Esclavage pour le profit, rien ne sera épargné à ceux qui ne sont pas nés au bon endroit. Heureusement, les consciences s’éveillent et, des initiatives voient le jour contre les exploiteurs. Ne pas céder à la propagande marketing, quand on sait, on peut choisir ce que l’on achète.
Ils travaillent jusqu’à 12 heures par jour, payées une misère, par une chaleur accablante qui parfois les terrasse. Tout cela pour ramasser des tomates « 100% italiennes » et « à savourer en famille »… Eux, ce sont les travailleurs migrants exploités par un système quasi-féodal dans le sud de l’Italie. Une fatalité ? Pas pour un groupe de jeunes italiens, qui ont, avec des migrants, créé leur propre production et marque de sauce tomate, « SfruttaZero », avec des conditions de travail dignes et respectueuses de l’environnement. Ils espèrent désormais que leur initiative pourra faire tâche d’huile.
« Autentico Italiano. »« Des tomates 100% italiennes. » Ou encore, « Une tradition à savourer en famille », vantent les slogans des marques Conserve Italia (Cirio) et Mutti, deux géants de l’agroalimentaire italien spécialisés dans la fabrication de conserves. En plus de jouer la carte du Made in Italy, ces deux marques ont en commun d’avoir été citées par la substitut du procureur général de Lecce, Paola Guglielmi, dans son enquête sur la mort d’Abdullah Mohammed [1], un travailleur agricole soudanais de 47 ans décédé d’une crise cardiaque en juillet 2015. Il récoltait alors des tomates « 100% italiennes » dans un champ de Nardò, ville de campagne située dans la région des Pouilles, le « talon » de la botte transalpine.
Depuis une vingtaine d’années à Nardò, entre 500 et 1000 travailleurs saisonniers viennent chaque été, comme Adbullah Mohammed, travailler dans les champs des propriétaires terriens le temps de la récolte des tomates – en général du mois de mai jusqu’au mois d’août. Nardò devient alors le point de rencontre entre ces travailleurs migrants, qui viennent principalement d’Afrique de l’Ouest et du Nord, et les producteurs agricoles des communes limitrophes.
Le caporalato, système d’exploitation ancestral
Installés généralement à quelques kilomètres du centre-ville de Nardò, dans ce qui est communément appelé le « ghetto », les travailleurs sont enrôlés chaque jour dans des équipes de 15 à 20 personnes constituées par les caporali. Ces derniers incarnent la figure d’un système d’exploitation ancestral, le caporalato, selon lequel un intermédiaire est missionné par une entreprise agricole pour rassembler la main d’œuvre la moins chère possible et la faire travailler, généralement sans contrat ni protection juridique.
Dans les champs, les conditions de travail sont déplorables. 60% des individus ainsi recrutés n’ont pas accès à l’eau ou aux services d’hygiène. Les travailleurs sont taxés par le caporale sur le transport et les biens de première nécessité, ce qui réduit encore leur salaire, déjà inférieur d’environ 50% à celui prévu par la loi italienne. Les saisonniers sont payés à la tâche, au cassone ramassé, soit une caisse de plus de 300 kg. Le salaire moyen varie entre 22 et 30 euros par jour, pour des journées de huit à douze heures, sous des températures pouvant atteindre les 40°C, comme le jour de la mort d’Abdullah Mohammed.
Dans son rapport sur la question, la Fédération des travailleurs de l’agro-industrie (FLAI-CGIL) estime que sur le territoire italien se trouvent entre 400 000 et 430 000 travailleurs irréguliers et potentielles victimes du caporalato dans le secteur de l’agriculture, tandis que 100 000 se trouveraient en condition d’exploitation extrême et de grande vulnérabilité [2].
« La langue est la première arme d’autodéfense »
Révoltés par cette situation à quelques pas de chez eux, des militants de la province de Lecce se sont emparés du problème. Ainsi, à Nardò, des activistes, comme les jeunes militants de l’Union des étudiants, créent le comité No Caporalato et commencent à mener les premières actions directes de solidarité dans le « ghetto » où sont hébergés les travailleurs. C’est à partir de ce noyau de militants que va se créer en 2014 l’association Diritti a Sud. Dans la lignée des premières solidarités évoquées, Diritti a Sud agit directement dans le ghetto, auprès de ses occupants.
