Les biens communs : un thème à la mode dans les milieux universitaires et intellectuels. Mais en plus d’être un concept porteur d’espoir, les biens communs s’incarnent déjà dans des pratiques concrètes que des militants, des élus et des entrepreneurs font vivre chaque jour. Lors de la dernière Rencontre de Reporterre, un débat animé a eu lieu pour comprendre en quoi ce concept et ces pratiques constituent un nouveau chemin pour le XXIe siècle. Le voici restitué en vidéo.
Niché en haut de la rue Ménilmontant dans le 20e arrondissement de Paris, le bar-restaurant le Lieu dit nous a accueilli une nouvelle fois pour une rencontre en musique afin de conclure notre enquête sur les biens communs. Rien de tel pour commencer le débat que de sonder le public. Alors pour savoir ce qu’évoque le thème du débat chez chacun, un petit quizz distribué dans la salle demandait : pour vous qu’est-ce que les biens communs ?
En tête du classement ce sont les semences qui ont été désignées : 39 voix. En deuxième position : l’eau, les connaissances et la biodiversité avec 36 voix. Puis en troisième position les informations : 35 voix. (Classement complet à la fin de l’article). Enfin, vous n’avez pas hésité à proposer vos propres idées de biens communs : l’amour, le chocolat, la tolérance ou encore… le silence…
Les « communs » : une organisation ancienne
Pour lancer le débat, Benjamin Coriat, professeur de sciences économiques à l’université Paris 13 et membre du Collectif des économistes atterrés, a tenu à marquer la distinction théorique entre les biens communs et les communs. Ces derniers désignent une ressource gérée par une communauté qui en est la seule bénéficiaire, avec des règles qu’elle établit elle-même. A l’inverse, les biens communs constituent une ressource qui n’est pas encore gérée en communauté et selon des règles précises. L’enjeu est donc de les reconnaître comme tels afin que des ressources comme la terre ou l’eau soient gérées de manière soutenable.
Et pour Coriat, c’est selon la logique des communs que s’est organisée naturellement la campagne anglaise du XIV au XIXe siècle : avec les commonors.
Mais cette époque heureuse n’a duré qu’un temps : les manufacturiers, l’armée, et le Parlement anglais ont favorisé « l’enclosure », la pose de barrières dans les champs, une séparation symbolique pour mettre fin à ce système.
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Cette privatisation massive des terres s’est accompagnée d’une dégradation de la productivité agricole et de la qualité des sols. Ce sont des études réalisées dans les années 1980 par Elinor Ostrom, économiste récompensée par le prix Nobel en 2009 pour ses travaux sur les communs, qui l’ont mis en évidence (voir ici un aperçu de ses travaux).Depuis 2003, Terre de liens ravive l’esprit des communs dans le monde agricole. « Nous faisons des communs sans le savoir » s’amuse Philippe Cacciabue, gérant chez Terre de liens. L’association est une « machinerie », explique-t-il, qui consiste à acheter des terres pour les louer à des paysans en installation. Une foncière au fonctionnement complexe, qui doit passer par le marché (en achetant) et par l’Etat (avec des subventions) pour confier la terre à ceux qui en prendront soin.
L’espace public et numérique à se réapproprier
Quelle est la place de l’Etat dans le processus de reconstitution des communs ? Laurence Comparat, adjointe au maire de Grenoble en charge de l’accès à l’information estime qu’il doit accompagner tout en restant ouvert aux initiatives citoyennes. A la mairie de Grenoble, les élus ont pris plusieurs mesures allant dans le sens d’un retour aux communs : la mise en place de jardins publics, la remunicipalisation de l’eau… La suppression de la publicité dans les rues de la ville est la mesure qui a fait le plus grand bruit, ce qui a étonné les élus. « Quand on parle de libérer l’espace public de la publicité, du monde marchand, ça n’est pas anodin », en conclut Laurence Comparat.
S’il y a un espace qui bouleverse les formes traditionnelles de propriété, c’est bien Internet. Pour Benjamin Coriat, il permet de re-créer des communautés, et présente un espoir pour l’idéologie des communs. Le savoir et la connaissance sont au centre du réseau connecté. Christophe Henner est responsable de Wikimédia France, et plaide pour un accès à tous à la culture. Une volonté qui va à l’encontre des sociétés chargées de gérer la propriété intellectuelle et les droits d’auteur. Pour Christophe Henner, il s’agit aussi de bousculer l’idée qu’un sachant donne son savoir à un apprenant, et affirmer que les apprenants échangent dans une interaction positive.
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L’Homme libre devrait urgemment s’investir dans la réappropriation et la préservation des biens communs que la planète met gracieusement à sa disposition, avant que ceux-ci ne soient définitivement préemptés par une caste sans scrupule qui à l’avenir s’en réservera prioritairement le droit d’usage, n’en redistribuant que les surplus dénaturés à ceux qui pourront se permettre de payer pour survivre …
M.G.