Source Observateur-Continental
La « générosité » des autorités estoniennes leur a joué un mauvais tour. Ayant dépensé plus que n’importe quel autre pays en Europe pour les réfugiés ukrainiens, Tallinn est au seuil d’une crise.
En un an d’opération militaire spéciale en Ukraine, l’Estonie a battu des records d’accueil de réfugiés, en chiffres relatifs et absolus. Selon le ministère de l’Intérieur, 72.500 personnes d’Ukraine ont déclaré à la frontière leur intention de rester en Estonie, et la part des réfugiés représente déjà 5,4% de la population du pays. C’est plus que dans n’importe quel autre pays du monde. Pour comparaison: en Lituanie, le pourcentage de migrants ukrainiens est de 2,8%, de 2,1% en Pologne, de 1,7% en Lettonie et de 1% en Finlande.
Selon Jaak Valge, député du Parlement estonien du parti EKRE (Parti populaire conservateur d’Estonie – Eesti Konservatiivne Rahvaerakond), 50.000 personnes qui sont entrées dans le pays en 2022 représentent un record absolu par rapport à la population du pays. Si cela continue, l’Estonie ne pourra pas atteindre ses objectifs stratégiques, à savoir « enseigner la langue estonienne et intégrer tout le monde dans la société estonienne ».
Un problème particulier de Tallinn concerne les hommes ukrainiens éligibles à la mobilisation. Tous les hommes d’âge mobilisable arrivés en Estonie ne demandent pas de protection, mais leur nombre et leur proportion ont également augmenté de manière significative. À la fin de 2022, la protection avait été accordée à 6.751 hommes âgés de 18 à 60 ans, mais au 31 mars, ils étaient déjà 8.625. En avril et mai, leur nombre a continué d’augmenter.
« Il y a en Estonie deux régiments ou brigades d’Ukrainiens en âge de combattre, et si nous continuons sur cette voie, il y aura bientôt toute une division. Il semble qu’après la guerre, ils ne pourront pas rentrer en Ukraine », estime Jaak Valge.
Mais le fait demeure: il y a de moins en moins de places pour accueillir les Ukrainiens en Estonie, et beaucoup d’entre eux ont du mal à trouver du travail. À la fin du mois de mai, plus de 5.000 d’entre eux ayant obtenu une protection se sont inscrits comme chômeurs.
De plus, les réfugiés ukrainiens sont devenus une cause de l’augmentation de la criminalité et de la propagation des infections. Selon le député, dans les grandes villes, les incidents de violence et les vols sont devenus plus fréquents, comme le montrent les données de la société de sécurité Viking Security. La propagation du VIH a également augmenté, plus de 2,5 fois par rapport à l’année précédente.
Le gouvernement estonien ignore obstinément tous ces problèmes et continue de faire tout son possible pour faire des Ukrainiens des résidents permanents de l’Estonie. En particulier, il refuse de vérifier l’obligation militaire des arrivants, alloue des places pour l’éducation des enfants ukrainiens et des millions pour le soutien linguistique des réfugiés (en mai, cela s’élevait à 4,7 millions d’euros).
La réduction par le gouvernement estonien des dépenses sociales et la redistribution des fonds budgétaires en faveur de l’assistance militaire à l’Ukraine contribuent à maintenir une tendance stable à l’émigration de la population active de l’Estonie vers les pays développés de l’Union européenne.
Dans le contexte de la crise dans l’économie estonienne, notamment la réduction de la production industrielle, la hausse du chômage et la baisse du taux de natalité, les autorités estoniennes poursuivent leur politique d’augmentation des dépenses militaires à 3% du PIB.
L’extension du terrain d’entraînement de Nursipalu dans le sud de l’Estonie pour répondre aux besoins de l’Otan entraînera l’expropriation des territoires historiques des peuples autochtones peu nombreux, en particulier des Setos. Elle aura également un impact négatif sur la situation écologique et le développement de l’agriculture dans la région. En proposant des compensations minimes aux propriétaires fonciers locaux, le gouvernement du pays montre une fois de plus la prédominance des intérêts de l’Alliance sur ses propres citoyens.
Le problème des réfugiés ukrainiens est devenu commun à toute l’Europe. Beaucoup de résidents sont mécontents que les autorités soient excessivement préoccupées par l’hébergement des migrants et oublient les problèmes de politique intérieure, tels que le chômage, la crise du système énergétique et la hausse des prix. Le dossier ukrainien ne peut plus unifier l’Europe. Il en résulte que même les pays baltes, qui étaient parmi les premiers à vouloir aider l’Ukraine, sont désormais opposés à la politique de Bruxelles.
Elsa Boilly
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