Des cours de langue sont organisés, une priorité pour Rosa, présidente de Diritti a Sud, spécialisée dans l’enseignement de l’italien aux étrangers, pour qui « la langue est la première arme d’autodéfense ». Un soutien administratif est mis en place afin de faciliter les démarches avec la municipalité. L’association travaille aussi à l’accompagnement psychologique des migrants, « qui portent en eux des blessures très profondes », celles du passé, celles de la brutalité de la vie dans le ghetto.
SfruttaZero, un projet pensé « depuis la base »
Néanmoins, les militants de Diritti a Sud se rendent vite compte de leurs limites face à un secteur économique dont le poids est considérable – à elle seule l’industrie de la tomate génère 3,2 milliards de chiffre d’affaires [3]. Une rencontre avec Netzanet Solidaria, une association de Bari qui privilégie l’action « depuis la base », va leur permettre de donner corps à une véritable alternative. Diritti a Sud adhère alors au projet SfruttaZero, littéralement « Sans exploitation », une initiative qui vise à produire une sauce tomate en respectant les règles juridiques et en luttant contre l’exploitation intensive des personnes et de la terre.
En 2015, étudiants, jeunes précaires, activistes et migrants qui composent l’association lancent leur propre production agricole, suivant les conseils du plus âgé d’entre eux, Carlo, un paysan italien au passé militant. Les premiers investissements nécessaires – outils, semences, terre louée à un particulier – sont financés grâce à une somme de 8000 euros recueillie sur une plateforme de financement participatif. Les premiers résultats sont encourageants, avec 2500 bouteilles de 500 grammes produites la première année, et 13 000 la seconde.
Travailler sans être exploité
En 2017, pour la troisième année consécutive, les paysans « anti-exploitation » se sont réunis de mai à août sur un terrain à nouveau loué à un particulier, à quelques kilomètres du centre-ville de Nardò. Cette année, le travail est simplifié par le raccord du terrain au réseau d’irrigation communal, géré par une coopérative. Dès 7h du matin, les premiers membres de l’équipe sont sur place, entre les rangées de tomates en plein air. Cultivées sans pesticides, avec le moins d’engrais possible au profit de compost, les tomates sont classées en deux variétés, une « standard » et une locale, la « salentina ».
Vers 10h, l’équipe du jour est au complet, comptant jusqu’à une vingtaine de personnes en période de récolte. Les derniers arrivés apportent le café aux premiers, pour une pause méritée. Ensemble, militants, migrants et bénévoles s’affairent toute la journée. Payés à l’heure – chaque travailleur reçoit un salaire horaire de 7,19 euros nets – et non aux tomates ramassées, ils prennent le temps de bien faire. Les tomates sont cueillies et non arrachées, les pauses à l’abri du soleil sont respectées. Ici, eau et sandwichs sont fournis, ce qui n’est pas le cas dans les exploitations dirigées par les caporali, comme le confirme Gora, un jeune sénégalais de 23 ans : « Avec les capo, c’est un travail de m… Il faut acheter à manger, à boire. Même pour se laver, l’eau est payante ».
A la fois « travailleurs » et « militants »
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Auteur Sylvain Bianchi pour BastaMag
A voir : le documentaire « L’Empire de l’Or Rouge », diffusé le 13 février à 23h sur France 2 (voir la bande annonce).
Notes:
[1] « The terrible truth abour your tin of Italian tomatoes », The Guardian, 24 octobre 2017.
[2] Osservatorio Placido Rizzotto, « Terzo rapporto agromafie e caporalato », FLAI-CGIL, 13 mai 2017.
[3] « Pomodoro da industria, il punto sulla stagione 2017 », AgroNotizie, 12 septembre 2017.
Voir:
Compteurs Linky et canons à neige : les alertes « écolo » de la Cour des Comptes
Loin des clichés, quand les chômeurs créent de l’activité grâce à leurs allocations
ouais mais bon… plus on leur niquera la gueule en Europe, plus ils seront disposés à secouer le cocotier chez eux,
dans les arbres ou dans les îles…..où y’a tout ce qu’il faut pour la vie facile…
Non..!!! tout cet étalage de bonne conscience pour l’accueil de ces « » »pauvres migrants » » » ne serait in fine qu’un moyen (de +) pour s’enrichir encore et encore en poussant les salaires à la baisse?
Finalement Marx (Karl, pas Groucho) ne nous avait pas raconter de conneries avec son « armée de réserve » ( chapitre 25 du premier volume de Das Kapital)
Le libéralisme c’est l’exploitation de l’homme par l’homme.
Le marxisme, c’est le contraire…
Bon, OK, je sors !