Vente d’Alstom : le dessous des cartes (la France une nouvelle fois escroquée par les mêmes…)

Vous voyez ce qu’il s’est passé en Grèce? Le pays étranglé et dépouillé avec la Goldman Sachs qui a joué un rôle indéniable dans cette mise à mort économique? Et ce qu’il se passe actuellement en Ukraine? Ajoutez à cela ce qui est actuellement en train d’être mis en place en Europe, et on a un nombre d’éléments incontestables pour démontrer que les Etats-Unis font main-basse sur notre continent, morceau par morceau. Quand à la France, elle est depuis longtemps démantelée, spoliée, désossée, dans le silence le plus total, enfin presque… Depuis des années, l’ensemble des entreprises privées deviennent publiques, ce qui va se généraliser avec l’accord TISA, au nom du profit.

Et rare sont les médias qui expliquent cela, ce que le Figaro à pourtant fait aujourd’hui en expliquant au travers d’une interview que la filière nucléaire française vient de passer sous drapeau américain.

Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économiste. il a travaillé entre autres au Monde, à la Tribune et au Nouvel Economiste. Il a écrit de nombreux ouvrages,nucléaire dont La crise globale en 2008 qui annonçait la crise financière à venir.

Dans son dernier livre, Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l’économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014), il analyse la guerre économique que se livrent les trois grands empires qui règnent en maitres sur la mondialisation: les Etats-Unis, la Chine et l’Allemagne.


Vendredi 19 décembre, dans un complet silence médiatique, les actionnaires d’Alstom ont approuvé à la quasi-unanimité le passage sous pavillon américain du pôle énergie du fleuron industriel. 70% des activités d’Alstom sont donc vendues au conglomérat General Electric (GE). Que cela signifie-t-il concrètement?Le protocole d’accord approuvé par Emmanuel Macron en novembre et voté par l’assemblée générale d’Alstom, le 19 décembre, est proprement hallucinant! tant il fait la part belle à Général Electric et ne correspond pas à ce qui avait été négocié et présenté au printemps dernier.

Au-delà des éléments de langage des communicants et de la défense de Patrick Kron, il s’agit, bel et bien de la vente – oserais-je dire, pour un plat de lentilles – d’un des derniers et des plus beaux fleurons de l’industrie française à General Electric.

Pour comprendre les enjeux, il faut rappeler quelques faits. Le marché mondial de la production d’électricité, des turbines, est dominé par quatre entreprises: Siemens, Mitsubishi, General Electric et Alstom. Le groupe français détient 20 % du parc mondial des turbines à vapeur. Il est numéro un pour les centrales à charbon et hydrauliques. Alstom Grid, spécialisé dans le transport de l’électricité, est également un des leaders mondiaux. Mais c’est dans le nucléaire qu’Alstom était devenu un acteur incontournable. Avec 178 turbines installées, il couvre 30 % du parc nucléaire mondial.

Ses nouvelles turbines, Arabelle sont considérées comme les plus fiables du monde et assurent 60 ans de cycle de vie aux centrales nucléaires. Arabelle équipe les futurs EPR. Mais Alstom a également des contrats avec Rosatom en Russie et avec la Chine pour la livraison de quatre turbines de 1000 MW. Alstom, faut-il le rappeler, assure la maintenance de l’îlot nucléaire des 58 centrales françaises.

Les activités nucléaires d’Alstom n’étaient-elle pas censées être sanctuarisées?

Au début des négociations avec GE, celui-ci n’était intéressé que par les turbines à vapeur et notamment à gaz. Dans l’accord du mois d’avril dernier, cette activité était vendue à 100 %, mais trois filiales 50-50 étaient créées. L’une pour les énergies renouvelables, dont l’hydraulique et l’éolien en mer. La deuxième pour les réseaux, Alstom Grid, et la troisième, pour les activités nucléaires. À l’époque, les autorités françaises, par la voix d’Arnaud Montebourg, avaient garanti que ce secteur nucléaire resterait sous contrôle français. Le vibrionnant ministre français est parti et les promesses, c’est bien connu, n’engagent que ceux qui veulent les croire.

