La marmite norvégienne, la cuisson écolo qui ringardise le Thermomix

« Seuls les plus de 60 ans peuvent éventuellement s’en souvenir. « 

Source REPORTERRE

Sune cuisson de plus de cinq minutes. Je fais du riz simple, des soupes. J’ai adapté les plats que j’adore, comme le riz aux lentilles façon libanaise, pour les cuisiner avec », explique Marleine, récente utilisatrice. Sophie, elle, s’en sert pour cuire la ratatouille ou des pommes, et « même la pâtée pour mes chats ».

Encore confidentiel, ce système de cuisson existe pourtant depuis belle lurette. «Le principe de la MN remonte à la nuit des temps. À mon avis, dès qu’il y a eu des récipients en poterie pour cuire les aliments, on a commencé à chercher à en garder la chaleur hors du feu», estime Mireille Saimpaul, la grande spécialiste de la marmite norvégienne en France. Elle a créé le blog Marmite-norvegienne.com en 2011 et publié un ouvrage en 2013, deux bibles de la MN.

Douze minutes de gaz pour des plats qui devaient mijoter 1h30

Selon l’aliment, le temps d’ébullition préalable varie. 5 minutes suffisent pour la plupart des légumes, mais pour les viandes ou légumineuses, il faut compter 30 minutes d’ébullition sur le feu avant de placer le faitout dans la MN où il cuira lentement 2 à 3 heures. L’économie d’énergie reste indéniable. «J’étais dubitative au début, mais j’ai cuisiné avec seulement 12 minutes d’énergie (gaz) des plats qui devaient mijoter 1 h 30, voire plus!», se réjouit Domitille. «Selon les plats, on peut économiser au moins 50% de l’énergie», assure Mireille Saimpaul sur son site.

Les trois signataires d’une récente tribune publiée dans Le Monde en sont convaincus : «Utiliser une marmite norvégienne, c’est le moyen de faire des économies sans privation…» Pour eux, les marmites norvégiennes, comme le chauffage solaire thermique, devraient équiper toutes les cuisines, en particulier celles des personnes précaires. «Sachant que l’autoconstruction de ces marmites peut se faire en une à deux heures avec du matériel recyclé provenant des déchetteries, les acteurs de l’économie sociale et solidaire et de l’économie circulaire pourraient aider à déployer ces modes de cuisson.»

Pour isoler, on peut utiliser de la laine, des t-shirts troués, des mousses de récup et… des sachets de chips pour réfléchir le rayonnement de la chaleur!

C’est bien par souci d’économie que Marleine est passée à l’action il y a deux mois : «Je suis allée faire recharger ma bouteille de gaz, elle avait pris cinq euros depuis la dernière fois. J’avais déjà vu des articles sur la marmite norvégienne. Ce jour-là, je l’ai mis en application.» Un carton, du papier journal, une couverture en laine, un drap en coton et un plaid pour fermer le tout… il ne lui a pas fallu plus pour fabriquer sa MN.

Panier à chat, corbeille, tissu… aucune marmite ne se ressemble

Avec un peu de temps et d’ingéniosité, tout le monde peut réussir. Certains recyclent un panier à chat ou une corbeille comme contenant, d’autres une vieille glacière ou simplement du tissu. À chacun sa marmite, aucune ne se ressemble. Domitille raconte l’avoir fabriquée à partir de tissus et d’une couverture qu’elle n’utilisait pas ou qui allaient être jetés. «Elle est un peu particulière et s’ouvre complètement pour se transformer en nappe pour être aussi utilisée pour les pique-nique en été, avec un pain de glace pour conserver les aliments!» Céline, qui recourt à ce procédé depuis environ six mois et en fabrique pour ses proches, les réalise à partir de tissu d’ameublement et les garnit de laine de mouton. Quant à Alexandrine, elle a investi il y a dix ans dans un joli panier, solide, avec des poignées. L’isolation est réalisée avec des mousses de récup’ et «des sachets de chips pour le côté réfléchissant».

La caisse est tapissée d’une couverture de survie, qui réfléchit la chaleur. Tuto Low-tech lab

«Il faut expérimenter. Comme pour toutes les low-tech, il faut un peu s’investir au départ pour comprendre comment ça marche et réussir à bien l’utiliser», souligne Benoît Bride, ingénieur en énergie et environnement, et créateur d’une société de conseil autour des technologies sobres et de la permaculture dans le Jura. Sa marmite norvégienne, il l’a fabriquée en bois et avec une forme octogonale qui s’adapte à toutes ses casseroles. Pour l’isolant, il a employé du polystyrène et des chutes des matériaux de rénovation de sa maison : ouate de cellulose, fibre de bois, liège.

