Cambodge: 25 ans à vivre dans la forêt…

Il y a la société, et la forêt, la nature, car celle-ci permet aussi de vivre sans la moindre technologie, sans électricité, sans luxe ni grandes marques commerciales. Mais voilà, on nous a toujours expliqué que nous vivons dans une société qui n’est peut-être pas idéale mais qui s’en rapproche, et que toute alternative à ce modèle de société était marginale et insensée. Combien sont réellement persuadés qu’il est impossible de vivre en dehors de ce système, que l’on ne pourra jamais se passer de ces centres commerciaux, de ces multinationales, de ces chimères dont nous dépendons plus ou moins volontairement, parfois même sans en avoir conscience?

Bien sûr, il n’est pas garanti que nous puissions quitter le système et vivre comme ce « peuple des forêts », tous les endroits de la planète ne sont pas aussi accueillants ou riches en ressources, mais il est néanmoins possible de trouver des idées et des solutions nous permettant de choisir un modèle de société nous ressemblant un peu plus…

Montagnards_Cambodge

Corinne Purtill raconte, dans un livre, ses entretiens avec les communautés autochtones des régions reculées du Cambodge qui se sont réfugiées des années dans les forêts pour échapper aux violences perpétrées dans le pays à la fin du XXè siècle. Témoignage.

En 2008, j’ai passé 5 mois dans la province cambodgienne du Ratanakiri à interroger les membres survivants de familles errant depuis 25 ans dans la jungle après la chute du régime génocidaire des Khmers rouges en 1979. Ces familles, issues de groupes ethniques appelés montagnards (highlanders), appartenaient à des communautés autochtones du nord du Cambodge. Fuyant la violence, des milliers de montagnards ont cherché refuge dans les forêts du Cambodge et les survivants ont peu à peu réapparu vers 1979, après l’invasion, puis l’occupation, vietnamienne.

30 ans de survie dans la forêt

J’ai rencontré ce groupe de 34 hommes femmes et enfants, – à ce jour le seul connu pour avoir survécu aussi longtemps – pour la première fois en 2004 après leur arrivée dans un petit village de la province d’Attapeu, au Laos, où ils se présentaient aux villageois apeurés, comme des réfugiés de guerre. Ils ignoraient tout du monde extérieur. Ils n’avaient jamais vu de téléviseur ou de voitures. Ils ne s’imaginaient même pas que la guerre qu’ils avaient fui était terminée depuis longtemps. Les femmes auxquelles on a donné une paire de ciseaux se sont coupé les cheveux selon la coiffure règlementaire des guerilleros maoïstes, au carré sous le menton.

Au milieu des journalistes étrangers venus interroger ces familles juste après leur sortie de la jungle, nos questions tournaient autour de leur survie, comment ils avaient construits leurs abris, comment ils faisaient pour chasser, comment ils avaient confectionné leurs vêtements à partir d’écorces d’arbres… C’est à mon retour 4 ans plus tard que j’ai compris combien nous nous étions fourvoyés. La vérité était plus complexe, plus sombre, plus bouleversante – c’est cette histoire que je raconte dans Les fantômes de la forêt (Ghosts in the forest).

Bien qu’appartenant à des communautés indigènes pour lesquelles la forêt est un lieu traditionnel de refuge, de résistance et de survie, de nombreuses observations ont révélé la particularité de ce groupe. Les premiers exemples de populations autochtones tirant avantage de la forêt pour se protéger des persécutions, ont été enregistrés au XIIè siècle quand les ethnies khmères des « basses terres » ont attaqué des communautés des «  hautes terres » pour les asservir. Des sculptures en bas relief dans le temple d’Angkor représentent des esclaves marchant en rangs, enchaînés par le cou sous l’oeil d’un surveillant brandissant un bâton. Selon les écrits d’un diplomate chinois de l’époque, ils s’entêtaient à vivre dans la forêt en « sauvages » « refusant de se soumettre à la civilisation ».

Le commerce des esclaves a perduré pendant des siècles après la chute de l’empire Angkorien. Quand le royaume du Siam (actuelle Thaïlande) a annexé le Cambodge et le Laos, les communautés indigènes avaient dû payer un tribut sous forme d’un esclave par village et par an. S’en sont suivies des guerres implacables entre les villages, le pillage des tribus voisines à la recherche d’hommes valides pour les envoyer à leur place. Beaucoup de traditions folkloriques montagnardes célèbrent encore aujourd’hui les plantes locales et les animaux qui ont permis à leurs ancêtres de se cacher dans la forêt pour échapper à ces expéditions.

La forêt, un refuge traditionnel

En 1858, l’explorateur français Henri Mouhot a parcouru une province du Nord-Est du pays (probablement Kratie) et partagé pendant trois mois la vie de de la communauté Stien, non loin de l’actuelle ville de Tampuon. Frappé par l’attachement profond à la nature dans laquelle ils vivent. Henri Mouhot décrit un peuple « si fortement attaché à ses forêts et ses montagnes que les quitter pourrait les tuer ». Ces gens aiment l’ombre profonde des sous-bois impraticables qu’ils ne se préoccupent même pas de couper. Ils ne s’enracinent pourtant pas, du fait que si des difficultés de voisinage se présentent ou si un membre de leur famille meurt à cause de fièvre, ils lèvent le camp, prennent leurs enfants dans les paniers sur leur dos et partent s’installer ailleurs.

Source et article en intégralité sur Alterasia.org

Reste qu’il serait intéressant d’en savoir plus sur leurs habitudes, leur savoir-faire, les techniques au jour le jour pour cette survie dans la forêt.

2 Commentaires

  1. C’est moins pire que de vivre dans la JUNGLE des villes envahies ..
    https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_bye.gif

  2. Je suppose qu’elle parle des Hmongs, peuple nomade persécuté.
    On peut avoir une pensée pour le colonel Jambon. Il s’est donné la mort pour attirer l’attention sur ce peuple de montagnards, qui s’était rangé aux côtés de la France.

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