On ne peut que constater la perversion du système qui pond des lois à la chaîne, sans les appliquer. On fait semblant d’agir avec quelques « exemples » qui sont bien vite libres. Quant aux lanceurs d’alerte, rien ne leur est épargné. En guise de protection et malgré une « loi »censée les protéger, tout est mis en œuvre pour les détruire socialement. Partagez ! Volti
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Auteur Jean-Baptiste Mendès pour Sputnik-News via Aphadolie
Il ne fait pas bon être lanceur d’alerte aujourd’hui. Geoffrey Livolsi et Mathias Destal auditionnés le 14 mai par la DGSI, Julian Assange dans une geôle londonienne depuis le 11 avril et Stéphanie Gibaud qui a tout perdu dans son combat contre l’évasion fiscale qui transitait par UBS. Entretien avec cette «survivante».
«Harcèlement, placardisation, isolement, licenciement, précarité»: voici le quotidien d’une lanceuse d’alerte. Son nom: Stéphanie Gibaud.
Les faits: en 2008, la hiérarchie d’UBS lui demande de détruire des documents après une perquisition. Elle refuse et dénonce l’évasion fiscale massive qu’elle a sous les yeux. En février 2019, le géant bancaire était condamné à une amende de 4,5 milliards d’euros pour «démarchage bancaire illégal» et «blanchiment aggravé de fraude fiscale». Licenciée en 2012 de la firme suisse, la spécialiste de l’événementiel se consacre désormais à la lutte contre l’évasion fiscale.
Sputnik a voulu en savoir plus sur cette femme qui se retrouve propulsée n° 2 de la liste de Nicolas Dupont-Aignan aux Européennes. Le rapport ? Mme Gibaud prévient immédiatement, la politique politicienne, ce n’est pas son truc. Elle, son truc, c’est le dossier de l’évasion fiscale, ce pourquoi elle se bat avec ténacité depuis une douzaine d’années. Pourquoi donc avoir choisi la droite souverainiste pour porter une lutte souvent connotée à gauche ?
«Je suis proche de Nicolas Dupont-Aignan parce que c’est le seul homme politique qui soit venu vers moi en 2014 […] Je lui ai expliqué que non seulement j’avais dénoncé chez UBS en interne, j’avais porté plainte contre UBS, mais que Bercy, via des fonctionnaires assermentés de leurs équipes, m’avaient demandé pendant plus d’une année, alors que j’étais toujours cadre de la banque, de sortir des informations confidentielles appartenant au serveur de mon ex-employeur. [Une démarche, ndlr] qui m’a mise en risque absolu, mais qui permet de dire à M. Sapin quelques années plus tard que ça représente quelques 20.000 comptes offshore à hauteur de 12 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. Mais vous avez un État qui vous abandonne, un État du coup de gauche. […] Ça a emporté ma vie de cadre, de salariée, de mère de famille, de femme tout court, qui m’a expulsé de Paris quelque part, puisque n’ayant plus de revenus, je ne pouvais plus payer mon appartement. Vous vous retrouvez toute seule et le petit nombre de personnes qui viennent vers vous, intègres et honnêtes, sont immédiatement stigmatisées.»
Elle prend ainsi l’exemple de personnalités de gauche qui n’ont pas marqué les esprits pour leur implication contre la fraude fiscale, de Jerome Cahuzac et ses comptes en Suisse à Pierre Moscovici, qui a enlevé Jersey et les Bermudes de la liste noire des paradis fiscaux. Les débats sur l’optimisation et l’évasion fiscale appartiennent selon elle à tous les citoyens:
«On parle d’intégrité, d’éthique et d’honnêteté. Et l’éthique et l’intégrité n’appartiennent pas aux extrêmes, pas au centre, elles appartiennent à tout le monde.»
Elle mène donc un combat de citoyen, vent debout contre l’Union européenne, qu’elle accuse de favoriser à outrance les paradis fiscaux dans le monde et surtout en son sein. Et c’est là où elle rejoint Debout la France et son projet d’Europe des nations.