Non seulement le 50-50 est devenu 50 plus une voix pour General Electric, mais le groupe américain détiendra 80 % pour la partie nucléaire. C’est dire que la production et la maintenance des turbines Arabelle pour les centrales nucléaires sera contrôlée par GE.

Quelles sont les conséquences sur l’industrie française, notamment sur la filière nucléaire?

On peut dire ce que l’on veut, mais c’est désormais le groupe américain qui décidera à qui et comment vendre ces turbines. C’est lui aussi qui aura le dernier mot sur la maintenance de nos centrales sur le sol français. La golden share que le gouvernement français aurait en matière de sécurité nucléaire n’est qu’un leurre. Nous avons donc délibérément confié à un groupe américain l’avenir de l’ensemble de notre filière nucléaire…

Pourquoi General Electric qui, il y a un an, n’était intéressé que par les turbines à vapeur a-t-il mis la main sur ce secteur nucléaire?

Tout simplement, parce que l’énergie est au centre du projet stratégique américain. Et que le nucléaire est une des composantes de l’énergie. Le marché redémarre. Dans les pays émergents, mais aussi en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. General Electric en était absent. Là, il revient en force et acquiert, pour quelque milliards de dollars avec Arabelle, le fleuron des turbines nucléaires.

Sur le marché chinois, l’un des plus prometteurs, Westinghouse associé à Hitachi, est en compétition face à EDF, Areva et Alstom. Arabelle était un atout pour la filière française. Que se passera-t-il demain si GE négocie un accord avec Westinghouse pour lui fournir Arabelle? C’est donc à terme toute la filière nucléaire française qui risque d’être déstabilisée à l’exportation.

Cela peut-il également avoir des conséquences diplomatiques et géopolitiques? Lesquelles?

Oui, et c’est peut-être le plus grave. Les Etats-Unis sont nos alliés, mais il peut arriver dans l’histoire que des alliés soient en désaccord ou n’aient pas la même approche des problèmes, notamment dans la diplomatie et les relations entre États. Est-on sûrs qu’en cas de fortes tensions entre nos deux pays, comme ce fut le cas sous le Général de Gaulle, la maintenance de nos centrales nucléaires, la fourniture des pièces détachées seront assurées avec célérité par la filiale de GE?

En outre, on a également oublié de dire qu’il donne à GE le monopole de la fourniture de turbines de l’ensemble de notre flotte de guerre. D’ores et déjà, le groupe américain fournit près de la moitié des turbines à vapeur de notre marine, à travers sa filiale Thermodyn du Creusot. Alstom produit le reste, notamment les turbines du Charles de Gaulle et de nos quatre sous-marins lanceurs d’engins. Demain, GE va donc avoir le monopole des livraisons pour la marine française. Que va dire la Commission de la concurrence? Monsieur Macron a-t-il étudié cet aspect du dossier?

Enfin, il est un autre secteur qu’apparemment on a oublié. Il s’agit d’une petite filiale d’Alstom, Alstom Satellite Tracking Systems, spécialisée dans les systèmes de repérage par satellite. Ces systèmes, installés dans plus de 70 pays, équipent, bien évidemment, nos armées, et des entreprises du secteur de la défense et de l’espace. C’est un domaine éminemment stratégique, car il concerne tous les échanges de données par satellite. General Electric récupère cette pépite. Quand on sait les liens qui existent entre la NSA, les grands groupes américains pour écouter, lire, accéder aux données des ennemis, mais aussi des concurrents, fussent-ils alliés, on voit l’erreur stratégique à long terme que le gouvernement vient de commettre. Le ministère de la Défense a t il donné son avis?

Peut-on aller jusqu’à parler de dépeçage?

Oui car, ne nous y trompons pas, l’histoire est écrite. Patrick Kron, actuel PDG, s’est félicité que les accords avec les Américains permettront à Alstom de vendre, d’ici à trois ou quatre ans, ses participations dans les trois sociétés communes, dans de bonnes conditions… pour les actionnaires. Ce qui restera d’Alstom, la partie ferroviaire qui aura bien du mal à survivre, reversera de 3 à 4 milliards d’euros aux actionnaires dont Bouygues qui détient 29% et qui souhaitait sortir. En fait on fait porter à Bouygues un chapeau trop grand pour lui. Ce n’est pas la raison principale de cette cession. Ni le fait que la branche énergie d’Alstom ne soit pas rentable ( seules les turbines à gaz depuis le rachat catastrophique de l’activité de ABB en 2000 posent problème ).

