Chaque année, 100 millions de grenouilles sont chassées de leur habitat naturel pour la « gastronomie » française…

Quand le dernier arbre, le dernier ruisseau, le dernier poisson, quand tout aura été abattu et consommé, ne restera t-il que l’anthropophagie pour les humains restants ? S’ils en reste…

Si les menus à base de cuisses de grenouilles ne sont pas courants, la France en importe tout de même environ 100 millions par an, principalement d’Indonésie. Un luxe qui masque un dangereux saccage de la nature à l’étranger alors que les espèces françaises ont été en grande partie décimées.

Les Français sont volontiers qualifiés de « Froggies » (« mangeurs de grenouilles ») par les anglais choqués de savoir que certains Français mangent des cuisses de grenouilles. Outre la caricature (presque plus personne ne mange de cuisses de grenouilles en France), ce sont au contraire les anglais qui étaient précurseurs en la matière comme le révèlent des fouilles réalisées en avril 2013 aux environs du célèbre site mégalithique de Stonehenge. Plus de 650 ossements d’animaux y ont été découverts dont des arêtes de poissons, des restes d’auroch – l’ancêtre du bovin – mais aussi des os de cuisses de grenouilles datant de 7 596 à 6 250 avant notre ère ! « Ils avaient vraiment des ressources alimentaires riches, ils mangeaient tout ce qui bougeait. Mais nous ne nous attendions pas à des cuisses de grenouilles« , a commenté David Jacques, l’un des chercheurs issu de l’université de Buckingham. Celui-ci formule une hypothèse : « Les cuisses de grenouilles sont pleines de protéines et très rapides à cuisiner, c’était un peu l’équivalent du fast-food au Mésolithique. »

Rappelons qu’en France, les cuisses de grenouilles ont commencé à être consommées qu’à partir du XIIe siècle et continuent de l’être dans certains restaurants « gastronomiques ». Or, depuis les années 1970, les espèces françaises de grenouilles sont protégées car elles sont menacées d’extinction, comme nombre d’amphibiens qui ont vu leur habitat se réduire dramatiquement et leur chance de survie diminuer significativement avec les nombreux axes de circulation qui les traversent.

Résultat : les cuisses de grenouilles consommées sont majoritairement des espèces tropicales, importées. Et il s’agit d’un commerce important et lucratif puisque chaque année, le premier exportateur mondial, l’Indonésie vend près de 5 000 tonnes de cuisses de grenouilles (ce qui correspond à environ 125 millions de grenouilles !) principalement à destination de la France (3 000 à 4 000 tonnes) et des Etats-Unis.

En utilisant la méthode moléculaire du Barcoding – qui permet d’identifier les espèces à partir d’une courte séquence de leur ADN – des chercheurs de l’Institut de systématique, évolution et biodiversité (Muséum national d’Histoire naturelle/CNRS/EPHE/UPMC) ont pu identifier les espèces contenues dans les sachets de cuisses de grenouilles surgelés achetés en magasins.
Dans 99 % des cas, le consommateur ne mange pas l’espèce dont le nom est inscrit sur l’emballage. Pour les non-initiés, il est difficile de faire la distinction entre les différentes grenouilles mais pour les taxonomistes, il existe une réelle différence entre l’espèce annoncée sur l’étiquette la Rana macrodon (une espèce endémique d’Indonésie, vulnérable), et l’espèce réellement vendue, Fejervarya cancrivora (un espèce également présente en Indonésie). « Dans la classification, ces deux espèces de grenouilles sont aussi éloignées que la vache et le mouton » souligne le Muséum national d’Histoire naturelle.

Or, elles ne proviennent pas d’élevages (difficiles à mettre en oeuvre) mais sont prélevées directement dans la nature… Une pratique qui pose un certain nombre de problèmes environnementaux :

  • bien que présentes dans de larges régions asiatiques et pacifiques (de l’Inde à la Nouvelle Guinée), la population de Fejervarya cancrivora risque de décliner avec une telle pression, principalement en Indonésie. Pour l’instant, sa population au niveau mondial est en augmentation et l’espèce n’est pas considérée comme menacée par l’UICN.
  • Les écosystèmes qui abritent les grenouilles (dont des mangroves) sont appauvris et déséquilibrés, favorisant la prolifération des moustiques et autres insectes qui peuvent ensuite nuire aux cultures. Raison qui a poussé l’Inde, en 1987 (il y a 30 ans déjà) à interdire l’exportation de grenouilles.
  • Un grand nombre de grenouilles chassées dans la nature sont décapitées et/ou dépecées vivantes pour en extraire leurs précieuses cuisses et une minorité agonise avant pendant le transport. Une souffrance totalement inutile.
  • Aucune étude scientifique n’a été menée sur les effets de cette collecte sur les populations de grenouilles et sur la biodiversité de l’Indonésie. Il serait certainement « trop tard » lorsque l’alerte sera lancée…

Ces résultats soulignent la nécessité d’études à grande échelle pour évaluer l’état des populations sauvages afin de mieux les protéger et nous rappellent que manger de la viande, de plus importée, n’est plus nécessaire.

Auteur Christophe Magdelaine pour Notre-Planète-Info

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13 Commentaires

  1. Du coté de chez nous, les grenouilles, c’est une tradition, beurre et persillade, astucieusement frigolées, on avait l’habitude de s’en faire un plat. on les aiment, surtout si elle sont bien préparées.

    Jadis, elle venait du pays de Dombe juste à coté (voir l’excellent film « Ridicule » film réalisé par Patrice Leconte avec Charles Berling, Jean Rochefort).

    La Dombe devenu trop pollué par les engrais et les pesticides, par l’agriculture intensive liée à la nature de son sol fertile et aux nécessité économique et la « modernité », « Le Progrès »…. Nos copines les grenouilles devenaient inconsommablent pour nos frêles existences.

    Du coup, on s’est rabattu sur les pays de l’est mais cela n’a pas durée longtemps.

    Aujourd’hui, il semblerait qu’elles viennent de Turquie. (J’ai croisé y’a pas longtemps un de leur importateur).

    Pour les végans : moi, ma grenouille préférée c’est :
    http://www.dailymotion.com/video/xdpvsg_roger-glover-love-is-all-1974_music
    https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_bye.gif

  2. Quand tu sors de la guerre de 14, que tes livres et tes cahiers d’école sont partis en boulettes dans le poele
    pour réchauffer ta mère, tes frères, tes soeurs en attendant le « Papa » parti à la guerre. Alors, au retour, manger des grenouilles, manger des papillotes, des oranges, ben… C’est le bonheur retrouvé.https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_bye.gif

  3. Ainsi que bon nombre des « vieux », j’en ai consommé.

    J’en ai même cherché et me suis délecté lors d’opérations survie en moyenne montagne.

    Maintenant, je creuse des bassins de pontes pour les grenouilles, crapauds, tritons, et je n’en mange plus.

    J’ai assez avec mes poules.

    Et je pense aux esturgeons et aux maigrats qui peuplaient la Gironde, tout comme aux anguilles qui ont quasi disparues de nos marais pour cause de pêche intensive des piballes…

    Y a aussi un moment où il faut arrêter d’être con !

  4. Pi les grenouilles, ça file une de ces pêche!

  5. je ne sais pas si on ne trouve plus de grenouilles et si les Français n’en mangent pas souvent, mais j’en ai vu tout un rayon à Au*chan tantôt et ce genre de magasin n’est pas vraiment fréquenté par la haute société..

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