«Il y a toujours ces paradis fiscaux au sein de l’Europe, la question de l’Irlande par exemple, des Pays-Bas, du Luxembourg, mais aussi de Malte et de Chypre. Rien n’est réglé et année après année, on a ce qu’on appelle les Leaks, les Panama Papers, les Paradise Papers, les Malta Files, les Football Leaks, et que rien ne change. On a beaucoup de paroles et on a peu d’actes. On a des gens qui sont payés pour parler, et qui disent que c’est compliqué.»
Elle n’y va pas avec le dos de la cuillère concernant le sort des lanceurs d’alerte, dont elle fait partie et dont elle retrace leur combat dans le livre paru en 2017, La traque des lanceurs d’alerte (Éd. Max Milo). Le plus connu d’entre eux, c’est évidemment Julian Assange, le fondateur australien de WikiLeaks, qui risque l’extradition aux États-Unis et qui a rédigé la préface de l’ouvrage de Stéphanie Gibaud.
«À partir du moment où on dit la vérité, on doit être exécuté […] La chose positive, c’est que WikiLeaks continue, malgré les six ans et demi à l’ambassade d’Équateur à Londres, et maintenant l’emprisonnement d’Assange depuis un mois, on voit que les consciences partout en Amérique du Sud, en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande, même aux États-Unis et en Angleterre, sont en train de s’éveiller, de dire il y a un véritable problème: pourquoi on n’a pas accès à l’information, pourquoi est-ce que l’information est autant verrouillée dans ces pays d’Europe occidentale et aux États-Unis qui se disent les premières démocraties de la planète?»
Comment alors protéger les lanceurs d’alerte? Les lois en vigueur ne sont-elles pas suffisantes? La loi Sapin 2 adoptée en 2016 reconnaissait ainsi officiellement le statut de lanceur d’alerte, suivie en mars 2019 par la Commission européenne. Est-ce suffisant? La lanceuse d’alerte détaille ses préconisations. Pour elle, l’alerte doit être lancée sur trois niveaux, les syndicats, l’inspection du travail ainsi que la création de lignes externes:
«Les élus en entreprise doivent avoir le courage de défendre l’intérêt des collaborateurs et de leur entreprise en même temps, c’est eux qui doivent porter le dossier. Deuxièmement, il y a l’inspection du travail, qui a un rôle plus important. Et puis troisièmement, on avait aussi proposé à ce qu’il ait des lignes externes, des lignes sécurisées, où il n’y ait pas d’interférence possible de l’entreprise à partir du moment où le collaborateur envoie un mail ou passe un coup de fil.»
Mais comment a-t-elle décidé de passer de cadre dans la communication d’UBS à lanceuse d’alerte, licenciée en 2012 et depuis au chômage?
«Moi, si je n’avais pas dénoncé cette histoire d’UBS, je serais probablement partie un matin avec les menottes devant mes enfants, que j’aurais dû laisser en pyjama dans l’appartement, j’aurais certainement été mise en examen, j’aurais peut-être été écrouée. Donc en fait, vous êtes coincée.
C’est un système qui est très bien pour que tout perdure. D’un côté, on fait passer des lois, bravo, tout le monde ne fait pas ça, mais qu’en est-il des cas concrets? Dans mon livre, il y a 50 cas différents, des PME, des banques, des laboratoires pharmaceutiques, et quel que soit le cas, on arrive à la même situation, harcèlement, placardisation, isolement, licenciement, précarité, des procédures en justice qui n’en terminent pas, des lois qui passent, mais qui ne nous sont pas applicables.»
Source Sputnik-News via Aphadolie
Voir :
La fraude fiscale est une arme pour asservir le peuple – Monique Pinçon-Charlot [Vidéos]
Invité au spectacle de la banque UBS, Thomas Wiesel frappe fort [Vidéo]
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