Quelle est alors, selon vous, la véritable raison de cette vente?

La véritable raison, quoiqu’en disent les dirigeants d’Alstom, c’est la pression judiciaire exercée par la justice américaine qui s’est saisie en juillet 2013 , d’une affaire de corruption, non jugée, en Indonésie pour un tout petit contrat ( 110 milions de dollars ). Tout se passe comme si cette pression psychique, voire physique, sur les dirigeants, la crainte d’être poursuivi, voire emprisonné ( comme ce fut le cas pour un des responsable d’une filiale du groupe aux Etats Unis ) la menace d’amendes astronomiques avaient poussé ces dirigeants a larguer l’activité énergie. Comme par hasard il y avait un acheteur tout trouvé: Général Electric. Ce ne sera jamais que la cinquième entreprise soumise à la vindicte de la justice américaine que ce groupe rachète. Au passage je rappelle que Jeffrey Immelt son PDG est le président du conseil pour l’emploi et la compétitivité mis en place à la Maison Blanche par Obama. Ce qui n’empêche pas GE d’être le champion de l’optimisation fiscale ( Corporate Tax Avoiders ) avec une vingtaine de filiales dans les paradis fiscaux. Sur 5 ans le groupe a déclaré 33,9 milliards de dollars de profits et n’a pas payé un cent d’impôts aux Etats Unis. Outre Atlantique ont dit désormais ce qui est «bon pour GE est bon pour l’Amérique «. Mais ce qui est bon pour GE ne l’est pas forcément pour la France ou l’Europe. A moins de considérer que notre avenir est de devenir une filiale de GE…

Article complet sur Le Figaro

 

7 Commentaires

  1. Je pense que le réveil sera dur mais l’avenir nous le dira.

  2. Benji dans ton intro tu dis :
     » l’ensemble des entreprises privées deviennent publiques, ce qui va se généraliser avec l’accord TISA  » ???
    Ne serait-ce pas plutôt le contraire ? https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wink.gif

  3. La suite de l’article source n’est pas piquée des vers … Il ne suffira pas de sortir de l’Euro ET de l’Europe; si on ne se débarrasse pas aussi des technocrates et des banquiers, ce sera peine perdue.

  4. General Electric finance Hitler.
     » La loi pour le redressement de l’industrie nationale [National Industry Recovery Act -NRA -NdT] du 16 juin 1933 est l’une des premières mesures fascistes prises par Roosevelt. [..] Ces idées furent d’abord suggérées par Gerard Swope de la General Electric Company, [..] après quoi elles furent adaptées par la chambre de commerce des États-Unis. » Herbert Hoover, 1952
    § General Electric Company a électrifié l’Union Soviétique dans les années 1920 et 1930, concrétisant ainsi pour les Soviétiques la célèbre formule de Lénine, « le socialisme, c’est le pouvoir des Soviets plus l’électrification ».
    § Swope et Young, de General Electric Company, entretenaient une relation intime de longue date avec la famille Roosevelt, tout comme General Electric entretenait une relation étroite avec l’Union Soviétique.
    § Que l’on trouve des administrateurs de General Electric impliqués dans ces trois faits historiques distincts – à savoir, le développement de l’Union Soviétique, la création du New Deal de Roosevelt et la montée de l’hitlérisme – semble indiquer le vif intérêt qu’éprouvent certains éléments des grandes entreprises pour la socialisation du monde. Une socialisation qu’ils mènent comme bon leur semble, en vue d’atteindre leurs propres objectifs plutôt que de garantir le maintien d’un marché impartial dans une société libre.
    § [Owen Young et Gerard Swope furent des défenseurs de premier ordre du socialisme corporatif : ] le « socialisme » pour les grandes entreprises ou l’élaboration d’un généreux système de subventions, de réductions d’impôt et de contrats juteux avec l’Etat, qui prône la privatisation des profits et la socialisation des dettes et du risque (NdT).
    § Owen D. Young, de General Electric, était l’un des trois délégués nord-américains à la réunion du plan Dawes de 1923 au cours de laquelle fut établi le programme des réparations allemandes. En consultant le contenu des plans Dawes et Young, nous pouvons voir comment certaines entreprises privées avaient la capacité de bénéficier de la puissance de l’État. Les plus grands prêts de Wall Street à l’Allemagne durant les armées 1920 furent les prêts pour les réparations. Et ce sont les investisseurs américains qui ont payé les réparations allemandes. La cartellisation de l’industrie électrique allemande sous A.E.G. (de même que la sidérurgie et l’industrie chimique §) fut rendue possible grâce à ces prêts de Wall Street §
    Antony Sutton, « Wall Street et l’ascension de Hitler », p71-75.

