Pour sauver la forêt du Morvan, des gens se groupent pour l’acheter peu à peu….

Voilà ce qu’il faudrait faire pour lutter contre les saccageurs de forêts, et autres exploiteurs de la Nature. Regroupement des bonnes volontés et achats de terres et forêts, pour qu’elles ne finissent pas dans les mains des pirates du vivant..

Jacques Gorlier inspecte une ancienne friche achetée par le groupement, où la forêt se développe naturellement. © Émilie Massemin/Reporterre

Les belles forêts de feuillus morvandelles laissent peu à peu place à des monocultures de pins douglas, prisés par l’industrie du bois. Pour lutter contre cet enrésinement, un groupement forestier de 530 associés gère en sylviculture douce les parcelles de hêtres, chênes, et autres merisiers qu’elle a achetées.

Un peu à l’écart de la route, après la sortie d’Autun, les silhouettes vert foncé des douglas s’alignent, identiques et bien rangées. À côté de la voiture, un tas de grumes, identiques et bien rangées. Entre les deux, un paysage désolant de sol à nu, envahi par la broussaille. Les taches roses de jolies digitales n’arrivent pas à égayer l’ambiance. Lucienne Haese, ancienne présidente de Autun Morvan écologie, fondatrice et ancienne cogérante du Groupement forestier pour la sauvegarde des feuillus du Morvan (GFSFM), ne décolère pas. « Le Morvan devient une usine à bois, fulmine-t-elle. Ils coupent ras les feuillus pour planter des monocultures de douglas ! » Jacques Gorlier, cogérant du GFSFM, examine une pile de troncs. « Du hêtre, du chêne, du châtaignier et même du merisier. Les camions ont déjà dû en sortir quelques-uns. Avant, on avait un chantier comme ça tous les cinq-six ans ; maintenant, c’est partout. »

Au début du XIXe siècle, la forêt, qui couvrait une bonne part des collines morvandelles, était principalement constituée de chênaies-hêtraies. Les résineux sont apparus dans le paysage durant les années 1970. Aujourd’hui, le taux d’enrésinement dépasse 50 %. « Dans les années 1960, l’État a subventionné les plantations d’arbres à pousse rapide, comme les douglas. Résultat, la Caisse d’épargne a enrésiné 2.300 hectares de forêt, notamment sur la commune d’Arleuf (Nièvre) et Axa assurances 900 hectares en Côte-d’Or, dans des secteurs très paysagers », raconte Lucienne Haese. Depuis, ces investisseurs institutionnels ont revendu, mais les parcelles de douglas sont restées, stimulées par la demande. « Deux très grandes scieries sont installées en Bourgogne : Sougy, à Sougy-sur-Loire (Nièvre), et Fruytier, à La Roche-en-Brenil (Côte-d’Or), pointe Jacques Gorlier. Ils passent quasiment 2.000 mètres cubes de bois par jour et ne prennent que du résineux. »

La monoculture de douglas colonise les forêts de feuillus. © Émilie Massemin/Reporterre

Les parcelles de douglas sont souvent cultivées de manière intensive. « En futaie régulière, les rotations durent vingt à quarante ans, explique Tristan Susse, expert forestier. À l’issue d’un cycle, la parcelle est rasée. » Les conséquences de ces coupes rases sont désastreuses. « Les habitats de la faune et de la flore sont détruits. Le ramassage des branchages est réalisé à la pelle, ce qui racle et enlève l’humus. Le sol nu, exposé en plein soleil, s’appauvrit. Quand le terrain est en pente, l’eau ruisselle et emporte la terre. »

Des arbres laissés agoniser sur pied

Lucienne Haese, « Lulu », pour les amis, ne s’est jamais habituée à cette évolution. « Les gestionnaires dépouillaient les troncs de leur écorce et laissaient les arbres mourir sur pied, c’était affreux. J’ai même écrit à Raymond Barre pour qu’il empêche ça », raconte l’ancienne experte-comptable, originaire d’une commune voisine d’Autun, revenue dans le Morvan en 1979 et qui a rejoint Autun Morvan écologie à sa création, en 1989.

Lucienne Haese devant les troncs de feuillus fraîchement coupés, merisier, chêne, hêtre et châtaignier. © Émilie Massemin/Reporterre

Cette association a lancé le Groupement forestier pour la sauvegarde des feuillus du Morvan en 2003. Objectif, acquérir une première parcelle dans la forêt de Montmain, à côté d’Autun : une hêtraie et chênaie-charmaie remarquable, où les tourbières accueillent le rossolis à feuilles rondes, protégé en France, et où les jonquilles tapissent de jaune les bois de bouleaux. « La Fondation de France avait mis 270 hectares en vente au plus offrant. Impossible de se payer ça, se remémore Lucienne Haese. J’ai contacté le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) de Bourgogne et le maire d’Autun, Rémy Rebeyrotte, pour leur demander de sauver le domaine. »

Autun Morvan écologie a acheté 32 hectares, la mairie 160 hectares et le conservatoire 60 hectares. « Cet achat était cohérent avec la vocation du conservatoire de protéger les sites naturels. Les hêtraies-chênaies ont tendance à disparaître. Les zones humides au sein de ces forêts vivent mal l’enrésinement. Il faut préserver ces milieux », dit Aurélien Poirel, chargé de mission au CEN. « Tout le monde a signé une charte pour une exploitation proche de la nature, sans monoculture et sans coupes rases », précise Lucienne Haese.

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Source Émilie Massemin pour Reporterre

Voir aussi:

Une méthode écologique d’user de la forêt : la futaie irrégulière

2 Commentaires

  1. Magnifique, comme quoi il y a plein de solution à notre portée, il suffit juste de le vouloir! C’est un article source d’espoir, ça fait du bien par les temps qui courent.

  2. bientôt la mobilisation générale
    il faut faire la gréve pour sauver les forets de Guyane
    aucune fusée ne décollera tant qu’on ne laissera pas les arbres en paix

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