Lettre d’Amadou Hampâté Bâ à la Jeunesse….

Il y a des Hommes avec un grand « H », qui n’ont de cesse de faire  passer LE message, sans se vouloir maîtres à penser, ils se veulent  guides, tout en continuant eux mêmes à chercher le leur. Hampâté Bâ est de ceux là. Proposé par Fransoaz..

Six ans avant sa disparition, l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ écrit une lettre dédiée à « La Jeunesse », pleine de force et de vigueur. Celui qui a côtoyé Théodore Monod à l’Institut Français d’Afrique Noire, et a occupé les sièges de l’UNESCO, livre là ses derniers engagements, son combat pour le multiculturalisme et la paix. Une belle leçon de vie, chargée d’espoir à l’heure où le Mali se déchire de nouveau.

Mes chers cadets,

Celui qui vous parle est l’un des premiers nés du vingtième siècle. Il a donc vécu bien longtemps et, comme vous l’imaginez, vu et entendu beaucoup de choses de par le vaste monde. Il ne prétend pas pour autant être un maître en quoi que ce soit. Avant tout, il s’est voulu un éternel chercheur, un éternel élève, et aujourd’hui encore sa soif d’apprendre est aussi vive qu’aux premiers jours.

Il a commencé par chercher en lui-même, se donnant beaucoup de peine pour se découvrir et bien se connaître, afin de pouvoir ensuite se reconnaître en son prochain et l’aimer en conséquence. Il souhaiterait que chacun de vous en fasse autant.

Après cette quête difficile, il entreprit de nombreux voyages à travers le monde : Afrique, Proche-Orient, Europe, Amérique. En élève sans complexes ni préjugés, il sollicita l’enseignement de tous les maîtres et de tous les sages qu’il lui fut donné de rencontrer. Il se mit docilement à leur écoute. Il enregistra fidèlement leurs dires et analysa objectivement leurs leçons, afin de bien comprendre les différents aspects de leurs cultures et, par là même, les raisons de leur comportement. Bref, il s’efforça toujours de comprendre les hommes, car le grand problème de la vie, c’est la MUTUELLE COMPRÉHENSION.

Certes, qu’il s’agisse des individus, des nations, des races ou des cultures, nous sommes tous différents les uns des autres ; mais nous avons tous quelque chose de semblable aussi, et c’est cela qu’il faut chercher pour pouvoir se reconnaître en l’autre et dialoguer avec lui. Alors nos différences, au lieu de nous séparer, deviendront complémentarité et source d’enrichissement mutuel. De même que la beauté d’un tapis tient à la variété de ses couleurs, la diversité des hommes, des cultures et des civilisations fait la beauté et la richesse du monde. Combien ennuyeux et monotone serait un monde uniforme où tous les hommes, calqués sur un même modèle, penseraient et vivraient de la même façon ! N’ayant plus rien à découvrir chez les autres, comment s’enrichirait-on soi même ?

À notre époque si grosse de menaces de toutes sortes, les hommes doivent mettre l’accent non plus sur ce qui les sépare, mais sur ce qu’ils ont de commun, dans le respect de l’identité de chacun. La rencontre et l’écoute de l’autre est toujours plus enrichissante, même pour l’épanouissement de sa propre identité, que les conflits ou les discussions stériles pour imposer son propre point de vue. Un vieux maître d’Afrique disait : il y a « ma » vérité et « ta » vérité, qui ne se rencontreront jamais. « LA » Vérité se trouve au milieu. Pour s’en approcher, chacun doit se dégager un peu de « sa » vérité pour faire un pas vers l’autre…

Jeunes gens, derniers-nés du vingtième siècle, vous vivez à une époque à la fois effrayante par les menaces qu’elle fait peser sur l’humanité et passionnante par les possibilités qu’elle ouvre dans le domaine des connaissances et de la communication entre les hommes. La génération du vingt et unième siècle connaîtra une fantastique rencontre de races et d’idées. Selon la façon dont elle assimilera ce phénomène, elle assurera sa survie ou provoquera sa destruction par des conflits meurtriers. Dans ce monde moderne, personne ne peut plus se réfugier dans sa tour d’ivoire.

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Source Des-Lettres

Note** N’est ce pas la toute première décision présidentielle du « content-de-son-bilan » en 2012, au lendemain des élections, que de décider de l’intervention au Mali?

4 Commentaires

  1. Réflexion juste et pleine de sagesse, merci

  2. Bonjour la bergerie,
    découvrez les livres d’Amadou Hampaté Ba : « l’enfant Peul » raconte son enfance dans un village au bord du fleuve Niger, son éducation, la vie africaine en ce temps-là, les colons français pas tous méchants…un second tome dont j’ai oublié le titre raconte son passage à la vie d’adulte, les choix qu’il fera entre les cultures africaines et européennes, et l’harmonieuse combinaison qui en résultera.
    On trouve ces livres en poche ou folio, son talent de conteur est tel que l’on voit les cases, les murets, les miroitements du soleil sur le grand fleuve, on entend les rires des enfants, les disputes, tous les sons de la vie.

    Je crois que c’est lui qui a dit:
    « En Afrique quand un vieillard s’éteint c’est une bibliothèque qui brûle… »
    https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_smile.gif

  3. Quelle lettre ! Quel bon langage ! Et toujours il renvoie vers l’intérieur pour ensuite aller vers l’extérieur: faire la Paix en soi pour qu’elle puisse surgir au dehors.
    Combien c’est vrai.
    Un homme magnifique, un regard plein de sagesse avec une petite pointe de tristesse.

  4. Sur les traces d’Amkoullel, l’enfant peul (1998) , Contes initiatiques peuls (2000), pour ceux qui ne connaissent pas ce grand Monsieur , je vous conseille vivement de lire ces merveilleux livres !
    Et en parlant d’écrivain africain , une nana exceptionnelle à découvrir : Fatou Diome ;  » le ventre de l’Atlantique » , « Celles qui attendent »….
    Merci pour ce partage , ce message plein de sagesse !

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