La banale obéissance…

C’est une chronique philosophique qui paraît dans l’Humanité, sous la plume de Cynthia Fleury. On peut réfléchir sur les sujets proposés. Publié il y a presque un an, la banale obéissance, nous invite à se demander ce qui pousse à obéir. La conclusion est d’une logique imparable “S’éduquer, c’est sans nul doute prendre le risque de mettre fin à l’obéissance.” Partagez ! Volti.

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Auteur Cynthia Fleury pour l’Humanité

Cette citation, chacun la connaît, et Frédéric Gros, tout autant, puisqu’il l’a choisie en exergue de son livre. « Les monstres existent, mais ils sont peu trop peu nombreux pour être vraiment dangereux ; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter », déclare Primo Levi, qui a écrit ses lignes, et qui se donnera la mort, après avoir vécu l’enfer.

La raison de l’obéissance, de la servitude volontaire, du conformisme, de la soumission continue d’intriguer tant ces phénomènes perdurent, alors même qu’une modernité devrait les destituer. Frédéric Gros revient dans Désobéir (Albin Michel, Flammarion, 2017) sur les mécanismes qui charpentent le consentement de l’inacceptable et, à l’inverse, sur les figures archétypales de la résistance, d’Antigone à Thoreau, en passant par la folie d’Eatherly. Il est vrai que la question demeure, avec aujourd’hui la disparition de la classe moyenne, prise en étau entre le processus d’enrichissement des plus riches et l’appauvrissement des plus pauvres ; étrangement, le scandale de la situation n’attise pas le rejet des nantis, mais la « haine politique du peuple » se « diffracte en une série indéfinie de divisions internes. Parce que la condition des plus aisés suscite surtout la passion amère de leur ressembler, parce que la fierté d’être pauvre, alimentée par l’espérance de revanches futures, a laissé place à une honte agressive, parce que le message véhiculé partout est qu’il n’y a de sens à vivre que dans la consommation à outrance, en se laissant aspirer par le présent dans une jouissance facile ». Cela pourrait être un livre sur le ressentiment, et pas seulement sur l’obéissance, et, sans doute, derrière l’obéissance, après l’illusion de sécurité qu’elle peut procurer, c’est l’aigre rancœur qui la rend si tenace. Souvent, c’est déjà simplement la coutume, la facilité, le confort, le suivisme : on obéit pour ne pas se faire remarquer, pour rester dans le rang et faire perdurer l’illusion d’une appartenance commune, par opportunisme aussi.

Certes, il y a cette utopie heureuse, l’obéissance heureuse, celle de l’individu qui obéit naturellement parce que celle-ci témoigne de sa juste place, une forme d’harmonie absolue, ce qu’Augustin nomme « concordia ordinata ». C’est là l’utopie religieuse, sans doute, « se placer à la verticale d’une harmonie qui comble ». Étrange – ou plutôt terriblement logique – de voir d’ailleurs comment l’ordre religieux n’aime pas l’obéissance mystique, par trop radicale. Jean de la Croix, Thérèse d’Avila, les différents mystiques franciscains ont fait trembler l’Église, celle-ci préférant l’obéissance statutaire, bien sociale, l’outil de pouvoir et non l’outil de la révélation.

L’obéissance est hélas bien plus triviale ; elle est le fruit défraîchi des passions tristes : envie, vanité, défiance. Elle est indissociable du « on » qui n’est personne, écrit Jankélévitch, qui, à l’inverse, nous invite à traquer le « moi indélégable ». S’éduquer, c’est sans nul doute prendre le risque de mettre fin à l’obéissance.

de cynthia fleury pour l’Humanité

Voir aussi:

L’auto-socio-biographie “Dans la liste des voitures iconiques, il y a bien sûr la Porsche 911, la Rolls-Royce Phantom, l’Aston Martin DB5, etc. Et puis celles, tout aussi symptomatiques d’une époque et d’une classe sociale, la Cox (Coccinelle), la 2CV, la Fiat 500…”

La contre-histoire de la transition “un gisement de 16 millions de tonnes de terres rares a été découvert dans la zone maritime japonaise”

Lire Machiavel.Le temps revient, dit la devise des Médicis. Il est temps de (re)lire Machiavel.
L’économie du football. “Aujourd’hui mondialisation et football sont en partie indissociables.”

Volti

19 Commentaires

  1. L’obéissance fait partie du comportement humain, deux tiers de la population obéissent aux symboles de l’autorité sans se poser de question.
    Je vous renvoie à l’expérience de Milgram (très bien mise en scène en 1979 dans le film d’Henri Verneuil “I comme Icare”, avec Yves Montand).
    Cette expérience, c’était entre 1960 et 1963, et on en reparle régulièrement. Aussi sympa que soit le nom porté par Frédéric GROS, sur certains points il semble quand même un peu redécouvrir l’eau tiède.

