9 astuces pour démasquer une escroquerie intellectuelle par Carl Sagan
Auteur Suzanne Etter & Mr Mondialisation pour Mr Mondialisation
Sage cosmique, lecteur vorace, romantique incurable et philosophe brillant, Carl Sagan était tout ça à la fois, même si on s’en souvient surtout comme du saint patron de la raison et du bon sens du siècle dernier. Maître suprême de l’équilibre — vital — entre scepticisme et ouverture d’esprit, il a signé The Demon-Haunted World: Science as a Candle in the Dark (Un monde hanté par les démons : la science, une lueur au bout de la nuit), ouvrage indispensable dans lequel il offre aux lecteurs, quelques mois avant sa mort en 1996, ses réflexions intemporelles sur la science et la spiritualité. L’auteur y décrit également les techniques de raisonnement qu’il applique en toutes circonstances, en particulier aux contrevérités les plus décomplexées qui foisonnent dans notre société. Retour sur ces techniques atemporelles pour une meilleure hygiène mentale.
Au chapitre intitulé The Fine Art of Baloney Detection (l’art savant de la détection d’inepties), Carl Sagan explore les nombreux types de tromperies dont nous pourrions être victimes, de la voyance au fanatisme religieux, en passant par la recommandation déloyale de produits par des « spécialistes » rémunérés pour le faire, au carrefour des croyances, des pseudo-sciences et des marchands en blouse blanche sur petit écran. Il tenait d’ailleurs ces derniers en piètre estime, considérant que leurs actes « révèlent le mépris qu’ils éprouvent pour l’intelligence de leurs clients » et « altèrent insidieusement les attitudes des peuples face à l’objectivité scientifique ».
Au lieu de se livrer à un prêche enflammé du haut de sa supériorité, Sagan aborde le sujet de manière intimiste en parlant d’un moment où il s’est senti particulièrement vulnérable. Peu de temps après la disparition de ses parents, il se souvient avoir lui-même été attiré, l’espace d’un temps, par des promesses de retrouvailles surnaturelles de quelques charlatans. Il nous rappelle donc que de céder à de telles fables ne fait pas de nous des idiots ou des nuls, mais démontre bien que nous devons tous, même les plus instruits, nous munir des ressources adéquates pour les contrer.
Leur formation dote les scientifiques d’un « kit de détection d’inepties », soit un ensemble de techniques et d’outils cognitifs qui protègent leur esprit et bloquent les illusions dès qu’elles tentent de pénétrer leur cerveau.
« Les scientifiques déballent tout naturellement leur kit lorsque de nouvelles idées sont soumises à leur jugement. Si l’une d’elles survit après avoir été passée au crible, elle est acceptée. Mais une telle acceptation, si chaleureuse soit-elle, n’est peut-être que provisoire. Si vous ne voulez pas vous laisser séduire par des allégations mensongères, même si elles vous rassurent, vous pouvez prendre vos précautions. Il existe une méthode qui a fait ses preuves et qui est approuvée par ses utilisateurs. » (Traduction libre)
Le kit, avance toutefois Sagan, est bien plus qu’une simple ressource scientifique : il propose une démarche sceptique salutaire applicable à la vie de tous les jours. Appliqué au monde des réseaux sociaux, il devient véritablement vital tant la désinformation, les « infomercials » (faux articles commerciaux qui font la promotion d’un produit tout en prétendant informer), les fakes ou les manipulations politiques sont monnaie courante. En l’adoptant, nous nous tenons à l’abri de la fourberie et de la manipulation. Voici neuf de ces principes :
1. Les « faits » doivent, autant que possible, être confirmés par une source indépendante. Ceci ne signifie pas qu’il faut avoir confiance aveuglément aux médias officiels, eux-mêmes font le plus souvent référence à une source. Vérifier le sérieux et la validité d’une source est fondamental pour accepter une donnée dans sa zone de savoir.
2. Encouragez les débats de fond sur les éléments de preuve entre des personnes informées représentant tous les points de vue possibles. Le débat fait souvent ressortir les faits et permet d’écarter les avis qui reposent sur des avis et des croyances.
3. Rejeter les arguments d’autorité. Les « autorités » ont fait des erreurs par le passé. Elles en feront donc à l’avenir. On pourrait aussi dire qu’il n’existe pas d’autorités en science. Il existe des spécialistes, au mieux. L’appel à l’Autorité tente de donner de la valeur à un propos en fonction de son origine (la figure d’autorité) plutôt que de son contenu réel
4. Envisagez plus d’une possibilité. Si quelque chose doit être expliqué, pensez à toutes les manières dont il pourrait l’être et élaborez une « multitude d’hypothèses plausibles ». Réfléchissez ensuite à des tests qui pourraient infirmer chacune de vos hypothèses de façon logique et rationnelle. Celle qui résiste à l’expérience a de plus grandes chances de correspondre à la vérité que votre première idée.