    • Le New Deal de Roosevelt et l’Ordre nouveau de Hitler.
      Hjalmar Schacht défia ses interrogateurs d’après-guerre à Nuremberg en faisant observer que le programme de l’Ordre nouveau de Hitler était identique au programme du New Deal de Roosevelt aux États-Unis. Naturellement, les interrogateurs maugréèrent et rejetèrent cette observation.
      § A la Roosevelt Library, se trouve un petit livre qui fut présenté à FDR par le Dr Helmut Magers, en décembre 1933. Sur la garde volante de cet hommage figure l’inscription suivante :
      Au président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, pour ma profonde admiration de sa conception d’un nouvel ordre économique et avec dévouement à sa personnalité.§
      Le New Deal ou le « nouvel ordre économique » n’était pas une création du libéralisme classique. C’était la création du socialisme corporatif. Les grandes entreprises, telles qu’elles étaient représentées à Wall Street, se battaient pour un ordre étatique dans lequel elles pourraient contrôler l’industrie et éliminer la concurrence, et cela était au cœur du New Deal de FDR. General Electric, par exemple, tient une place de première importance, à la fois dans l’Allemagne nazie et dans le New Deal. La General Electric allemande était un soutien financier de premier plan de Hitler et du parti nazi, et A.E.G.finançait également Hitler, tant directement qu’indirectement, à travers Osram. À New York, International General Electric détenait une participation majoritaire, à la fois dans A.E.G. et dans Osram. Gerard Swope, Owen Young et A. Baldwin de General Electric aux États-Unis étaient administrateurs d’A.E.G.
      § En bref, l’Ordre nouveau de Hitler et le New Deal de Roosevelt étaient tous deux soutenus par les mêmes industriels, et leurs contenus étaient similaires, c’est-à-dire qu’ils étaient tous deux des projets pour un État contrôlé par les grandes entreprises. Il existait à la fois des passerelles d’affaires et des passerelles individuelles entre l’Amérique de FDR et l’Allemagne de Hitler.
      La première passerelle était American IG Farben, la filiale américaine d’IG Farben, la plus grande entreprise allemande. Au conseil d’administration d’IG siégeait Paul Warburg de la Bank of Manhattan et de la Banque de Réserve Fédérale de New York.
      La deuxième passerelle reliait International General Electric, une filiale détenue à 100% par General Electric Company, à sa filiale allemande, A.E.G., qu’elle détenait en partie. Gerard Swope, qui élabora le New Deal de FDR, était le président d’IGE et siégeait au conseil d’administration d’ A.E.G.
      La troisième « passerelle » reliait Standard Oil of New Jersey et Vacuum Oil à leur filiale allemande détenue à 100%, Deutsche­ Amerikanische Gesellshaft.
      Walter Teagle, de la Banque de Réserve Fédérale de New York, était le président de Standard Oil of New Jersey. Administrateur de la fondation Georgia Warm Springs de Franklin Delano Roosevelt, il fut nommé par FDR à un poste administratif clé dans l’administration du Redressement national [le NRA].
      Ces grandes entreprises étaient profondément impliquées, à la fois dans la promotion du New Deal de Roosevelt et dans la construction de la puissance militaire de l’Allemagne nazie.§
      Antony Sutton, « Wall Street et l’ascension de Hitler », p186-189

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