WWF a été fondé il y a 54 ans par quatre scientifiques britanniques qui portaient en eux un beau rêve : Peter Markham Scott, Julian Huxley, Guy Mountfort et Edward Max Nicholson. Un rêve d’une nature préservée de la folie humaine. Après un demi-siècle d’existence, et de nombreuses polémiques, l’ONG a-t-elle réussi à poursuivre son idéal originel, ou s’est-elle fait happer par le « système » ?
Depuis l’origine de sa création, le WWF ne cesse d’être sujet à des polémiques. En 1961, le Prince Philip, alors président du WWF – Royaume-Uni, pratiquait la chasse aux tigres en Inde. On reproche rapidement à l’association d’avoir été créée par des notables britanniques dans le but de pouvoir continuer à chasser de grands gibiers africains. Son mode de financement, monté à l’époque par un acteur majeur de l’apartheid en Afrique du Sud, est également au cœur de polémiques depuis son origine. Aujourd’hui, malgré l’expansion de l’ONG et ses millions de sympathisants, les scandales et incompréhensions continuent d’alimenter les doutes autour du fameux panda. Le silence des pandas (ce que le WWF ne dit pas), un reportage produit par Deep Green Resistance, acteurs d’une écologie plus radicale, tente de dévoiler la face cachée de l’ONG tentaculaire.
D’incohérences en incohérences
Le WWF (fonds mondial pour la nature) a pour but, et ce depuis toujours, de protéger les espèces menacées. Au-delà de ses multiples actions de communication ou de terrain, l’organisme a commencé à recenser la population des tigres dans le monde. Le résultat est édifiant. Ils étaient 100 000 à peupler la terre lors du siècle dernier, il n’en reste plus que 3200, dont près de la moitié en Inde. En 2010, l’ONG lançait une grande campagne visant à créer 7 territoires de conservations repartis sur 13 États dits « du tigre » (dont L’Inde, la Chine, la Russie, le Cambodge, etc.). Les différents pays concernés ont tout de suite réagi positivement en bâtissant des parcs comme celui se trouvant entre la Chine et la Russie, ou par l’instauration d’une autorité publique garantissant la sécurité des tigres, comme c’est le cas au Népal. Toutefois, les mesures, si elles sont respectées, ne sont pas homogènes et impliquent souvent des conséquences sur les populations locales, des compromis commerciaux voire même la chasse d’autres espèces. En effet, certains dirigeants du WWF comme le roi Charles XVI Gustav ont tendance à préconiser le ‘kill to protect’ (tuer pour protéger), c’est-à-dire tuer des prédateurs pour préserver une autre espèce. Cette pratique a défrayé les tabloïds en 1988, puisque Charles XVI Gustav encourageait la traque des loups afin de sauvegarder les élans, qu’il chassait.
Autre problématique plus importante, certaines des zones réservées pour les espèces menacées sont, parfois, en pratique, trop petites ou avec un nombre insuffisant d’animaux pour jouer un rôle efficace. C’est notamment le cas en Indonésie où 80 hectares ont été conservés pour les orangs-outans (soit une diminution de 99,5% de leur habitat d’origine) laissant la majorité du territoire aux industriels de l’huile de palme. Si la création de ces réserves est une bonne chose, cette action se fait souvent au détriment des indigènes qui se font régulièrement expulser ne possédant pas d’actes de propriétés. La raison officielle évoquée est que les indigènes dérangeraient la tranquillité des animaux. Pourtant, sur place, des safaris en 4X4 sont organisés pour observer les espèces dans leur milieu naturel avec l’aide du WWF. Hormis les pollutions évidentes liées aux transports, la vie des animaux est bouleversée par les passages quotidiens des jeeps. Selon les critiques, ce type de réserve pourrait servir de façade à l’exploitation industrielle.
Copinage avec les industries
En 2004, le panda s’est engagé dans un vaste projet : la RSPO (Table ronde sur l’huile de palme durable) dont l’objectif est de rendre les plantations de palmiers à huile plus respectueuses de l’environnement. Bien que l’idée soit nécessaire pour la survie des écosystèmes, les observateurs dénoncent la participation majeur des industriels. En effet, la RSPO est composée de nombreux acteurs de terrain, mais surtout des investisseurs (Crédit Suisse, etc.), des producteurs (Wilmar, Sinar Mas, etc.), des industries utilisant l’huile de palme (Ferrero, Findus, Wilmar, etc.) et des détaillants (Carrefour, Mac Donalds, etc.). De ce fait, il est permis de douter de l’indépendance du groupe du fait des conflits d’intérêts en adéquation avec la préservation de la faune et de la flore. De nombreuses entreprises de la RSPO sont responsables de la déforestation comme Wilmar et Sinar Mas en Indonésie et cette volonté de « verdir » l’image de l’huile de palme est plus proche du Greenwashing que de la protection environnementale.
Le fait que l’ONG participe aux RSPO implique aussi que WWF accepte tacitement certaines pratiques qui sont en principe refusées selon leur propre charte, comme la commercialisation d’OGM et l’utilisation conséquente de pesticide. En effet, le label RSPO peut être apposé sur un produit si la majorité de l’huile présente est certifiée durable. Mais le même produit peut contenir une foule d’autres composants comme des aliments génétiquement modifiés. On est bien loin d’une agriculture biologique et ce type de label porte à confusion. Par exemple, le soja Monsanto a été considéré comme un produit durable par la RTRS (Table ronde pour le soja responsable) alors que l’entreprise est responsable de nombreux désastres écologiques à travers le monde. Finalement, les seules personnes qui tirent un réel bénéfice du RSPO sont les entreprises, car elles sont vues comme des vecteurs de l’écologie aux yeux des consommateurs. Dans cette guerre médiatique où chacun souhaite verdir son image, le WWF semble se positionner aux côtés de la politique du ‘greenwashing’ des industriels.
Blâmer le WWF ? Le système ? Le consommateur ?
WWF est manifestement sous dépendance financière. Les entreprises font des donations importantes (Carrefour, Lafarge, Crédit Agricole, etc.) à l’ONG placée dans une situation délicate. Le panda accepte donc sa captivité à cause d’une vision voulue pragmatique par les uns, fataliste par d’autres : « Les entreprises dominent les affaires. Sans leur implication, nous n’atteindrons jamais notre objectif qui est de préserver les habitats menacés, tant pour l’homme que pour la nature. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’influencer positivement les entreprises par des discussions et des partenariats. » se défend le panda. Le WWF joue donc la carte du compromis, avec le risque de se dissoudre dans le capitalisme et de perdre ses membres au profit d’associations plus actives comme Sea Shepherd ou plus locales et moins populaires. Tout en étant critiquable sur de nombreux points, l’ONG participe à la sauvegarde de certains écosystèmes, et si chaque projet ne porte pas ses fruits, il ne faut pas négliger le travail de terrain des nombreux bénévoles poussés par un idéal. Si le panda est fait de noir et de blanc, la vérité se trouve probablement dans une nuance de gris.
Source+documentaire de 50 minutes sur Mr Mondialisation