A l’occasion de la pandémie, c’est la dystopie qui s’installe

On réfléchit à après, en tenant compte de ce qu’il se passe maintenant, car c’est grave. Parce que tout dépendra de notre capacité à refuser leur système mortifère. Partagez ! Volti

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Par Michel Lepesant (son blog Décroissance Où va-t-on auteur de Décroissances, où va-t-on ?, aux éditions Utopia, 2013. ) via REPORTERRE

« Ce qui est en train de se passer est une expérimentation totalitaire dans laquelle la fin affichée – “sauver des vies” – justifie tous les moyens », écrit l’auteur de cette tribune. Alors que le confinement dure et que la pandémie perdure, ce qui vient n’est « ni l’insurrection ni la grève générale, c’est une dystopie ».

Une analyse superficiellement écologiste pourrait trouver dans cette pandémie des raisons d’espérer : réduction des transports inutiles (tout particulièrement aériens), prévision d’un ralentissement de la croissance et donc prévision d’une baisse des pollutions (par exemple, la chute de l’activité en Chine a diminué en février les émissions de gaz à effet de serre de l’équivalent de la production annuelle des Pays-Bas)…

Une analyse superficiellement critique pourrait même se réjouir que le confinement va donner à chacun le temps et l’occasion de se poser la question du sens réel de la vie qualifiée « auparavant » d’ordinaire, au point peut-être de se mettre à espérer déboucher sur une critique réveillée du consumérisme quotidien : rien de plus bizarre aujourd’hui que de consacrer quelques minutes à regarder des publicités télévisées dont les contenus si peu « essentiels » sont si évidemment en décalage avec la situation vécue.

On pourrait même croire, à écouter par exemple Sibeth Ndiaye évoquer « un changement de paradigme », que ces temps de crise sont en train de fournir la preuve « par le fait » qu’un changement de cap est possible. Mais quand le premier exemple concret qu’elle fournit est celui d’une relocalisation de l’industrie automobile des pièces détachées, comment ne pas penser qu’on part de très loin… et qu’aucun horizon d’utopie ne semble en réalité se profiler.

Ce qui est en train de se passer est une expérimentation totalitaire

Tout au contraire, ce qui vient n’est ni l’insurrection ni la grève générale, c’est une dystopie. Au 19e siècle, les socialistes les plus utopiques voyaient dans les expérimentations minoritaires les semences de la transformation sociale.
Mais ce qui est en train de se passer est une expérimentation ni minoritaire, ni majoritaire, mais totalitaire, dans laquelle la fin affichée – « sauver des vies » – justifie tous les moyens. Quand on se souvient à quel point dans les temps précédents le gouvernement français a déjà fait preuve d’insensibilité, on peut s’attendre à ce que la suite lui donnera tout le temps d’accentuer sa violence économique, sociale et politique.

C’est la dystopie économique qui vient : trop tard pour réviser une politique antérieure (RGPP) qui aujourd’hui – par faute de moyens – détermine une stratégie d’improvisation. C’est même l’occasion, sinon l’aubaine, pour accélérer les processus de dématérialisation des activités : télétravail, téléconsultation, la culture en 1 clic, la web-école… Que penser d’une société qui maintient le « travail » tout en interdisant de partir en vacances ?

C’est l’occasion, sinon l’aubaine, d’accélérer les processus de dématérialisation des activités. pexels

La dystopie sociale s’installe sous le nom de « distanciation sociale », car c’est d’isolement individuel qu’il s’agit. Et en traitant aujourd’hui d’« imbéciles » les réfractaires au confinement, Castaner continue dans cette logique sociocidaire de la réduction de toute responsabilité à sa seule dimension individuelle que toutes les réformes récentes du gouvernement tentent d’imposer : de la réforme des retraites à celle des lycées, en passant par la réforme de l’assurance-chômage… Que penser surtout d’une société qui ne semble capable de penser le confinement que sur le modèle de l’emprisonnement (il va sans dire que c’est évidemment dans les lieux d’enfermement que les situations sont les plus inhumaines : prisons, Ehpad…) ?

La dystopie politique se renforce quand se multiplient ces listes qui inventorient les lieux, déplacements, activités, comportements autorisés : tout ce qui n’est pas permis devient interdit. Que penser d’une société dans laquelle cette inversion du permis et de l’interdit semble ne susciter aucun débat public ? Et après ?

Bien loin des scénarios d’effondrement ou de décroissance choisie, comment ne pas constater qu’après 2001, 2008, chaque crise a été l’occasion d’une accélération des formes les moins humanistes de la vie en commun ? Comment osent-ils ? Mais « ils » oseront. Et « nous » que ferons-nous ?

Après la crise, viendra le temps des factures. Qui peut croire qu’un seul gouvernement dans le monde en profitera pour imposer un prélèvement sur les plus grandes fortunes ? Par exemple, de façon « exceptionnelle », sur cinq ans, un prélèvement de 20 % sur les patrimoines au-delà d’un milliard d’euros : faisons au moins le calcul, histoire de rêver.

Mais qui peut croire qu’à l’occasion de la pandémie, c’est l’utopie qui viendra ? Et pourtant nous devons l’espérer.