Le test du film réfléchissant pour améliorer l’isolation

Le choix des matériaux est important. Benoît raconte sa «boulette» lors d’une première expérimentation. La couverture en polaire qu’il avait eu la mauvaise idée d’utiliser a fondu. L’air est aussi l’ennemi de la cuisson lente. «Il faut le moins d’espaces vides possible autour de la casserole pour éviter les ponts thermiques. C’est le même principe que dans le bâti», explique l’ingénieur. Récemment, il a voulu tester avec une sonde thermique si l’ajout d’un film réfléchissant les infrarouges pouvait améliorer l’isolation de son caisson. Pour cela, il a ajouté une couverture de survie en polyéthylène qui résiste à plus de 200 °C. Résultat concluant : «La chute initiale de température est beaucoup plus lente : pour passer de 98 °C à 85 °C, il faut près de 45 minutes, au lieu de 10 minutes sans la couverture.»

«Comme pour toutes les low-tech, il faut expérimenter»

Le maintien d’une température assez élevée est primordial. «On sait que les bactéries se développent préférentiellement à une température comprise entre 63 °C et 10 °C, écrit Mireille Saimpaul. Avec des ingrédients frais et de bonne provenance, si le plat ne reste pas plus de deux heures en MN, les bactéries ne risquent pas d’y trouver la bonne auberge.» Au-delà, une remise à ébullition est conseillée, surtout s’il s’agit de viande.

«L’anticipation pour nous libérer du temps dans une société de l’immédiateté»

Conquis, les utilisateurs de la marmite norvégienne ne relèvent pas de réel inconvénient, si ce n’est sa taille : une caisse en bois peut être encombrante en appartement, par exemple. C’était un inconvénient majeur pour Domitille, qui l’a résolu en fabriquant une MN souple en tissu, qu’elle peut ranger facilement.

Bien sûr, avoir une marmite norvégienne implique de s’organiser différemment, de mieux anticiper. Cette anticipation de la cuisson fait justement partie des changements de mode de vie «particulièrement souhaitables pour faire face à la crise écologique», selon les auteurs [1] de la tribune du Monde, car «elle nous apprend à nous libérer du temps dans une société de l’immédiateté». Enfin, la marmite norvégienne réhabiliterait aussi les aliments à cuisson longue, comme les légumineuses «qui nous permet[tent] d’obtenir l’apport en protéines nécessaire sans avoir à trop consommer de viande».

Pourquoi la marmite norvégienne s’appelle-t-elle ainsi?

La technique du caisson isotherme remonte à fort longtemps et n’est pas née en Norvège. Dans Histoire de cuire sans feu ou presque… La marmite norvégienne à travers les siècles (édité en 2015 et désormais accessible en version PDF), Mireille Saimpaul tente d’en retracer l’origine : «La tradition hébraïque rapporte qu’il existait déjà des astuces pour préserver la chaleur des plats cuisinés lors du Shabbat. Le plus souvent, on plaçait le récipient contenant le plat chaud dans un panier rempli de foin.» La pratique de la «caisse à foin» a perduré dans les campagnes. En anglais, la MN est désignée entre autres par hay box (boîte à foin) ou fireless cooker (cuiseur sans feu). C’est surtout en France qu’on utilise le terme «marmite norvégienne». Mireille Saimpaul l’explique : lors de l’Exposition universelle de 1867 à Paris furent exposées des «cuisinières automatiques norvégiennes» qui firent sensation. De là, est né le terme.

Source REPORTERRE

 

3 Commentaires

  1. C’est vrai que le mouton a les moyens. Pas la peine de lui donner des infos;

  2. Je l’avais faite il y a quelques années, et j’ai laissé tomber. Non pas pour le manque d’efficacité – c’est effectivement efficace – mais à cause de la place que ça me prenait. Il faut des casseroles avec manche amovible, sinon il faut une marmite trop grande. Et la poser sur quoi ?
    Il faudra que je pense à acheter une ou deux casseroles comme cela. Pour le reste, oui, c’est de l’imagination et des essais. https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_good.gif

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