Le « pire des oligarques » fait son grand retour en Ukraine..

La vérité finie toujours par émerger et la situation stagne. Merci à mon correspondant ! Partagez ! Volti

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Par Daniel Lazare pour Strategic Culture via Le Saker Francophone

Le New York Times n’est pas connu pour la finesse de son esprit, mais une interview récemment publiée avec le milliardaire ukrainien Ihor Kolomoisky n’était rien moins que désopilante. Un gros homme fonceur qui ne croit pas aux nuances de gris – sauf lorsqu’il s’agit de ses propres moustaches – Kolomoisky n’a pas hésité à invoquer l’hypocrisie du double jeu américain et à partager sa conviction qu’un rapprochement avec la Russie est le seul moyen pour l’Ukraine de se sortir de son marasme.

« Ils sont plus forts de toute façon », a-t-il déclaré à propos de Moscou. « Nous devons améliorer nos relations. Les gens veulent la paix, une bonne vie, ils ne veulent pas être en guerre. Et vous «  – c’est-à-dire les États-Unis –  » nous forcez à être en guerre et ne nous donnez même pas l’argent pour cela. »

Kolomoisky, au deuxième rang avec la barbouze blanche

Ce n’est pas ce que raconte le défilé de personnels du département d’État, qui témoigne devant le comité du renseignement de la Chambre, ces jours-ci. À l’unisson, ils s’accordent pour dire que la politique américaine est exemplaire, brillante et conçue pour aider la pauvre petite Ukraine à se remettre sur pied et à repousser l’agression russe. Pourtant, voici un oligarque ukrainien qui dit le contraire : que Washington utilise Kiev à ses propres fins et que, par comparaison, Moscou a bien meilleure allure.

« Vous ne nous prendrez pas tout », a déclaré Kolomoisky à propos de l’OTAN et de la candidature de longue date de l’Ukraine à l’adhésion. « Il ne sert à rien de perdre du temps en conversation creuses. Alors que la Russie aimerait nous proposer un nouveau pacte de Varsovie. »

Vient ensuite le coup de pied de l’âne : si Kiev finit par joindre ses forces à celles de Moscou, alors « les chars russes seront stationnés près de Cracovie et de Varsovie. Votre OTAN fera dans son froc et devra acheter des Pampers. »

Là où le stratège américano-polonais Zbigniew Brzezinski avait un jour conseillé d’utiliser une Ukraine soumise pour encercler la Russie, Kolomoisky avertissait maintenant que la Russie pourrait s’unir à l’Ukraine pour encercler la Pologne.

Ce qui rend tout ça d’autant plus extraordinaire, c’est que Kolomoisky n’est pas un acteur mineur, mais le pouvoir qui œuvre derrière le trône de Volodymyr Zelensky, de plus en plus assiégé.

Zelensky, bien sûr, est le comédien qui doit sa renommée à une chaîne de télévision appartenant à Kolomoisky, connue sous le nom de 1 + 1, et qui a ensuite utilisé son sitcom à succès, «Servant of the People» – une série racontant l’histoire d’un homme ordinaire, candidat à la présidence – pour lancer sa propre candidature à la présidentielle dans la vie réelle. Zelensky a fait campagne sur une plateforme anti-corruption, tout comme le fictif Zelensky à la télévision, et il a gagné facilement, tout comme il l’a fait à la télévision. La preuve que si Paris était la capitale du surréalisme dans les années 1930, Kiev a pris sa place aujourd’hui.

Le résultat est de rendre Zelensky doublement ou même triplement redevable à son ancien partenaire commercial Kolomoisky. Le New Yorker rapporte que Zelensky s’est rendu treize fois en avion privé à Genève et à Tel Aviv, où Kolomoisky a sa maison. Andriy Bohdan, l’avocat de Kolomoisky et actuellement chef de cabinet du président, aurait également voyagé sur bon nombre de ces vols. Selon la presse ukrainienne, onze membres de la faction parlementaire de Zelensky auraient accepté des pots-de-vin, allant jusqu’à 30 000 dollars, pour bloquer une mesure anti-corruption visant un allié de Kolomoisky, Anton Yatsenko.

Il y a ensuite Valeria Gontareva, ancienne directrice de la banque centrale d’Ukraine, que les partisans de Kolomoisky ont aidé à chasser de la ville en 2017. C’était après qu’elle se soit démenée pour obtenir le droit de contrôler une institution financière, connue sous le nom de PrivatBank, à laquelle Kolomoisky aurait pillé 5,5 milliards de dollars et qui aurait été réduite à l’insolvabilité. Après la prise de fonction de Zelensky en mai, une voiture a renversé Gontareva, âgée de 55 ans, alors qu’elle traversait une rue du centre de Londres, l’envoyant dans un fauteuil roulant. Après cela, quelqu’un a incendié la voiture de son fils à Kiev. Puis quelqu’un a incendié sa maison familiale.

