass s’est opposé à la volonté du monde globaliste de détruire le monde russe – afin de rendre ce monde global enfin global. Donc, le Donbass défend les intérêts stratégiques de la Russie. Et cela oblige.

La Russie semble refuser de prendre une décision stratégique concernant le Donbass et continue à réagir au cas par cas, par peur de ne pouvoir assumer les conséquences de cette décision et de mettre en danger l’équilibre intérieur du pays. Cette position semble pourtant faussée. 

Tout d’abord, si l’on laisse de côté toute considération morale, de toute manière la Russie est déjà entrée dans le jeu en soutenant politiquement, économiquement et sanitairement le Donbass. Donc, en refusant de prendre une décision stratégique et en se contentant de réagir, elle perd l’avantage de l’initiative.

Ensuite, si la minorité globaliste du pays est contre l’intégration du Donbass, une grande partie de la population, au contraire, la soutient, comme elle a massivement soutenu l’intégration de la Crimée, car à la différence d’une minorité post-moderne la population a dans son ensemble le sentiment du monde russe. Un sentiment presque physique. En ce sens, l’intégration du Donbass conduirait à resserrer un contrat social qui tend à s’effilocher sous l’effet destructeur des politiques néolibérales réactivées depuis 2016.

Enfin, si la peur d’une montée des sanctions n’est pas étrangère à cette politique de l’enlisement du conflit et de la négociation pour la négociation, elle n’est pas rationnelle. D’une part, de toute manière, sans cela, lorsque nécessaire, tous les prétextes sont bons pour de nouvelles sanctions contre la Russie (même oser parler d’une collusion entre la Russie et les talibans, qui a été démentie en vain). D’autre part, l’Occident est allé tellement loin, que sa marge de réaction dans le domaine est devenue très limitée. Le monde global l’oblige à devoir laisser une porte ouverte à tous, sinon il ne serra plus global et aura perdu. Sans compter que les interactions déjà existantes l’obligent à devoir préserver des relations avec la Russie, qui se retrouverait renforcée sur la scène internationale par cet acte.

Donc, les risques en cas de décision de rattachement du Donbass à la Russie sont minimes par rapport aux risques qu’entraîneraient un abandon, coulant, imperceptible, mais dont la tendance se révèle parfois.

PS: Il vaut mieux ne pas entrer dans un combat, que de ne pas le mener à son terme. Finalement, la Russie n’a plus beaucoup de choix, surtout avec la propagande menée à l’intérieur du pays sur tous les plateaux de TV. Il vaut mieux alors présenter un choix assumé, que de devoir de toute manière le faire contraint et contrit. Ce qui conduit à cumuler tous les inconvénients, et politiques et géopolitiques.

Source Russie-Politic

Les commentaires sont clos.