  2. L’obéissance n’est pas forcément une contrainte pour l’homme, car toutes les vertus naissent de l’obéissance au bon Principe, tous les vices naissent de l’obéissance au mauvais Principe.
    Mais pourquoi a t-il fallu créer une éducation ? Quelle en est la cause, son origine ?
    A l’époque reculée où l’homme n’avait encore pour mœurs que ses instincts, on avait remarqué combien sa nature le portait à l’opposition, à la contradiction, à la domination.
    C’est pour enrayer ses mauvais instincts que les Mères instituèrent une discipline élémentaire qui est toujours restée depuis dans la société, et qu’on désigne encore par les mots « éducation », « convenance », « savoir-vivre », « manières comme il faut ».
    C’est cette retenue des mauvais instincts qui fut d’abord la Religion. La connaissance que l’on avait des lois qui régissent la nature humaine avait fait comprendre que l’homme doit être discipliné, « apprivoisé », pourrait-on dire, afin de pouvoir vivre dans la société des femmes, des enfants et même des autres hommes.
    On institua donc une règle de vie commune, dont l’homme comprenait la nécessité, car il s’y soumettait volontairement. C’est dans cette vie calme et bien organisée qu’on élevait son esprit vers la pensée abstraite et qu’on lui donnait les moyens de vaincre les sens dont on sut bientôt que l’usage abusif mène à la folie.
    Dans cette société idéale, l’homme ne s’appartenait pas à lui-même, il était à la vie familiale qui devint la vie sociale, et c’est cela qu’on exprime par le mot civilisé (civis, citoyen, à Rome, était l’homme affilié à la communauté).
    Toutes les communes, toutes les républiques furent primitivement des associations de vie et de travail, sous les auspices d’une Déesse nationale. Et ces républiques ont été puissantes tant qu’un même lien unissait les citoyens entre eux comme des frères, et les unissait avec la Déesse comme avec une Mère.
    La dissolution des Etats, c’est-à-dire le désordre, commença quand certains hommes, troublés par le mauvais esprit qui engendre l’orgueil, voulurent mettre leur personnalité au-dessus des autres, s’affranchir des lois établies et dominer les faibles. Cette révolte fut le commencement de l’erreur sociale, c’est-à-dire de l’injustice.
    L’éducation était encore donnée chez les Gaulois par les grandes prêtresses et prophétesses que les Romains trouvèrent dans la Gaule et dans la Germanie lorsqu’ils allèrent combattre les guerriers de Vercingétorix et d’Arminius.
    Dion parle de Gama, vierge voyante des Marcomans ; Strabon, des prophétesses chez les Cimbres ; il dit des Gauloises qu’elles sont « fécondes et bonnes éducatrices ».
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/
    Cordialement.

    • Nuance.
      On n’a pas “créé l’éducation”, on l’a codifiée.

      …L’observation animale est dans ce domaine très parlante.

  3. @ Étirév Anwen, pourrais-tu écrire moins serré en faisant quelques alinéas ? ton texte est fort difficile à lire pour qui n’a pas une vue parfaite. merci.

  4. Un tel article paraissant dans l’Humanité, cela laisse rêveur… La discipline de parti est pourtant à la base de l’idéologie marxiste. En 1939 ce journal, suivant en cela les consignes du parti communiste et de Staline via son porte-parole Thorez, pour cause de pacte-germano-soviétique appelait les ouvriers à saboter l’effort de guerre. Toujours par discipline de parti le même Thorez déserta et se réfugia à Moscou d’où il exerça une intense propagande pacifiste à l’intention des français. L’emballage à poissons qui se prétend journal ainsi que le PC”F” furent même interdits par le gouvernement à majorité socialiste de l’époque pour intelligence avec l’ennemi. Que pense l’auteur de cet article de cet exemple de “banale obéissance ?

  5. “Le jeu de la mort” (2009):

    Documentaire coproduit par France Télévisions et la Radio Télévision Suisse 1 en 2009, diffusé pour la première fois en mars 2010, et mettant en scène un faux jeu télévisé (La Zone Xtrême) durant lequel un candidat doit envoyer des décharges électriques de plus en plus fortes à un autre candidat, jusqu’à des tensions pouvant entraîner la mort.

    La mise en scène reproduit l’expérience de Milgram réalisée initialement aux États-Unis dans les années 1960 pour étudier l’influence de l’autorité sur l’obéissance : les décharges électriques sont fictives, un acteur feignant de les subir, et l’objectif est de tester la capacité à désobéir du candidat qui inflige ce traitement et qui n’est pas au courant de l’expérience.

    La différence notable avec l’expérience originelle est que l’autorité scientifique est remplacée par une présentatrice de télévision, Tania Young.

    LE JEU TV DE LA MORT Doc complet :

    https://www.youtube.com/watch?v=6w_nlgekIzw

  6. Au lieu de balancer des poncifs éculés.
    Qui va se mettre a réfléchir sérieusement au problème actuel et réagir en conséquence?

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