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Source Observateur-Continental
Ces dernières années, les relations entre la Turquie et les Etats-Unis se sont nettement aggravées. Immédiatement après la signature d’un contrat pour l’achat de systèmes antiaériens russes S-400 à hauteur de 2,5 milliards de dollars, la Maison blanche a cessé d’être « tendre » avec la Turquie et a soudainement annoncé l’impossibilité d’une production conjointe de chasseurs F-35.
Au total, selon les sources américaines, la Turquie devait recevoir au moins 22 F-35. Immédiatement après le scandale avec l’achat de S-400 russes, les Etats-Unis ont annulé l’autorisation d’achat de F-35, tandis que le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que la Turquie n’était pas un « Etat tribal » et ne craignait pas les sanctions américaines.
En août 2020, quand la tension concernant les F-35 s’était apaisée, la Turquie a annoncé la signature d’un nouveau contrat pour l’achat de S-400. A noter qu’en ce qui concerne l’achat de systèmes russes, les militaires américains et la Maison blanche ne sont pas simplement allés jusqu’au bout, ils ont également décidé de punir la Turquie et Recep Erdogan personnellement pour sa politique arbitraire. La machine américaine militaire et économique le fera en deux étapes.
La première étape est déjà mise en œuvre. En 2019, la sous-secrétaire américaine à la Défense Ellen Lord a déclaré que le Pentagone suspendrait la production de certaines composantes pour le F-35 sur le territoire turc. Le préjudice pour l’industrie turque est estimée à 9 milliards de dollars et à près de 35.000 emplois, cependant ces chiffres pourraient changer à terme. Mais le préjudice économique et le serrage de boulons à travers la pression sur les fabricants américains et canadiens de l’électronique, qui compose à pratiquement 100% le drone turc Bayraktar TB-2 – ce n’est pas tout.
Depuis le début le département d’Etat américain a déclaré qu’il serait impossible d’utiliser à la fois les S-400 russes et les F-35 américains. Ce n’est pas qu’il soit impossible de les intégrer dans un même système de commandement, mais les S-400 permettront aux Turcs de manipuler et de faire du chantage, car ils dévoileront les véritables capacités des chasseurs de 5e génération.
Au départ, il était prévu de répartir les chasseurs F-35 construits pour la Turquie entre les alliés de l’Otan. Mais les forces aériennes de l’Alliance sont déjà pressées par les engagements d’acheter de nouveaux appareils, c’est pourquoi il a été décidé de consulter les militaires américains. En réfléchissant bien, ils ont renoncé au lot supplémentaire de F-35 au profit… de la Grèce, un concurrent économique de longue date de la Turquie et un adversaire potentiel dans une future guerre. Ces dernières années, la Turquie cherche activement un prétexte pour faire parler d’elle. La tentative de s’ingérer dans le dossier syrien et de régler le problème avec les Kurdes, le soutien militaire de l’Azerbaïdjan et les querelles avec l’Otan prêtent à penser que l’armée turque cherche activement la bagarre.
Ces prétextes étaient déjà suffisants sans la Grèce, mais si auparavant les forces turques et grecques étaient inégales avec un avantage pour l’armée d’Erdogan, la situation s’est inversée aujourd’hui. Le litige autour de la mer d’Egée riche en hydrocarbures (et de l’espace aérien) pourrait conduire à une véritable guerre locale avec de graves conséquences. La Turquie dispose de navires et de missiles modernes, alors la Grèce possède désormais des F-35, grâce à la discorde entre le département d’Etat américain et Recep Erdogan.
Les Etats-Unis ont décidé de vendre des F-35, bien que la défense antiaérienne grecque dispose encore de S-300 russes, et il est fort probable que dans quelques années les Grecs voudront renouveler leurs systèmes antiaériens. Ils devront alors faire un choix entre l’amitié avec les Etats-Unis et les avions modernes, et le parapluie antiaérien de S-400.
La troisième guerre gréco-turque, si elle se déclenchait, apporterait des réponses à bien des questions, notamment concernant l’efficacité de la machine de guerre turque en tant qu’instrument pour atteindre ses objectifs. Mais il existe également des complications.
Il y a encore 20 ans, une guerre entre des pays de l’Otan était impensable. Cependant, si la Turquie et la Grèce s’affrontaient dans une bataille inégale, l’Alliance devrait éliminer les attaquants, car toute agression contre un membre de l’Alliance nécessite une réaction immédiate. La Grèce ne projette pas d’attaquer d’autres pays (du moins la Grèce ne s’ingère pas en Syrie et ne soutient pas d’autres Etats militairement ou financièrement), c’est pourquoi c’est la Turquie qui serait l’agresseur dans cette guerre. Etant donné que des avions turcs pénètrent régulièrement dans l’espace aérien de la Grèce, les Etats-Unis pourraient considérer un tel comportement comme une tentative de provoquer la guerre.
Les experts et les concepteurs de systèmes antiaériens s’entendent à dire que l’agression contre la Grèce pourrait être la dernière pour la Turquie aussi bien dans le sens financier que politique, militaire et économique. Le pays n’a pas beaucoup d’alliés et de supporters, sachant qu’il pourrait être privé d’armements modernes d’ici deux ans.
Alexandre Lemoine
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