«Une vengeance», c’est ainsi que Gontareva a qualifié les événements. Zelensky est resté de marbre alors que l’un de ses vieux copains de télé sur la chaîne d’1 + 1 régalait le public avec une chanson satirique sur une maison en train de brûler et une femme « pleurant à Londres ». Suggérant que les attaques étaient factices, Alexander Dubinsky, un membre de la faction parlementaire de Zelensky, a exhorté ses 130 000 adeptes de Facebook à lancer une campagne de courriers pour faire virer Gontareva de la London School of Economics, où elle est affiliée.

Tout cela suggère que Kolomoisky n’est pas du genre à pardonner, ou à oublier, et que Zelensky n’est pas du genre à le réprimander. Si oui, alors les commentaires de Kolomoisky sur les relations américano-ukrainiennes ne sont pas l’opinion d’un individu isolé, mais d’une faction importante de la classe dirigeante ukrainienne.

Il vaut la peine de garder cela à l’esprit, alors qu’un témoin après l’autre, dans la procédure de destitution de Donald Trump, cloue ce dernier au pilori pour avoir soi-disant porté atteinte à l’Ukraine. Selon les propos de Kolomoisky au NYT, ce n’est pas Trump qui est responsable du désastre ukrainien, mais des décennies de politique américaine. En injectant 5 milliards de dollars pour «assurer une Ukraine sûre, prospère et démocratique», comme s’exprimait l’ancienne directrice du Département d’État, Victoria – «Fuck the EU» – Nuland, les États-Unis ont déclenché une cascade d’événements catastrophiques. Ils ont encouragé le coup de l’Euromaidan de 2014 mené par les nazis, qui ont investi un État faible et l’ont rendu encore plus faible en provoquant une révolte concomitante dans l’est russophone. Ils ont viré un président pro-russe corrompu, nommé Viktor Ianoukovitch et fait venir le président pro-américain Petro Porochenko, qui pourrait avoir été encore pire. Maintenant, Zelensky a été mis en place, un type sympathique qui pourrait bien s’avérer le plus désastreux de tous car il semble n’être rien de plus qu’une marionnette pour un oligarque tellement scandaleux qu’il fait honte à tous les autres oligarques.

Ce n’est pas comme si les experts n’avaient pas été prévenus. En 2014, alors que le New York Times célébrait Kolomoisky comme un héros de la lutte contre l’antisémitisme, le quotidien libéral israélien Haaretz l’a décrit de manière beaucoup plus précise comme un chef de gangs brutal qui professe des insultes et des injures ; qui possède un énorme aquarium rempli de requins dans son bureau pour pouvoir y jeter des crevettes vivantes et observer comment ses visiteurs réagissent à la frénésie alimentaire qui en résulte, et qui a déjà été aperçu vêtu d’un t-shirt portant l’inscription «Zhidobandera» – une double insulte pour les juifs – «Zhid» est une insulte ethnique – et les nationalistes ukrainiens – appelés «Banderovtzi» par leurs opposants parce qu’ils vénèrent Stepan Bandera, collaborateur nazi de la Seconde Guerre mondiale.

Vladimir Poutine a émis un avertissement similaire à peu près au même moment. La malhonnêteté de Kolomoisky, a-t-il dit, était «unique».

« Il a même réussi à tromper notre oligarque Roman Abramovich il y a deux ou trois ans », a déclaré le président russe en parlant du propriétaire de l’équipe anglaise de football de Chelsea, ajoutant “Il a été arnaqué, comme nos intellectuels se plaisent à dire. Ils ont signé un accord, Abramovich a transféré plusieurs milliards de dollars, [à Kolomoisky] ce type n’a jamais rien livré et a empoché l’argent. Quand j’ai demandé à Abramovich : ‘Pourquoi l’avez-vous fait ?’, il a répondu ‘Je n’ai jamais pensé que cela était possible.’« 

Mais qui écoute Poutine ? Et qui est intéressé à lire Haaretz ? Si les Russes disaient que Kolomoisky était une crapule, le département d’État supposait qu’il devait être au contraire un type honnête. Mais maintenant qu’il s’avère être exactement ce que Poutine avait dit, les experts accusent Trump, Zelensky et la Russie – tout le monde et chacun, sauf eux-mêmes.

Daniel Lazare

Traduit par jj, relu par Kira pour le Saker Francophone

Note du Saker Francophone

Cet article a donné lieu à une analyse de nos amis de dedefensa.org sous le titre les "Pampers de l'OTAN".

Le Saker Francophone

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