La crise expliquée simplement + demain le trading des points de retraite. Jean-Claude Werrebrouck

Il ressort de plus en plus que cette réforme des retraites, va déboucher sur une spéculation par les fonds de pensions, des points de retraite. Et ce n’est pas une bonne nouvelle. Partagez ! Volti

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Par Liliane Held Khawam

Pour illustration

Voici un monsieur qui mérite d’être écoutée. Il explique avec simplicité les mécanismes de la crise. Ci-dessous, son point de vue sur la réforme des retraites et la potentielle création du trading des points de retraite.

Ex professeur de sciences économiques à l’Université de Lille 2, Jean-Claude Werrebrouck s’est d’abord intéressé aux questions du développement, puis de l’économie pétrolière. Devenu directeur D’IUT, puis l’un des fondateurs des Instituts Universitaires Professionnalisés (IUP), il a orienté ses réflexions vers les questions liées au fonctionnement de l’Etat et du management public en général. C’est l’avènement de la présente crise qui l’a invité à redéployer partiellement le champ de ses réflexions avec la publication récente de près d’une centaine d’articles sur ce qu’il appelle la « crise des années 2010 », et pour laquelle il a conçu un blog. http://www.lacrisedesannees2010.com Jean-Claude Werrebrouck est aussi engagé dans des groupes d’actions et de réflexions tels « Roosevelt 2012 » ou le « manifeste pour un débat sur le libre échange ». Site web: www.lacrisedesannees2010.com

DEMAIN UN NOUVEAU MARCHE : CELUI DU TRADING DES POINTS DE RETRAITE…..

Tel que présenté dans le projet de loi, beaucoup en conclueront que la bureaucratie va accoucher d’une nouvelle usine à gaz. Un nouvel établissement public va naître, établissement pantin d’un marionnettiste appelé Etat, lequel va fixer les paramètres du nouveau système de retraite. De quoi dépolitiser une fois pour toutes l’un des cadres fondamentaux de nos sociétés.

Il y a dépolitisation puisque la règle sera vécue comme une extériorité radicale, une raison supérieure sur laquelle personne ne peut avoir de prise. Cette raison radicale est aussi la fin d’un système de solidarité : chacun étant entrepreneur de lui-même pourra, par le biais d’une analyse coût/ avantage complétement individualisée, acquérir une quantité jugée « optimale » de points.

Mais ce n’est pas parce que l’on aura dépolitisé l’un des cadres de la vie, qu’on aura réussi à transformer la retraite en marchandise. La suite de l’aventure sera bien évidemment l’exigence de transformation de cet objet administré qu’est le point de retraite en objet échangeable sur un marché. Impossible dira- t-on puisque la loi l’interdira.

Pour autant cette loi risque vite d’apparaître comme une insupportable répression des gains potentiels à l’échange entre acteurs dont certains désirent davantage de points de retraites, et dont d’autres y voient un actif mobilisable au profit d’ actifs de nature différente. Par exemple, diront les économistes, le calcul coûts/avantages chez les moins de trente ans et chez les plus de 60 ans, fera que ces derniers seront éventuellement acheteurs de points de retraite, tandis que les premiers seront souvent vendeurs. La position des uns et des autres dans le temps de la vie, fait qu’un échange mutuellement avantageux existe potentiellement. Ainsi un jeune pourra trouver intéressant de vendre ses points pour rendre plus aisé l’acquisition d’un logement, tandis qu’un sexagénaire ayant épargné compléterait volontiers sa retraite par acquisition de points supplémentaires.

Il n’y a aucune raison de considérer que la grande vague de financiarisation des activités humaines s’arrêtera à la question des retraites. Bien sûr, existe déjà la retraite classique par capitalisation. Mais cette dernière repose sur des actifs financiers dont on sait qu’ils sont soumis à des crises régulières, des crises qui restent dans la mémoire des retraités, notamment anglo-saxons, qui en furent victimes voici une bonne dizaine d’années.

L’avantage du point bureaucratique de retraite est que sa valeur est administrativement fixée. Il n’y a pas risque de tromperie sur la marchandise comme cela est si souvent le cas sur les marchés financiers qui doivent se protéger pas de coûteuses dépenses de couverture. En clair le point de retraite est potentiellement l’un de ces actifs sans risques tant recherchés par la finance.

La liquéfaction croissante de notre société passe donc par un marché du point de retraite, marché dont la naissance sera probablement exigée par tous les « modernisateurs » de la société, et marché que l’on ne peut concevoir à l’échelle de l’artisanat.

Il semble évident que les grandes institutions financières vont plutôt bouder les dangereux marchés de la retraite par capitalisation, pour exiger la naissance d’un confortable marché des points bureaucratiques. En cela elles s’annonceront porteuses de services « d’intérêt  général »: assurer la liquidité du marché. Les jeunes pourront facilement vendre leur portefeuille naissant et les vieux facilement ajouter au confort de leur retraite. A partir de là, toute une nouvelle pyramide financière pourra naître et demain nous verrons peut-être les points bureaucratiques dans les « appels de marge », dans les « fonds propres », dans les « produits structurés », etc.

Bien évidemment, si un tel marché devait advenir le prix du point de retraite pourra s’éloigner de la valeur administrativement fixée, un peu comme du temps de l’étalon- or où chaque monnaie pouvait connaître un cours légèrement différent de celui défini par le poids en métal précieux. C’est dire que sur une valeur solide, ( merci la bureaucratie), les traders à venir, pourront parier sur les fluctuations de prix et s’octroyer de généreux bonus au nom d’un intérêt général bien compris.

Black rock a mieux à faire que de  s’attaquer à des « bouts de retraite par capitalisation ». S’il veut faire du lobbying intelligent, il doit attendre la fin des grèves,  attendre la fin de la résistance populaire, et proposer, à terme, un gigantesque marché des points de retraite. Mais peut-être y -a- t-il pensé avant nous.

LHK

Volti

2 Commentaires

  1. Le système se délite lentement. Comme il a une grosse inertie, ça masque sa létalité. En fait, il fait eau de toute part. Ses maux viennent de loin. Une certaine souveraineté permettrait de s’en prémunir partiellement, mais le dépouillement de notre souveraineté fait partie de ces maux. C’est un facteur aggravant.
    C’est la lutte finale, mais pas celle que nous espérions il y a 50 ans : http://msclx.blogspot.com/2020/01/retraites-la-lutte-finale.html

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