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Par Alexandre Lemoine pour Observateur-Continental
La présidence de Donald Trump se distingue par un net refroidissement dans les relations entre les Etats-Unis et l’UE. La plupart des analystes européens pensent que dans l’approche de l’administration américaine actuelle envers l’UE réside une base destructive parce qu’elle part du principe que l’intégration européenne est dirigée contre les Etats-Unis, et c’est pourquoi les « Etats d’Europe désunis » correspondent à leurs intérêts stratégiques.
Cela signifie qu’aujourd’hui les Etats-Unis préfèrent construire des relations bilatérales privilégiées avec les pays en fonction de la conjoncture géopolitique, régionale ou nationale d’un pays concret. Comme le montre clairement le soutien américain du Brexit.
Les signes de la complication sans précédent des liens et des interactions transatlantiques sont suffisamment nombreux. Comme l’a confirmé la visioconférence du 15 juin 2020 entre les ministres des Affaires étrangères des 27 pays membres de l’UE avec la participation du secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, dont les résultats ont été qualifiés par le quotidien Le Monde de « dialogue de sourds ».
Les approches des Etats-Unis et de l’UE divergent significativement quant à la lutte contre la pandémie de coronavirus. Contrairement à l’UE, qui considère le vaccin élaboré dans différents pays comme un « bien public mondial », les Etats-Unis cherchent à obtenir un accès exclusif à ce vaccin afin de monopoliser les possibilités de son utilisation dans le monde. Des tentatives ont été entreprises de racheter des projets de recherche même auprès des groupes pharmaceutiques européens aussi connus que Curevac. Donald Trump a ignoré les appels de différentes organisations internationales à revoir la position des Etats-Unis par rapport à la rupture des relations avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), exprimés notamment par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell.
Le projet de loi soumis par des sénateurs américains sur la protection de la sécurité énergétique européenne (Protecting Europe Energy Security Act) implique des « sanctions américaines dévastatrices » contre tous ceux qui sont liés d’une manière ou d’une autre à la construction du gazoduc Nord Stream 2. En cas d’adoption de cette loi les sanctions affecteront plus de 120 compagnies dans 12 pays européens. Ainsi que les ports, les compagnies juridiques et d’assurance. De plus, il est prévu qu’en cas de finalisation de la construction du gazoduc les sanctions soient également élargies aux organisations spécialisées qui le certifient.
La réaction de l’UE ne s’est pas fait attendre. La chancelière allemande Angela Merkel a parlé au parlement le 1er juillet 2020 de l’illégalité de sanctions extraterritoriales contre le Nord Stream 2. Sa déclaration prend une signification particulière étant donné qu’elle a coïncidé avec le début de la présidence allemande au Conseil de l’UE pour les six prochains mois.
La divergence des positions sur l’Iran a été un facteur conflictogène de poids dans les relations euro-américaines. La France, l’Allemagne et même le Royaume-Uni, le plus proche allié des Etats-Unis, se sont opposés à l’adoption de nouvelles sanctions américaines contre l’Iran, en affichant directement leur désaccord avec la disposition des Etats-Unis à annuler l’accord nucléaire sur l’Iran.
Les différends se sont nettement intensifiés dans le triangle géopolitique Etats-Unis-UE-Otan. Comme en témoigne notamment le diagnostic de « mort cérébrale » fixé par le président français Emmanuel Macron à l’Otan, où les Etats-Unis jouent un rôle déterminant. Vu que les multiples exigences de Donald Trump de doubler la cotisation allemande au budget de l’Otan ont été ignorées, il a décidé de réduire le contingent américain en Allemagne de 9.500 hommes sous prétexte que les Etats-Unis assument un fardeau excessif dans la garantie de la sécurité de l’Allemagne.
Avec toute son imprévisibilité, Donald Trump mène systématiquement sa propre ligne par rapport au partenariat militaro-politique transatlantique. Il y a trente ans déjà, en soutenant dans la presse un candidat à la présidence des Etats-Unis, Donald Trump critiquait le fait que les ressources américaines servent à défendre les riches pays alliés qui n’investissent pas suffisamment dans leur propre défense, et qui se retrouvent gagnants au final, et pas Washington. C’est pourquoi, selon lui, les Etats-Unis ne devaient pas assumer le fardeau d’un ordre mondial qui serait seulement dans l’intérêt d’autres Etats, même si ce sont des alliés des Etats-Unis.
A noter qu’en réponse à la proposition du gouvernement polonais de créer sur son territoire une base militaire américaine à part entière avec le contingent américain retiré d’Allemagne, le président américain a invité son homologue polonais Andrzej Duda en visite aux Etats-Unis à quelques jours de la présidentielle. L’ingérence des Etats-Unis en été 2020dans la campagne électorale d’un membre de l’UE était aussi flagrante que désinvolte. Sans parler du fait que c’était un message pour Angela Merkel, un rappel qu’elle avait refusé de se rendre au sommet du G7 en juin à Washington.
Des politologues français dans leur projet intitulé « Fin du leadership américain? L’état du monde 2020 » ont exprimé leur certitude que « sur le plan militaire, l’UE devrait se débarrasser de l’illusion du parapluie américain en assumant sa propre défense collective. L’éloignement stratégique des Etats-Unis (de l’Europe) s’inscrit dans la perspective à long terme. En conséquence, la dépendance de l’Otan pourrait devenir une menace pour la sécurité sur le continent ».
En même temps, il serait exagéré de parler de « la fin de l’histoire » du partenariat transatlantique. Les liens d’alliés entre l’UE et les Etats-Unis qui ont fait leurs preuves et basés sur des priorités communes ou coïncidentes en termes de valeurs, de vision du monde, de politique ou d’économie, sont mis à l’épreuve aujourd’hui par les menaces internationales et les initiatives douloureuses pour l’UE émanant de l’administration américaine. Le format de leurs relations au fur et à mesure que les intérêts des parties divergent change ou se modifie, mais les choses n’iront certainement pas jusqu’au retrait des Etats-Unis du partenariat transatlantique.
Alexandre Lemoine
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Source Observateur-Continental