Un risque de plus de voir le conflit en Ukraine s’étendre. L’interdiction par Kiev pour les minorités, d’avoir un enseignement dans leur langue maternelle. Partagez ! Volti.
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Christelle Néant pour DoniPress
Depuis l’adoption de la loi sur l’éducation en Ukraine, qui vise à interdire aux minorités du pays de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle, les relations entre Budapest et Kiev se tendent de plus en plus, et pourraient transformer la Transcarpatie en nouvelle zone de conflit.
Il y a un an, le parlement ukrainien votait cette loi sur l’éducation, qui stipule que l’enseignement ne doit plus se faire qu’en ukrainien à partie de la 5e classe. Or il y a de nombreuses minorités (et certaines sont plus que des « minorités ») en Ukraine qui parlent une toute autre langue maternelle que l’ukrainien. Russophones, Hongrois et Roumains, font partie de ces catégories de la population ukrainienne qui seront impactées par cette décision.
Suite à ce vote, la Hongrie avait menacé l’Ukraine de lui mettre des bâtons dans les roues vis-à-vis de l’Union Européenne et de l’OTAN, dont elle est membre.
Devant le risque que les ultra-nationalistes ukrainiens s’en prennent aux Hongrois comme ils le font avec les russophones depuis quatre ans, le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, avait même demandé à son état-major de mettre au point un plan d’intervention militaire en Transcarpatie pour protéger les Hongrois qui s’y trouvent si nécessaire. Faisant ainsi planer la menace d’un nouveau conflit en Ukraine, mais à l’Ouest du pays cette fois.
Après que Budapest a commencé à appliquer ses menaces en bloquant la convocation de l’Ukraine à un sommet de l’OTAN, Kiev avait fait mine de vouloir faire partiellement marche arrière pour calmer le jeu. Mais ce n’était que des promesses en l’air.
Devant les menaces croissantes contre les Hongrois en Ukraine, Budapest a annoncé qu’elle prenait la Transcarpatie sous sa protection, publiquement soutenu le fait que la région soit plus autonome et a accéléré la distribution de passeports hongrois aux habitants de la région. Actuellement, ce serait plus de 100 000 personnes qui auraient le passeport et la nationalité hongroise en Ukraine.
Kiev aurait dû écouter ce signal d’alarme et reculer. Mais il n’en fut rien. Les ultra-nationalistes ukrainiens ont été les premiers à provoquer, en menaçant les Hongrois et en allant arracher un drapeau hongrois en Transcarpatie fin 2017. L’incident diplomatique a été évité de justesse, la police n’intervenant que lorsque les ultra-nationalistes ont voulu mettre le feu au drapeau arraché.
La Hongrie avait alors réitéré ses menaces de bloquer toute tentative d’adhésion de l’Ukraine à l’Union Européenne.
Depuis, la situation ne s’est pas du tout améliorée. Résultat, à l’été 2018, le gouvernement hongrois a créé un poste de ministre de la Transcarpatie, qui serait responsable du développement de la région. Kiev avait alors demandé à Budapest de s’expliquer sur cette création de ministère, tout en déclarant publiquement être prête à envoyer l’armée en Transcarpatie.
Au lieu de calmer la situation, tout cela n’a fait que jeter de l’huile sur le feu. Résultat, un mois plus tard, ce ne sont plus des ultra-nationalistes, mais la police ukrainienne et le SBU qui se sont lancés dans une campagne d’arrachage de drapeaux hongrois en Transcarpatie.
La réponse des habitants de Moukatchevo a été simple : ils ont arraché un drapeau ukrainien. Devant l’escalade de la situation, Pavel Klimkine, ministre ukrainien des Affaires étrangères a déclaré que la Transcarpatie pouvait devenir un nouveau Donbass, avant d’accuser la Russie d’être responsable de l’exacerbation des tensions dans la région (tellement pratique d’accuser les autres de ce dont on est responsable soi-même, cela évite d’avoir à se regarder dans le miroir et faire son mea culpa).
Après la fuite d’une vidéo montrant la distribution de passeports hongrois dans le consulat situé à Beregovo en Transcarpatie, les ultra-nationalistes ukrainiens se sont mis à ficher les gens possédant la double nationalité hongroise et ukrainienne sur le site Mirotvorets.
Ce fichage les désigne dès lors comme ennemis de l’Ukraine et donc comme cibles potentielle pour tous les cinglés se revendiquant de l’idéologie de Stepan Bandera et de ses acolytes. Il faut rappeler que plusieurs personnes, dont Oles Bouzina, journaliste, ont été assassinées en Ukraineaprès que leurs données personnes aient été publiées sur ce site. Sans parler de toutes celles qui ont été agressées ou menacées de mort (voire qui ont eu un contrat mis sur leur tête comme le journaliste Graham Phillips)…
La Hongrie a décidé de contre-attaquer. Tout d’abord en dénonçant le fait que les services secrets ukrainiens aient filmé illégalement l’intérieur du consulat hongrois à Beregovo. Cette déclaration, a été faite en marge de l’assemblée générale de l’ONU par le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjártó. Pour lui il est évident qu’il s’agit d’une opération des services secrets ukrainiens.
« Mener des opérations de services secrets sur le territoire de missions diplomatiques d’autres pays est inacceptable, c’est contraire aux règles et lois écrites et non-écrites, et aux lois sur les relations bilatérales », a souligné le ministre.
De son point de vue la situation est simple et très claire : « L’Ukraine viole le droit international, en retirant leurs droits aux minorités nationales ».
Il a rappelé que lors des négociations sur les droits de la minorité hongroise, Kiev a fait des promesses, mais n’en a tenu aucune. Par exemple celle d’accorder plusieurs années de délai avant l’entrée en application de la fameuse loi sur l’enseignement, ou d’exclure les écoles privées du champ d’application de la loi.
« Nous voyons une campagne visant à semer la haine contre la population hongroise en Ukraine. La double citoyenneté est un phénomène courant en Europe. Beaucoup de pays permettent la double nationalité, » a-t-il conclu.
Et face aux menaces de Kiev d’expulser leur consul, les autorités de Budapest ont menacé de leur rendre la pareille, après une rencontre entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays à l’ONU.
« Mon collègue ukrainien m’a demandé si j’étais prêt à rappeler notre consul après l’incident [de la vidéo qui a fuité montrant la distribution de passeports hongrois en Transcarpatie], et je lui ai répondu que je n’avais aucune raison de le rappeler, puisqu’il n’avait rien fait qui violait la loi hongroise ou le droit international. Il a alors dit que l’Ukraine allait l’expulser. Je lui ai répondu, bien, mais cela ne restera pas sans réponse. J’expulserai un diplomate ukrainien du même niveau de Hongrie, » a déclaré Szijjártó.
Le ministre hongrois a aussi questionné la pertinence de vouloir amasser des troupes ukrainiennes près de la frontière avec la Hongrie, alors que le pays est membre de l’OTAN.
En un an, la situation diplomatique entre les deux pays s’est aggravée, comme on pouvait le craindre. Kiev étant incapable de faire marche arrière sans se mettre les ultra-nationalistes à dos, la situation risque de continuer à s’envenimer jusqu’à l’éclatement d’un deuxième conflit civil dans le pays.
Si un tel conflit éclate en Transcarpatie, alors l’Ukraine ira jusqu’au bout du processus d’éclatement qu’elle a commencé lorsqu’elle a déclenché le conflit dans le Donbass, et terminera comme la défunte Yougoslavie.
Christelle Néant pour DoniPress