Il s’agit de la BNS (Banque Nationale Suisse) mais, il doit en être de même pour toutes les banques, qui devront être « sauvées » un jour ou l’autre. Gare à votre épargne ! Depuis que la menace plane… Partagez ! Volti
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« Les Suisses qui se croient encore à l’abri de la crise européenne vont connaître un réveil brutal… »
Interview de Vincent Held, auteur du Crépuscule de la Banque nationale suisse, par Orbis Terrae, Bernard Antoine Rouffaer, janvier 2019
L’ouvrage de Vincent Held aborde une série de sujets brûlants : la politique d’affaiblissement du francs suisse menée par la Banque nationale suisse (BNS), l’imbrication de cette politique avec celles des banques privées suisses, la politique d’acquisition d’obligations d’Etat en dollars et en euros au détriment de la constitution d’un véritable fonds souverain… Le livre de M. Held touche au cœur nucléaire de la prospérité helvétique. Et ce qu’il nous apprend n’incite pas à l’optimisme.
Orbis Terrae : Si la zone euro venait à entrer dans une phase de désintégration, quel serait l’effet sur le bilan de la Banque nationale ?
Vincent Held : À l’heure actuelle, plus de 500 milliards de francs sont détenus auprès de la BNS non seulement par des banques, mais également par des fonds de pension, des assurances, et même des assurances sociales ! À travers la Banque nationale, c’est le système financier suisse dans son ensemble qui a été rendu solidaire du surendettement euro-américain. En fait, nous ne contrôlons plus notre destin économique. Il est entièrement lié à celui des zones euro et dollar.
Orbis Terrae : À cela, on pourrait rétorquer que la BNS investit surtout dans de la dette réputée de bonne qualité…
Vincent Held : L’actuel président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, avait expliqué en 2012 déjà que la politique de son institution consistait à alimenter une « bulle » sur le marché de la dette. La BCE fait de même, pour maintenir le coût de la dette européenne à un niveau artificiellement bas. Quant à la BNS, son propre quantitative easing est intégré à ceux de ces deux banques centrales. La Suisse se retrouve ainsi étroitement associée à des montages financiers qui provoqueront tôt ou tard de « gros dégâts », pour reprendre l’expression de M. Powell. Les Suisses qui se croient encore à l’abri de la crise européenne vont connaître un réveil brutal…
Orbis Terrae : Vous nous apprenez que les capitaux américains ont saisi l’occasion de cette mise à disposition massive de francs par la BNS pour acquérir une part très importante de la capitalisation boursière des entreprises suisses. Qu’est-ce que cela nous dit du mode de recrutement et de l’efficacité des dirigeants de la BNS?
Vincent Held : C’est tout le problème de la « politique d’affaiblissement du franc » que pratique la BNS depuis une décennie déjà. En réalité, cette politique consiste à prendre des actifs suisses pour les transférer à des investisseurs étrangers. Dans un contexte de libre circulation des capitaux, il n’y a pas d’autre moyen d’affaiblir le franc de façon efficace : il faut donner aux marchés financiers internationaux ce qu’ils demandent.
C’est pour cela qu’en dix ans, les investissements étrangers directs en Suisse sont passés de 266 à 1088 milliards de francs. Et ces fonds sont investis à 95% dans le capital de nos entreprises !
Orbis Terrae : Le prix à payer pour soutenir les grands groupes exportateurs et les multinationales, c’est donc que l’économie suisse passe en mains étrangères ?
Vincent Held : Exactement ! Ceci dit, les dirigeants de la BNS ne font que ce que leur demandent les partis politiques de droite et de gauche qui noyautent l’institution. Je ne crois pas que ce soit un problème de compétence. Même si certains sont de toute évidence choisis pour leur appartenance politique ou les milieux d’affaires qu’ils représentent, il y a suffisamment de gens assez bien formés et expérimentés pour que les grandes décisions soient prises en connaissance de cause.
Orbis Terrae : M. Held, la Loi sur la Banque nationale suisse du 3 octobre 2003, qui règle l’activité de cette institution, est le fruit de la mode néolibérale des années 90. Nos députés ont-ils été à la hauteur de leur tâche en l’acceptant?
Vincent Held : Sur la loi de 2003, je relève surtout qu’elle a libéré le pouvoir politique de toute responsabilité vis-à-vis des actions de la Banque nationale. Elle a aussi autorisé expressément la BNS à utiliser les produits financiers qui l’ont depuis transformée en « bombe à retardement ». Vous remarquerez que l’expression n’est pas de moi, mais d’un responsables de la gestion des risques de l’établissement…
Orbis Terrae : Ce qui ne veut pas dire que les députés qui ont adopté la nouvelle Loi sur la Banque nationale étaient conscients de sa portée…
Vincent Held : En effet, les explications confuses du gouvernement laissent penser que celui-ci ne comprenait pas lui-même le sens du texte qu’il proposait au Parlement. Il faudra sans doute un jour poser la question à Kaspar Villiger, le ministre des Finances de l’époque, qui a fait voter cette loi…
Vous remarquerez que c’est aussi lui qui a posé les bases juridiques des lois de confiscation de l’épargne qui ont cours en Suisse aujourd’hui.
Orbis Terrae : Et qui a explicitement autorisé la BNS à brader plus de la moitié de ses stocks d’or au tournant des années 2000…
Vincent Held : Oui, pour le coup, on ne peut pas dire qu’il ne savait pas ce qu’il faisait.
Orbis Terrae : A quoi attribuez-vous la faible couverture médiatique de votre ouvrage et, en général, des activités de la BNS?
Vincent Held : Au début du livre, je démontre que depuis les années 1950 tout au moins, tous les partis politiques suisses font bloc sur les questions qui touchent à la Banque nationale. Dans ce domaine, les notions de « droite » et de « gauche » deviennent très relatives. Les dirigeants politiques de tous bords se mettent régulièrement d’accord pour prendre des décisions majeures à l’insu de la population. Même lorsque ces choix sont légitimes et facilement explicables, la dissimulation – voire la duperie – est privilégiée.
Or, depuis quelques années, nous cumulons une série de décisions impossibles à défendre vis-à-vis du public. Prenez la « loi too-big-to-fail » de septembre 2011, qui prévoit de confisquer l’épargne des Suisses pour sauver les grandes banques en difficulté. On voit bien que les soutiens de ce texte – dont notamment le Parti socialiste – sont parfaitement incapables d’assumer publiquement son contenu. Le silence qui entoure ce type de décisions est à mon avis révélateur de la proximité qui peut exister entre milieux politiques, médiatiques – et même académiques.
Interviewer : Bernard Antoine Rouffaer, janvier 2019
Article complet à lire sur Orbisterrae.ch
Le fonctionnement des banques centrales d’après Jacques Attali… (2010)
Le Crépuscule de la Banque Nationale Suisse par Vincent Held