La religion du « saint Fric » amène à tous les abus, sans considération pour le consommateur trompé, ni pour les humains exploités par ces voyous. Partagez ! Volti
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Auteur Inès Léraud pour BastaMag
Cheritel, un important grossiste de fruits et légumes, a été jugé et condamné fin 2018 pour avoir violé durant plusieurs années, via une société bulgare, les droits de salariés étrangers. En interne, d’anciens employés interrogés par Basta ! épinglent aussi les pratiques managériales du groupe. L’entreprise s’est encore illustrée dans un autre domaine : les services de l’État l’ont prise en flagrant délit de « francisation » de tomates, en réalité achetées à bas coût dans d’autres pays. Des affaires qui illustrent les pratiques parfois peu reluisantes de l’agro-industrie, au sein de laquelle les marges se gagnent autant sur le travail que sur l’environnement.
L’affaire se passe à Grâces, en périphérie de Guingamp, au cœur de l’agro-industrie bretonne. Ici, il n’est pas rare de croiser des habitants qui ont un temps travaillé pour le groupe Cheritel, un important grossiste local qui approvisionne les enseignes Leclerc, Intermarché, Auchan, Carrefour, Système U, Aldi, ou encore Quick et KFC. Via ses quatre sociétés, Cheritel distribue, mais aussi découpe, transforme, conditionne et expédie des fruits et légumes. L’entreprise, qui revendique 45 millions d’euros de chiffre d’affaires et 120 salariés, est dirigée depuis plus de 30 ans par Jean Cheritel, que certains de ses anciens collaborateurs aiment surnommer « le Bernard Tapie de Guingamp ».
C’est dans les années 1980, à une période où les intermédiaires agricoles prennent du poids, que ce fils de paysans bretons réalise une ascension rapide dans le commerce de gros. Aujourd’hui, Jean Cheritel est aussi actionnaire et ex-administrateur du club de football professionnel de l’En avant Guingamp, gérant d’une demi-douzaine de sociétés civiles immobilières, de deux holding, et d’une ferme intensive de 250 vaches laitières au Maroc.
47 000 heures de travail dissimulées entre 2012 et 2016
Depuis quelques années, son groupe se distingue aussi dans les chroniques judiciaires. En 2012, l’inspection du travail découvre que plusieurs industriels bretons, dont Cheritel Trégor légumes, l’une des sociétés du groupe, font travailler de la main d’œuvre étrangère sans la déclarer, via une société d’intérim bulgare, Vadi Job. Malgré les avertissements des services de l’État, Cheritel persiste. En 2017, l’entreprise et son gérant sont finalement cités à comparaître devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc.
Au sein du groupe Cheritel, « sur la période de mars 2012 à avril 2016, plus de 47 000 heures de travail ont été dissimulées par l’entreprise [Vadi Job], observe le vice-procureur lors du procès. Soit l’équivalent de 29 emplois à temps plein sur une année. Le préjudice pour la sécurité sociale est évalué à 261 610 euros. Ce sont des opérations frauduleuses particulièrement lucratives pour une entreprise. » D’après l’avocat du groupe, maître Guillotin, ce n’est pourtant pas dans un but lucratif que son client a recours à des intérimaires bulgares, mais « parce qu’il ne trouve personne pour venir travailler ».
Sous couvert d’anonymat, une dizaine d’ex-salariés nous ont confié leur expérience. Tous ont quitté l’entreprise il y a moins de deux ans. D’anciens commerciaux confirment les propos de l’avocat, mais en y apportant un éclairage quelque peu différent : « La ligne d’épluchage oignons-échalottes [le groupe Cheritel commercialise des légumes prêts à cuire] ne fonctionne qu’avec des Bulgares. Aucun français ne supporte ce poste. Ils restent une demi-heure. Ils vomissent. Parce que c’est de l’oignon et il n’y a que des masques en papier, pas de lunettes. Vous imaginez éplucher des oignons toute la journée ? Donc il a fait appel à des intérimaires bulgares, qui travaillent très bien et ne se plaignent pas. » La précarité absolue d’un travailleur étranger non déclaré n’aidant pas non plus à revendiquer de meilleures conditions de travail…
Des salariés mal-logés qui reversent leurs loyers à… Jean Cheritel
Selon l’enquête menée par l’inspection du travail, les personnes bulgares dédiées aux postes d’épluchage étaient pour la majorité des femmes. Celles-ci avaient été recrutées en Bulgarie directement pour la société Cheritel. Au mépris de la directive européenne sur le travail détaché, certaines avaient dû financer leur voyage en France. La plupart n’étaient pas retournées dans leur pays d’origine depuis leur embauche – parfois depuis plusieurs années. Deux élus de la CFDT (Fédération générale de l’agroalimentaire) ont tenté à plusieurs reprises de se rendre au domicile de ces employés. En vain. Selon eux, un homme leur aurait bloqué l’accès, placé par la société d’intérim Vadi Job afin de servir d’interprète aux travailleurs détachés, mais aussi visiblement de veiller à ce qu’ils n’entrent pas en contact avec la population locale. Toujours selon la CFDT, cet homme aurait aussi été en possession de leurs pièces d’identité.
Revenus plus tard avec l’inspection du travail, nos deux syndicalistes découvrent que les employés sont logés dans un pavillon de quatre chambres avec une seule salle de bains mixte. D’après leurs estimations, jusqu’à 17 personnes pourraient vivre sur place. Un loyer de 130 à 150 euros est prélevé directement par Vadi Job sur le salaire de chaque habitant et reversé au propriétaire de la maison : Jean Cheritel, lui-même ! « Le fait que M. Cheritel perçoive des loyers par l’intermédiaire d’une société civile immobilière accentue le caractère mercantile de l’opération », a déclaré le vice-procureur lors du procès concernant l’emploi des travailleurs bulgares. Par ailleurs, certains n’ont pas de contrat individuel, les heures supplémentaires ne sont ni déclarées, ni payées.
Une mission syndicale en Bulgarie …/…
« Depuis que j’ai quitté l’entreprise, j’ai appris ce qu’étaient les RTT et je revis ! »…
« Je ne serre pas la main à des gars comme toi »…
Changements d’emploi du temps, avertissements et accusations de vol….
« J’ai été élu. Mais une semaine après, j’étais licencié pour faute grave »…
Des fraudes sur la provenance des tomates, « en quantité industrielle »…
« Que l’opérateur travaille avec la grande distribution décuple l’effet néfaste de la pratique »…
Une pratique encore plus courante avec la viande de porc….
Le 11 décembre 2018, le groupe Cheritel est finalement condamné par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc à 261 610 euros d’amende pour « délit de marchandage (…) commis à l’égard de plusieurs personnes : opération illégale à but lucratif de fourniture de main d’œuvre ». Son gérant, Jean Cheritel, écope de 10 000 euros d’amende, deux mois de prison avec sursis et deux ans d’interdiction d’exercer l’activité de sous-entrepreneur de main d’œuvre. L’entreprise et son dirigeant sont également condamnés à verser en tout 12 500 euros de dommages et intérêts aux parties civiles.
Source BastaMag
**Franchement ! Avec une condamnation pareille, en regard des sommes engrangées par cette entreprise, c’est dérisoire. Ça ne doit pas être la seule profiteuse sans scrupules, à se livrer à de tels abus.**
exemple de ce que veulent les grandes entreprises.
Bientot les travailleurs détachés seront français d’une region différente. ……
J’y ai bossé il y a une dizaine d’années en tant que saisonnier, j’ai fais mon mois en trois semaines. C’est un vrai esclavagiste.