Michel Lepesant

Voir :

Battons-nous pour une retraite inconditionnelle, pour tous et toutes

En 2018, on pouvait fabriquer 200 millions de masques par an en France

Pour limiter les pandémies, les humains doivent « décoloniser le monde »

AIDER REPORTERRE

8 Commentaires

  1. Salut Michel,

    « Dystopie… sauver des vies… »

    Ben, non, il s’agit de sauver des consommateurs, des entreprises, des circuits financiers ( dont les Bourses) et les Banksters& Co

    Les vies, tout le monde s’en fout.

    Ce sont des chiffres statistiques.

    Tant qu’ils ne nous concernent pas directement…

    Ce à quoi nous assistons actuellement, c’est une contraction.

    Un repliement.

    L’escargot se recroqueville dans sa coquille. Le pangolin et le hérisson se roulent en maboules.

    Et le grain de sable a la taille d’un virus.

    Pour autant, nous sommes tous Terriens (Terrestres ?).

    Et la question d’une gouvernance mondiale va se poser de façon primordiale et cruciale pour l’avenir de la majorité de l’humanité.

    Sera-ce une Tyrannie, une Aristocratie, une Démocratie ?

    Les survivants en décideront dans les vingt prochaines années….

    • « Et la question d’une gouvernance mondiale va se poser de façon primordiale et cruciale pour l’avenir de la majorité de l’humanité. »

      Oui, oui, la volonté d’une gouvernance mondiale date de des rose-croix, qui les premiers en ont fait un objectif exprimé. A moins que ce ne soit dans l’ancien testament, que la prédiction d’un contrôle des nations soit apparue en premier.
      Une vision finalement très ancienne promue par des apprentis-sorciers, vision aux effets calamiteux.

  2. C’est pour cela en effet qu’il parle de « la fin affichée », le prétexte fallacieux en fait. S’ils avaient vraiment voulu sauver des vies, il est certain qu’ils s’y seraient pris autrement !

    « « distanciation sociale », car c’est d’isolement individuel qu’il s’agit ». Oui, tout à fait. Continuez à vous occuper des personnes vulnérables, qu’ils disent… Ah oui ? Quand on ne peut pas visiter une maison de retraite ? Et nos anciens, il faudrait ne plus les voir ? On parle bien là d’isolement.
    Car même si on les voit, il faut parler plus fort, pas d’intimité, et en plus c’est fatiguant pour la voix.
    Des incohérences, on pourrait en faire un livre !
    Et maintenant, on en arrive à dire, lorsqu’on rencontre un voisin (à distance, on est d’accord): désolé, je n’ai pas le temps de vous parler, l’heure court et il me faut rentrer pour éviter une prune ! Charmant !

  3. grand merci à l’ auteur de cet article.
    Je viens d’ apprendre un nouveau mot de la langue française : dystopie !
    Je n’ ai pas encore très bien compris ce que ça signifie…
    ( en français moderne: Nique ta mère ??? )
    Déjà que c’ est pas évident de s’ y retrouver dans le bordel ambiant…mais, en plus, si il faut devenir grammairien ou parler 10 langues étrangères ! Ca se complique .

    • T’as lu 1984?
      Bien que Le Maître dans le haut château définie encore mieux la dystopie.

      Sinon un livre d’un homme au parcours surprenant, plus proche de la SF que de la dystopie au sens propre 😉

      Le successeur de Pierre , paru en 1999

      « Au siècle prochain, le monde occidental prive l’essentiel de sa population de la lumière du jour pour en faire des Larves, vivant dans des Cocons de métal, sortes de mini-studios entassés en gigantesques pyramides. Hormis quelques privilégiés, les humains enfermés n’interagissent plus — pour le travail, pour les rencontres, pour le sexe même — qu’au travers du réseau mondial. C’est dans cet univers qu’évoluent Calvin, jeune et naïf, mais promis par son intelligence à un destin exceptionnel, et la demi-douzaine de personnages qui l’entourent, qui presque tous vont se révéler tenir un rôle beaucoup plus important que ce qui était dit au départ. »

    • Bonjour, l’isolement auquel nous sommes soumis nous le temps d’ouvrir un dictionnaire, voici la définition qu’en donne le Larousse : la dystopie = Société imaginaire régie par un pouvoir totalitaire ou une idéologie néfaste, telle que la conçoit un auteur donné.

      Oui, nous sommes en train de passer dans une société totalitaire, n’en déplaise à ceux qui ne veulent pas le voir.
      Bon courage à tous les amis M.E.https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_bye.gif

  4. « La Stratégie du Choc ! »
    La dernière de Sylvano Trotta
    http://www.youtube.com/watch?v=bWVTj4FOW38
    Nous sommes gâtés : petit zoom sur le 11/09, retour sur la chloro, bon visionnage https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wink.gif

    • @ sagesse ….

      le rapport sur le 11 septembre donc Trotta faire de la pub ,,,, ils dise que ce rapport a et «  »peer reviewed » » en faite les DEUX personnes qui ont «  »peer reviewed » » ce rapport sont des copains de ceux qui faire partir de la rapport …. donc ce n’est pas de toute impartiale …. d’ailleurs , il y a bcp erreurs dans leur rapport …. mais bof , c’est pas la sujet …

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