5. Pouvoir lâcher prise sur une fausse idée séduisante. Essayez de ne pas trop vous attacher à une hypothèse simplement parce que c’est la vôtre. L’apriori n’est souvent qu’une étape de votre quête de la vérité. Demandez-vous plutôt pourquoi cette première idée vous séduit autant. Comparez-la équitablement avec les autres hypothèses. Voyez si vous pouvez trouver de bonnes raisons de l’écarter. Si vous ne le faites pas, d’autres s’en chargeront…
6. Quantifiez. Si ce que vous cherchez à expliquer se mesure, si vous l’exprimez par une donnée numérique, vous évaluerez beaucoup plus facilement des hypothèses concurrentes. Ce qui est vague et qualitatif peut s’expliquer de plusieurs manières. Toutes les interrogations qualitatives qui surgissent témoignent bien sûr de vérités à rechercher, mais les trouver présente un défi d’une autre envergure.
7. Dans une chaîne d’arguments, chacun des maillons doit fonctionner, y compris les prémisses, et pas seulement la plupart des maillons. En d’autres termes, il ne faut pas juste quelques vagues arguments pour élaborer une théorie et affirmer une vérité. Chaque argument doit être valable et former un tout solide.
8. Le rasoir d’Occam : Ce précepte commode nous enjoint, s’il y a deux hypothèses qui expliquent des données aussi bien l’une que l’autre, de préférer la plus simple ! Et par « simple », nous n’entendrons pas « simpliste » mais « plausible ». En effet, même une théorie complexe peut être la plus plausible.
9. Demandez-vous si l’hypothèse peut, au moins en principe, être réfutée. Des propositions qu’il n’est possible ni de tester ni de réfuter ne valent pas grand-chose. Prenons l’idée selon laquelle notre univers et tout ce qu’il renferme ne représentent qu’une particule élémentaire — disons un électron — d’un cosmos beaucoup plus grand. S’il nous est impossible d’acquérir des données venant de l’extérieur de notre univers, n’est-il donc pas impossible de réfuter cette idée ? Il faut pouvoir vérifier les assertions. Les sceptiques doivent avoir la possibilité de suivre votre raisonnement, de répéter vos expérimentations et de constater d’eux-mêmes s’ils obtiennent les mêmes résultats.
Il est tout aussi important d’apprendre à utiliser ces principes que de désapprendre les raisonnements erronés et d’éviter les pièges de la vie courante. Sagan nous rappelle que la société y est très vulnérable :
« En plus de nous apprendre ce qu’il faut faire pour évaluer une affirmation qui se veut exacte, tout bon détecteur d’inepties doit aussi nous apprendre ce qu’il ne faut pas faire, pour nous aider à reconnaître les pièges de la logique et de la rhétorique les plus communs et les plus dangereux. La religion et la politique nous offrent un grand nombre d’exemples éloquents, parce que leurs adeptes se trouvent très souvent obligés de justifier des contradictions. » (Traduction libre)
Il nous met donc en garde contre les vingt sophismes les plus courants, nés, pour beaucoup, de notre inconfort chronique devant l’ambiguïté :
1. L’attaque ad hominem — « dirigée contre la personne » en latin. Attaquer la personne qui argumente plutôt que l’argument. Exemple : La révérende Smith est une fondamentaliste biblique connue, de sorte que ses objections sur l’évolution ne doivent pas être prises au sérieux. Les grands esprits parlent des idées, les petits parlent des personnes. …/….
Source Mr Mondialisation
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Merci de l’avoir posté Volti ! La lecture de l’article en vaut le coup
C’est toi qui l’a posté, je n’ai fait que la mise en forme 😉 Ça rejoint ce que Fentir à mis en évidence plusieurs fois:
https://cortecs.org/materiel/moisissures-argumentatives/
Coucou, merci à vous deux !
Excellente piqure de rappelle, à préciser que cela se trouve dans les deux camps si je puis dire, comprendre aussi bien dans les médias mainstreams que ceux dit alternatifs.
Sinon c’est qui ça Fentir ? Lol.
Akasha.
Moi fais erreur de frappe c’est Fenrir, j’espère que tu n’en es pas à te poser la question… 😉
Ben oui j’avais compris que tu parlais de ce cher Fenrir, c’est pour te taquiner ma puce 🙂
Akasha.
🙂 🙂
Oui on trouve ça dans les deux camps, et on le trouve en nous même lorsqu’on a des prises de positions et que parfois on s’aperçoit que notre raisonnement est biaisé .
A ce propos, lorsque vous avez une bonne idée mais que vous savez, par avance, que personne ne la croira, vous la dites simplement en commençant vôtre idée par: Einstein a dit que….., ou Platon a dit que …… !
Croyez moi, cà marche à tout les coups, outre que les autres seront impressionnés par vôtre culture générale ! lol
Bon, ne dites jamais: macron a dit que….ou benlalla a dit que…. , parce que là, cà ne marchera pas ! lol
On peut dire aussi « Akasha a dit que », ça marche super bien 🙂
Akasha.
Ou tu peux brouiller les pistes si t’a envie de rire ! si tu dis » Macron pense qu’il faut plus de partage des richesses en France, ainsi que la re-nationalisation des entreprises « , mais je suis pas sûr que le bobard puisse tenir.