Entre la santé des consommateurs et le business, il faut parfois faire des choix, bonne nouvelle (mais pas pour nous), le choix a été fait! Et cela sera le business!!! Car non seulement le lobbyisme prime sur tout, mais en plus les Etats-Unis font bien savoir qu’ils n’acceptent pas l’idée-même d’une interdiction des perturbateurs endocriniens, car si ceux-ci sont interdits, l’Oncle Sam ne pourra plus exporter ses « #@-& »^à& » sur le sol européen, et donc, cela sera de grosses pertes financières:
Parmi eux, le gouvernement américain se montre particulièrement direct: «des règlements reposant sur la notion de danger conduiraient à une restriction des échanges allant au-delà du nécessaire alors qu’il existe des évaluations basées sur la notion de risque, et ne répondraient à aucun objectif légitime, ne reposant sur aucune preuve scientifique».
Adopter la notion de danger, au détriment de celle de risque, pourrait «avoir de très graves répercussions sur les importations européennes de produits agricoles américains», ajoute le gouvernement des États-Unis. Même écho du Canada, de Nouvelle-Zélande et d’Australie, tandis que l’Argentine dit craindre que l’UE n’enfreigne les accords multilatéraux signés sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Lire plus sur Euractiv
Avec le TAFTA en place, les états ne pourront de toute manière plus interdire quoi que ce soit, puisque les entreprises pourront trainer les pays devant des tribunaux indépendants, et ce sont rarement les grosses entreprises qui perdent dans ce genre de litige…
Des échanges de mails révèlent comment l’industrie chimique a torpillé l’interdiction des perturbateurs endocriniens. Un récit perturbant…
Ce n’est plus du lobbying, c’est de l’art… A Bruxelles, l’industrie chimique a réussi à saboter l’interdiction des perturbateurs endocriniens. Ces composés chimiques que l’on retrouve partout, dans les plastiques, les tapis, les dentifrices, les cosmétiques, les pesticides, et qui sont soupçonnés d’être responsables, même à très faible dose, de cancers, de troubles de la croissance et autres menus dégâts sur la santé.
Avec une maestria qui laisse baba, les lobbies ont reporté l’échéance d’au moins quatre ans. Dans un rapport rédigé en anglais et publié le 20 mai, une organisation indépendante, Corporate Europe Observatory, dévoile les coulisses de ce feuilleton. Des coulisses pas faciles à visiter : il a fallu deux ans à la journaliste française Stéphane Horel, coauteure du rapport, pour obtenir des milliers de pages de documents et plusieurs courriels croquignolets…
Experts gavés
Février 2013. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa, en anglais) s’apprête à publier un rapport étonnamment sympa pour l’industrie. A vous donner envie de déguster du perturbateur endocrinien au petit dej ! Pas si surprenant, en réalité : près de la moitié des 18 experts qui tiennent le stylo ont des liens d’intérêt étroits avec l’industrie, via des animations de colloques, des travaux de recherche ou des boulots de consultant, et les chèques qui vont avec. Manque de bol, au même moment, le 19 février exactement, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publient leur propre rapport. Et leur conclusion dépote : les perturbateurs endocriniens constituent « une menace globale » sur la santé, « qui impose de trouver une solution ». C’est clair et tranché.
Sic…
Ce détricotage de dernière minute était sans doute trop compliqué : la conclusion du rapport n’a finalement pas bougé d’un iota…
Le ridicule ne tue pas. Avec l’aide de ses « experts », l’industrie repart au combat. Pour elle, il est vital de gagner du temps : le règlement européen sur les pesticides prévoit d’établir une nomenclature des perturbateurs endocriniens avant décembre 2013. Une étape en forme de couperet : sitôt inscrits sur la liste, plusieurs pesticides, suivis d’un tas d’autres produits, seront interdits. Pour les lobbies, il y a le feu au lac : un premier rapport de travail, peu favorable à leurs intérêts, a déjà été remis à la Commission européenne. Commander un second rapport, inutile, à l’Efsa, était une première façon de jouer la montre. Mais il y a plus efficace pour gagner du temps : réclamer une étude d’impact sur le coût économique d’une éventuelle interdiction. Si c’est trop cher, tant pis pour les cancers ?
Dans les couloirs de Bruxelles, les croche-pattes de dernière minute s’enchaînent. Le 7 juin 2013 à 9 h 30, la Direction générale de l’environnement tient une réunion cruciale pour approuver un projet de définition. A 14 h 04, le géant de la chimie Bayer la court-circuite et envoie un courriel au plus haut niveau de la Commission : au secrétariat général de Barroso. Une définition « inappropriée » des perturbateurs aurait des conséquences désastreuses sur la « production agricole », plaide Bayer. Et de sortir une étude, encore une, de son chapeau. Après le déjeuner — et l’ultime message de Bayer —, la réunion capote : aucune définition n’est, validée…
Vite ! Le fer est chaud, il n’y a plus qu’à le battre et à faire monter une « controverse scientifique » là où l’OMS et les Nations unies n’en voyaient aucune… Dix jours plus tard, le 17 juin 2013, un groupe de 56 experts envoie un courrier à Anne Glover, la conseillère scientifique de Barroso. Sortis de nulle part, sans aucune lettre de mission, ces visionnaires descendent en flèche un projet qui n’est même pas encore ficelé : « Le projet actuel est basé sur une ignorance complète des principes de pharmacologie et de toxicologie. » Pas le cas de ces experts, qui connaissent leur sujet…
La victoire en chantage
Entre 2007 et 2012, le toxicologue Wolfgang Dekant, qui emmène les signataires, a cumulé à lui seul 18 contrats de recherche avec l’industrie. Un deuxième est consultant pour BASF. Un troisième, Gio Batta Gori, a empoché « plusieurs millions de dollars » avec l’industrie du tabac, selon des factures consultées par Stéphane Horel. Mais cela ne perturbe personne.
Le 2 juillet 2013, la secrétaire générale de Barroso, Catherine Day, se fend d’une très officielle note interne : étant donné les « vues divergentes » de la communauté scientifique « et les impacts potentiels sur l’industrie chimique et le commerce international », il convient de mener « une étude d’impact », laquelle renvoie l’interdiction aux calendes grecques… Le soir même, elle gèle le processus.
Victoire sur toute la ligne, et même au-delà : l’étude d’impact vient seulement d’être lancée, deux ans plus tard. Aucune interdiction ne sera possible avant 2017. Bingo ! C’était tout le plan de l’industrie : entre-temps, les négociations sur l’accord transatlantique de libre-échange (Tafta) ont bien avancé et ont rendu l’interdiction encore plus compliquée, sous la pression américaine. Le lobbying, c’est une subtile chimie…
Article en intégralité sur Le canard enchainé via Sott.net
Pour en apprendre plus sur ces perturbateurs endocriniens, lire cet article relativement complet.