Il n’est pas habituel que je mette en avant un « people » meme si j’ai beaucoup de respect pour lui, mais lorsque celui-ci à un discour aussi intelligent et éveillé, on ne peut pas faire l’impasse. Patrick Sébastien nous explique donc en partie l’actualité, la politique, et le reste…Une interview comme il y en a peu par les temps qui courent.
Patrick Sébastien : « Je suis fâché avec tous ceux qui ont le pouvoir. Pourtant, j’existe quand même. »
L’animateur flingue à tout va. À 57 ans, Patrick Sébastien ne s’interdit plus rien. Révolté notamment par les hommes politiques actuels, le producteur du Plus grand cabaret
du monde revendique sa liberté de parole. Assis devant son bureau parisien, fumant clope sur clope, l’auteur du Petit bonhomme en mousse ne manie pas la langue de bois. Ça fait du bien.
– Vous dénoncez fréquemment la politique-spectacle actuelle. Mais n’en avez-vous pas été à l’origine avec « Carnaval » dans les années 80 en invitant de nombreuses personnalités ?
Patrick Sébastien : « Je le regrette bien… Mais c’était du spectacle avant tout, une émission déjantée. J’étais le premier à humaniser les politiques. Aujourd’hui, ils viennent faire de la politique dans les divertissements. C’est ridicule et affligeant.– Entre le milieu populaire et la politique, l’écart s’est-il creusé ?
P.S. : C’est un précipice ! Dans les journaux télévisés, on ouvre sur Ségolène Royal qui se présente aux primaires alors qu’il y a des sujets graves ! Ça me fait gerber. Tout a commencé avec Sarko qui est d’une exemplarité abominable. Sans lui cracher dessus, ce n’est pas ce qui pouvait nous arriver de pire, mais on n’a pas été capable de trouver mieux. On ne dit pas « casse-toi pov’ con » même si on le pense.
– On vous sent révolté…
P.S. : Je suis fâché avec tous ceux qui ont le pouvoir. Pourtant, j’existe quand même. Je ne ferai jamais partie des soumis, quel que soit le pouvoir. Dans le service public,
beaucoup de gens ont du boulot car ils sont copains avec le Président. Il ne faut pas se leurrer.
– Michel Drucker et Laurent Ruquier refusent d’inviter Marine Le Pen. Vous, dans votre cabaret, seriez-vous prêt à le faire ?
P.S. : Pourquoi pas ! Mais je n’invite pas de politiques dans mon émission. Si je le faisais, je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas venir. On est en démocratie et tout le monde a sa place. Je suis humaniste, donc je n’exclus personne. Mais il y a des mecs à droite, au gouvernement même, bien plus dangereux que Marine Le Pen.– Marine Le Pen n’est-elle pas, comme l’affirment certains hommes politiques, plus dangereuse que son père ?
P.S. : Vous n’êtes absolument pas conscient de la manipulation à laquelle vous participez et qui est très bien organisée. Le calcul politique en ce moment, c’est de faire monter Marine Le Pen dans les sondages. L’adversaire qui l’affrontera au 2e tour en 2012 aura gagné ! Pour la droite, c’est un but évident.– C’est un peu gros…
P.S. : Mais ils ont tellement la main mise sur les médias, qu’on en est à ce point-là ! Dans les journaux, on reparle des méchantes banlieues, des criminels. Les thèmes
d’insécurité sont de retour. Ce n’est pas innocent.
– Vous ne maniez pas la langue de bois…
P.S. : Je ne suis pas exemplaire, mais j’ai la chance d’avoir une tribune pour m’exprimer. Ne pas le faire, c’est de la non-assistance à personne en danger. Un artiste se doit de donner son avis. Il est le porte-voix d’une catégorie de gens. Avant, beaucoup d’artistes se mouillaient, comme Montand, Signoret ou Balavoine. Aujourd’hui, ce n’est pas Dany Boon ou Anne Roumanoff qui vont le faire… Les Lalanne, Lavilliers ou Cali, on les a laissés dans un coin parce qu’ils l’ont ramené.
– Pourquoi cette nouvelle génération d’artistes a-t-elle changé selon vous ?
P.S. : Sous Mitterrand – et je n’avais pas voté pour lui -, on avait une vraie liberté de parole. À l’époque, je pouvais dire ce que je voulais, sauf, et c’est normal, si je troublais l’ordre public. Aujourd’hui, ma cassette est visionnée avant la diffusion et le diffuseur coupe tout ce qui dérange.– Pourtant vous continuez…
P.S. : (Il souffle) On ne peut rien faire. Et je ne vais plus continuer longtemps. On vit dans une dictature masquée. Il n’y a pas encore les soldats en arme qui vont t’arrêter
chez toi, mais on a un pied dedans.
– On dit que vous êtes, avec Laurent Ruquier, sur une liste noire de Nicolas Sarkozy…
P.S. : Je ne pense pas. Il a autre chose à foutre. Mais que l’on impose des gens sur des chaînes, sur le service public, il n’y a aucun doute. Avec moi, l’Élysée est embêtée
car je fais de l’audience.– Pourtant votre contrat à France Télévisions va malgré tout être reconduit…
P.S. : Apparemment ! On devrait signer pour deux nouvelles saisons mais on a cherché à m’imposer des clauses d’audience impossibles (24 et 22% de part de marché). J’ai finalement réussi à les baisser, mais je suis condamné à réussir.
– Politiquement, qu’est-ce qui vous révolte chez Nicolas Sarkozy ?
P.S. : Obama, sa 1ere réforme, c’est celle de la sécu. Sarkozy, lui, c’est la suppression de la pub à la télé ! Il n’y a pas quelque chose de plus urgent ? Et cette autorisation des jeux en ligne ? C’est un cadeau à dix patrons ! En plus, on autorise la publicité alors que comme la drogue et le tabac, c’est une addiction. C’est l’illustration du
système Sarkozy. J’espère que des mômes de 25 ans déboulonneront dans 15 ans avec de nouvelles valeurs. S’ils descendent dans la rue, sans être violent, qu’est-ce que je serais content ! C’est leur avenir qui se joue. »Article publié sur laprovence.fr